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Rehabilitation de Kaboré Tambi : Questions au pasteur Freeman Compaoré

Publié le mardi 11 mars 2008 à 11h24min

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Kaboré Tambi, assistant de santé à la retraite, n’est pas content du traitement réservé à son dossier de réhabilitation. Dans cette lettre ouverte au pasteur Freeman Compaoré, président du comité de gestion du fonds d’indemnisation des personnes victimes de violence en politique, il s’explique.

Monsieur le pasteur président,

Je viens de recevoir, le 26/02/2008, votre lettre n°2007-019/98/PM/SG/CG-FIPVVP, me notifiant le rejet de mes demandes de réhabilitation déposées les 18/01/1999 et 05/02/2001.

C’est avec respect et franchise que je déplore le temps mis avant de me notifier la décision prise par l’auguste groupe que vous présidez. Depuis le dépôt de mon dossier : 18/01/1999, 05/02/2001, vous avez voulu l’enterrer par un silence total.

Pasteur Président, si vous avez été choisi par les plus hautes autorités de notre pays pour présider le Comité national de réhabilitation, c’est sans doute en raison de vos qualités d’homme de Dieu, puisque vous êtes pasteur de votre Eglise. On ne peut donc pas croire que vous ayez un morceau de pierre à la place du cœur.

Depuis donc 1999 et 2001, ce n’est que le mercredi 4 février 2004 que le Comité, sous votre présidence, m’a reçu pour m’écouter pour la première fois. Je me suis mis à votre disposition pour répondre avec aisance à toutes les questions que vous avez voulu me poser.

Avec toute la documentation en ma possession, je vous ai expliqué l’arbitraire qui s’est abattu sur moi du 05/12/1977 au 12/02/1983, date de mon départ à la retraite anticipée (sur demande). Pendant l’entretien, j’ai eu le loisir de vous faire voir l’acharnement des autorités administratives de l’époque à en finir avec moi, car j’ai pris les commandes pour exiger l’application du décret présidentiel sur notre reclassement à la catégorie BI (Assistant de Santé). Au cours de l’entretien, j’ai pu mesurer le comportement de chacun des membres du Comité, et j’ai pu tirer la conclusion que certains (ils sont plus nombreux) avaient été très sensibles à mon problème.

Un des membres du Comité m’a dit ceci : « Vous avez été piégé en refusant une affectation. » A cette question j’ai donné la réponse suivante : « Je ne me suis pas laissé piéger, j’ai refusé une affectation arbitraire qui fait de moi le seul assistant de santé qui doit rester à l’hôpital Yalgado Ouédraogo pour assurer la garde au service des entrées tous les deux jours ; aussi après mon refus, logiquement je devais être traduit devant un conseil de discipline.

Cela n’a pas été fait ! Pour quelle raison ?

Après mon départ à la retraite (15/02/1983), j’ai obtenu, le 08/09/1983, l’autorisation d’ouverture d’un cabinet de soins médicaux. Si Monsieur Kaboré Tambi avait été un fonctionnaire inconscient, il n’aurait jamais eu l’autorisation d’exercer dans le privé.

"Un mauvais souvenir"

Après m’avoir posé toutes les questions auxquelles j’ai donné des réponses claires, vous et vos collègues m’avez remercié de la clarté de mes

propos.

Vous avez même promis de me revoir. J’ai profité de l’occasion pour vous dire mon estime pour le Ouidi Naaba (ancien ministre de la Santé) qui m’a fait son "mea culpa" devant mon épouse à son domicile après sa libération de prison à Bobo Dioulasso. Il a reconnu ses erreurs et m’a demandé pardon.

Voici un homme qui, malgré l’autorité qu’il incarne, malgré sa sagesse, a reconnu avoir piétiné plus faible que lui.

Monsieur le Président, après la rencontre, vous m’avez raccompagné jusqu’aux escaliers et vous m’avez tenu le langage suivant (Dieu m’est témoin) : "Monsieur Kaboré Tambi, vous êtes un homme franc, nous sommes mieux imprégnés de votre dossier."

Votre langage ce jour dénote-t-il de votre vrai comportement ? La suite m’a donné raison sur l’homme de Dieu que vous êtes.

Six mois après notre entretien du 04/02/2004, j’ai tenté de vous rencontrer en me rendant à votre bureau, sis à la Zone du bois ; vous m’avez reçu debout, à la sauvette, sansla moindre considération pour ma modeste personne ! Je garde un très mauvais souvenir de l’homme de Dieu que vous êtes.

Ce jour-là, vous m’avez dit ceci : « Votre dossier est en Conseil des ministres » - Trois ans que mon dossier dort en Conseil des ministres ! vous avez pris connaissance de la lettre du 14/02/2002 du Médiateur du Faso qui m’oriente vers le Comité de réhabilitation car l’arbitraire qui me frappe vient des responsables politico-administratifs de l’époque. Malgré tout, vous persistez

que mon dossier est irrecevable. Monsieur le Président, je vous ai même dit que j’ai été reçu par Monsieur Ernest Paramanga Yonli, alors ministre de la

Fonction publique, qui a relevé une erreur dans le traitement de mon dossier car bien que ne pouvant pas présenter un document de sanction, j’ai été brimé (six ans de galère : 1977 - 1983 date de ma retraite anticipée).

C’est lui qui m’avait conseillé de m’orienter vers le Médiateur du Faso puisque le Comité devait arrêter ses activités. Il avait promis de régler mon problème,

malheureusement, mon dossier a traîné dans les bureaux du Médiateur du Faso (au temps du général Tiémoko Marc Garango) jusqu’à la reprise des activités du Comité.

A quoi a servi la JNP ?

C’est à cette période que l’ancien ministre d’Etat Ram Ouédraogo m’a reçu (il était le Président du Comité de mise en œuvre des recommandations de la Journée nationale du pardon (JNP) et qui a déposé mon dossier en 2001). Je lui suis reconnaissant. . .

Monsieur le Président, à quoi a servi la Journée nationale du pardon qui s’est déroulée le 30 mars 2001 au stade du 4-Août ? Ce jour-là, j’ai remarqué la présence du Coran et de la Bible. C’est significatif, non ? Je crois que oui, car les autorités du pays ne pouvaient pas faire de la mascarade pendant cette cérémonie pleine de symboles. Ce sont ceux qui sont chargés d’adoucir les cœurs qui ont choisi de frapper ceux qu’il faut frapper et ceux qu’il faut cajoler - c’est ça aussi, la justice au pays des hommes intègres !

Après dix-neuf ans de loyaux services (janvier 1956 à janvier 1975) dans le corps de la Santé, j’ai été décoré le 5 février 1975 et fait officier de l’Ordre du Mérite voltaïque avec « agrafe santé ». Je regrette que ma carrière se soit terminée en queue de poisson...

C’est dommage et triste que ceux qui ont eu la charge de corriger les erreurs en redonnant de l’espoir aux brimés se comportent en vrais tyrans et refusent d’aimer le bon, le juste.

Monsieur le pasteur Président, je crois avoir été sincère en vous citant les noms de certaines personnalités qui ont suivi ma traversée du désert et ont voulu agir dans le sens de la justice ; il s’agit de l’ancien président Saye Zerbo, l’ancien ministre Alexandre Zoungrana de la Fonction publique, de Monsieur Ouédraogo Laousséni (ancien ministre et ancien chef du personnel du ministère de la Fonction publique).

Si vous étiez animé d’une bonne volonté, si vous étiez pour la justice et si vous vouliez toucher du doigt cette vérité qui résout les problèmes, même les plus coriaces, vous auriez pu approcher ces hommes modestes et pétris de sagesse, toujours en vie.

Le jour de la rencontre du 04/02/2004, je vous ai dit ceci : « Monsieur le président, Messieurs les membres du Comité, je connais des collègues de la santé qui, sous le régime révolutionnaire, ont fui le Burkina Faso pour la Côte d’Ivoire, mais sous l’angle de la Journée nationale du pardon ils sont revenus au pays et ont été réhabilités, et sont repartis en Côte d’Ivoire travailler ».

Peut-être que si Monsieur Tambi avait fait comme ses camarades, son problème aurait rencontré une oreille attentive de votre auguste assemblée avec votre bienveillante attention !

Une remarque : en me remettant votre lettre de rejet le 26/02/2008 et sous mes yeux, votre secrétaire a mis du corrector blanc sur l’ancienne date de la correspondance et a marqué avec un bic la date du 26/02/2008. Toute cette gymnastique dénote du tripatouillage dont mon dossier a été l’objet.

Si le Conseil des ministres du 21 mars 2007 a rejeté mon dossier, faut-il attendre onze mois pour faire une notification à l’intéressé ? Peut-on utiliser le terme Conseil des ministres pour poser les actes les plus décriés ?

Ne savez-vous pas qu’un gouvernement doit avoir une réalité comme institution et non être une institution de ministres ?

Nous sommes dans un pays de savane et tout se voit.

Même si Monsieur Kaboré Tambi avait commis une faute professionnelle, il méritait, avec la fameuse et importante Journée nationale de pardon, la grâce du pouvoir en place car plus les cœurs sont grands et nobles, plus ils pardonnent facilement.

Un adage de chez nous dit : « Il ne faut pas mettre son meilleur pantalon si on veut défendre l’injustice et la vérité . » Je reste convaincu que vous avez une part de responsabilité dans le rejet de mon dossier déposé depuis 1999.

Je n’en veux pas à un Conseil des ministres car tout dépend de ce que vous avez voulu faire de mon dossier. Monsieur le président pasteur, il faut être

sorti d’une erreur pour être en mesure d’y réfléchir.

Dans l’espoir que vous prendrez une partie de votre précieux temps pour me lire, malgré la longueur de mon écrit, je vous prie, Monsieur le pasteur président, de recevoir l’expression de mon profond respect au regard de l’idéal que vous professez en tant que chef religieux de l’Eglise protestante."

Ouagadougou, le 3 mars 2008

Le Pays

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