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Mesures gouvernementales : Pourquoi la pilule passe difficilement

Publié le mercredi 5 mars 2008 à 10h18min

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La vie chère fait la "Une" de l’actualité au Burkina Faso. Après la manifestation de Bobo Dioulaso, le gouvernement est pratiquement sur le pied de guerre pour tenter de calmer la population. On l’a vu très actif avant les casses du 28 février à Ouagadougou pour tenter de désamorcer la situation, en vain.

Et pendant que la justice s’occupe des casseurs qui se sont fait prendre la main dans le sac, le gouvernement continue son action de communication. Une démarche d’urgence pour expliquer qu’il n’y a pas eu de nouvelles taxes et que celles existantes ont même été revues à la baisse. Dans ce contexte de surchauffe sociale, les populations ont du mal à comprendre les explications du gouvernement, rivées qu’elles sont sur la valse des étiquettes. Les Burkinabè attendent du gouvernement que ses mesures fassent chuter les prix et c’est là tout l’enjeu de la stratégie de communication du gouvernement.

Comment faire accepter à des citoyens au portefeuille déjà amaigri par la vie chère et qui piaffent d’impatience, que la baisse, malgré toute sa bonne volonté, ne sera pas automatique. C’est un écueil important qui va influencer la suite des événements. Paradoxalement, les meilleurs alliés du gouvernement restent les commerçants. Depuis le 3 mars et pendant trois mois, certains produits sensibles tels le riz, le lait, le sel, les préparations à base de lait et les préparations pour l’alimentation des enfants seront exemptés de droits de douane. L’effet attendu est une importation massive de ces produits pour gonfler l’offre nationale. Mais les commerçants, qui semblent plus attachés à leurs portefeuilles qu’à toute autre considération, vont-ils attendre les nouveaux stocks avant de répercuter ou pas la baisse tant attendue ? Le gouvernement n’est pas allé au bout de sa logique dans la mesure où il n’a pas fixé de terme alors que les consommateurs, eux, ont besoin d’un signal fort.

Il n’y a pas de doute aujourd’hui que l’Etat a mal apprécié la réaction des importateurs quand il a revu les procédures d’importations. Dans l’approche sur ce dossier, on a eu l’impression de tractations entre deux partenaires sans un grand témoin que représente l’opinion. Une campagne d’information plus large aurait permis de prendre tout le monde à témoin d’autant que les conséquences de ces mesures qui devaient permettre de réduire la fraude touchaient à la consommation. La communication a été déficiente à ce niveau et les commerçants ont beau jeu de dire que c’est l’Etat qui a augmenté les taxes. Cette opération qui avait tout l’air d’un "deal" entre amis a foiré pour ainsi dire et on demande au consommateur de jouer à l’arbitre. Là où l’Etat a manqué une fois de plus d’anticipation , c’est d’avoir mal évalué la réaction des commerçants et leur capacité à entraîner les autres couches de la société dans ce mouvement de protestation contre la vie chère. Du coup, ceux que l’on avait tendance à présenter comme les renchérisseurs des prix des produits alimentaires se sont mis dans la peau de victimes, mettant ainsi le gouvernement dos au mur.

Les nouvelles mesures sont plus rigoureuses, selon le gouvernement, mais ne constituent aucunement une augmentation des taxes. Le ministre de l’Economie et des finances est catégorique : ceux qui ont l’habitude de payer régulièrement leurs taxes à l’importation verront qu’il n’y a aucune augmentation. Par contre, ceux d’entre les commerçants qui "fraudaient" sont pris au piège. Se soumettre au paiement d’une taxe qui existait, on peut en convenir, va jouer sur les marges bénéficiaires des fraudeurs ou ceux qui sont présentés comme tels.

Mais de quel droit, des fraudeurs peuvent-ils manifester aussi publiquement contre des mesures d’un gouvernement, qui visent à renflouer les caisses de l’Etat ? Les citoyens burkinabè n’ont pas été nombreux à applaudir cette mesure qui va obliger certains gros commerçants à revoir leur chiffre d’affaires à la baisse.

C’est le même scénario qui risque de se produire avec la TVA si la campagne de sensibilisation n’est pas soutenue. De petits malins ne vont pas hésiter, du fait qu’ils reversent effectivement la TVA, à augmenter leur prix. C’est une vraie bataille de communication qui attend le gouvernement dans un monde des affaires burkinabè qui a une peur bleue de la transparence. Ce sont des changements qui vont avoir du mal à passer dans un contexte mondial de hausse de prix accentué, au niveau national par une répercussion anarchique de cette hausse. Le gouvernement de Tertius Zongo a du boulot. On sait sa marge de manoeuvre très réduite. Ce n’est pas pour autant qu’il doit baisser les bras. Tous les secteurs de notre économie doivent être assainis, car le plus dur est devant nous : avec les Accords de partenariat économique (APE) qui vont donner du fil à retordre aux gouvernements. Les réformes économiques en tant de crise sont toujours douloureuses. C’est pour cela qu’il ne faut jamais s’arrêter de communiquer, d’expliquer et de réexpliquer. C’est le premier pas vers la transparence.

"Le Pays"

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