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Crise ivoirienne : La justice des vainqueurs s’abat sur l’épouvantail I.B.

Publié le mercredi 12 mars 2008 à 10h39min

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Ibrahim Coulibaly dit IB, ex-chef rebelle ivoirien, et douze autres prévenus sont jugés depuis le 10 mars 2008 devant le Tribunal correctionnel de Paris.

Il leur est principalement reproché d’avoir directement organisé ou apporté leur complicité à un "projet d’élimination physique du président de la République ivoirien, Laurent Gbagbo". En clair, IB est accusé d’avoir voulu renverser Gbagbo. En rappel, l’ex-sergent-chef de l’armée ivoirienne avait été arrêté en 2003 suite à des informations fournies par la Direction de la surveillance du territoire (DST), le service de contre-espionnage français.

Libéré après 3 semaines de détention, il s’était réfugié au Bénin, mais traînait comme un boulet des mandats d’arrêts internationaux français et ivoiriens et surtout l’image d’un éternel comploteur.

Il faut avouer que ce bel homme qui aurait réussi dans le mannequinat a fait parler de lui pour la première à la veille de la Noël 1999, lorsque lui et d’autres "jeunes gens" ont, après de vaines revendications de soldes, renversé Henri Konan Bédié pour le remplacer par "Papa Noël", le défunt général Robert Guéi.

Puis ce fut l’éclipse jusqu’au 19 septembre 2002, où encore le soldat IB fit entendre la poudre : "C’est moi qui ai organisé le coup contre Gbagbo et ce dernier doit remercier la France, car sans les Français, nous l’aurions renversé", a-t-il laissé entendre en substance dans une interview accordée il y a quelques mois à notre confrère l’Hebdomadaire A.M.

On le voit, l’homme revendique la paternité du putsch manqué en 2002 contre le leader frontiste ivoirien et actuel premier magistrat de Côte d’Ivoire. D’où vient alors que les premiers visages de la rébellion, les MPCI, MPIGO, ont eu pour nom Tuo Fozié, Ouattara, et plus tard Guillaume Soro ?

Réponse d’IB : "Ce sont certaines personnalités burkinabè qui ont œuvré à ce que je ne sois pas au devant de la chose". En tout cas, ses adversaires ont une toute autre explication à cette absence du sergent IB au devant de la rébellion : "Il a préféré fuir pour se réfugier au Burkina Faso, puis en France, en attendant que les choses se calment pour revenir". Vrai ou faux ?

Toujours est-il qu’IB sera aux abonnés absents lorsque les FANCI ou ce qu’il en restait et les mercenaires ukrainiens affronteront les ex-rebelles.

Et comme la politique a horreur du vide, voici que fit son apparition l’ex-leader de la FESCI et grand communicateur Guillaume Soro, que la rébellion projeta au devant des feux de la rampe. Et le jeune Soro transforma l’essai jusqu’à devenir P.M. de la Côte d’Ivoire et le patron des Forces nouvelles, l’actuelle appellation des ex-rebelles.

C’est en fait de ce temps que date l’inimitié Soro/IB, compréhensible à la limite, car l’ex-sergent se sent trahi, floué à la limite, estimait qu’après avoir ferraillé, a été écarté au profit d’un arriviste.

Ce qui n’est pas totalement faux, car au plus fort de la rébellion, il n’était pas rare d’entendre que le vrai patron de ceux qui ont pris les armes contre Gbagbo allait donner de la voix, et les noms d’Alassane Dramane Ouattara et d’IB avaient été avancés par certains. Ce que dément WATAO, l’actuel com’zone de Ferkessédougou, en ces termes au sujet d’IB : "où a-t-on vu un maçon vouloir devenir président de la République ?"

Avec ce procès par contumace, l’avenir politique d’IB semble définitivement compromis. Ce sera un miracle qu’il échappe à une condamnation, et avec un casier judiciaire noir, il est certain qu’il ne pourra pas être sur la ligne du départ pour la prochaine présidentielle.

Ne voulait-il pas se rendre récemment à Abidjan pour se faire adouber par un parti qu’il a créé ? Ce sera à coup sûr le verdict des vainqueurs, car le duel a mort Soro/IB a joué à fond dans cette procédure judiciaire.

Hier amies, aujourd’hui ennemies, les deux personnalités ne peuvent que se détester. Du reste à un certain moment, même le président Laurent Gbagbo avait voulu, selon certains, exploiter cette inimitié en finançant IB par centaine de millions.

En politique, rien n’étant fortuit, toutes les connexions anti-IB ont dû jouer à fond, et le fait que le procès se déroule en terre hexagonale n’est pas si anodin que cela.

Pour tout dire, IB est tombé dans un piège comme un perdreau d’hivernage, et les analystes n’ignorent pas que ces coups d’Etat en mondovision dont on accuse l’ancien militaire du rang n’ont pour finalité que de mettre totalement hors circuit un homme qui sait beaucoup de choses sur l’histoire politique récente de la Côte d’Ivoire.

L’épouvantail IB, que l’on agite épisodiquement, ne trompe pas et s’il était si dangereux qu’on le prétend, il n’en serait pas là et n’aurait pas échoué tant de fois (coup d’Etat contre Gbagbo, attentat contre le Fokker 100 de Soro le 29 juin 2007...).

L’une des lectures que l’on peut faire de ce procès est qu’il ouvre aussi la voie à un rapprochement de la France avec la Côte d’Ivoire. Exécrables sous Jacques Chirac, les rapports entre Gbagbo et Sarkozy sont pour le moment cordiaux, et, sauf erreur, depuis l’accession de Sarko à l’Elysée, les deux hommes se sont vus deux fois (à New York lors de l’AG de l’ONU et à Lisbonne durant le sommet Europe/Afrique).

Au moment où le président français veut toiletter de fond en comble les relations France/Afrique, c’est-à-dire mettre un trait définitif à la Françafrique, qui survit à la disparition de Foccart il y a 11 ans, toutes les occasions sont bonnes pour aplanir les divergences entre l’ex-métropole et le pré carré, devenues béantes depuis le début de la crise ivoirienne.

Et si IB doit faire une mauvaise passe pour que deux Etats se réconcilient véritablement, d’aucuns n’y trouveraient pas d’inconvénient. Ne dit-on pas, avec cynisme, que face à la raison d’Etat un individu n’est rien, fût-il un ancien faiseur de président ?

Z. Dieudonné Zoungrana

L’Observateur

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