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Pour le député Nestor Bassière de l’UPS : "La réaction du peuple est à la hauteur de son supplice"

Publié le vendredi 29 février 2008 à 11h06min

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La lutte contre la vie chère sur fond d’émeutes dans les villes de Bobo-Dioulasso, de Ouahigouya et de Banfora les 20 et 21 février, et le 28 à Ouagadougou, suscite toujours des commentaires et des réflexions. La dernière en date est celle du député Nestor Bassière, qui démontre au passage le manque de responsabilité de nos gouvernants.

Nous sommes rentré le lundi 25 février de Dakar, où se tenait une session des parlementaires de l’UEMOA. C’est donc de Dakar que nous avons suivi les événements qui ont émaillé les villes de Bobo-Dioulasso, de Ouahigouya et de Banfora les 20 et 21 février. Nous avons essayé d’en tirer quelques enseignements que nous voudrions partager avec les populations afin de les aviser avec l’information juste.

Au regard de la situation qui a prévalu et qui prévaut toujours dans le pays, nous ne sommes pas du tout étonné de la tournure qu’ont prise les événements. En effet, dans un pays classé à l’avant-dernier rang de l’indice de développement par le PNUD - n’en déplaise aux chasseurs de statistiques fallacieuses et pompeuses - un pays où la pauvreté sévit plus que jamais elle ne l’avait fait, un pays encore où la fracture entre les masses populaires, les masses laborieuses et une certaine classe dite "moyenne" est de plus en plus grandissante, si elle n’est pas devenue un gouffre, il semblait plutôt illogique de constater le semblant d’apathie des populations.

Tous les signaux étaient au rouge depuis un certain temps, et la classe politique ainsi que la société civile n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme. Seulement, dans ce régime à tendance autocratique de Blaise Compaoré, adepte de la pensée unique, il n’y a pas de place pour des opinions divergentes.

Retranchés dans leurs palaces, les ministres et autres dignitaires de ce régime ne peuvent nullement s’émouvoir des cris et autres pleurs des populations dont même les échos se dissipent avant de les atteindre. Ne vivant pas les mêmes réalités que les masses laborieuses, ils ont alors des préoccupations toutes autres.

Alors que chaque jour que Dieu fait, dans toutes nos contrées, le prix d’un produit de première nécessité au moins augmentait, et de façon vertigineuse, les gouvernants restaient impassibles parce que justement, eux ne peuvent ressentir ces souffrances que vit le commun des Burkinabé, occupés plutôt à engloutir l’argent des contribuables dans des projets sans aucun rapport avec les multiples priorités des populations.

Alors que dans l’Ouest du pays une bonne partie des populations végète toujours sous des tentes après les inondations, ils organisent avec faste des célébrations de proclamation de la République à coups de centaines de millions, des concerts géants pour endormir la jeunesse et l’empêcher de réagir de façon consciente face à la situation délétère dans laquelle elle est plongée du fait de l’incapacité de ce régime à trouver des solutions idoines au chômage.

Tandis que dans nos universités les étudiants n’ont même plus cette possibilité de "cambodger", tant chaque chambre dans les cités universitaires et même dans la ville est occupée déjà par deux, trois, voire quatre étudiants, conduisant bon nombre d’entre eux à trouver refuge avec leurs balluchons dans les amphithéâtres, les gouvernants, eux, sont plutôt préoccupés par la construction d’échangeurs à coups de milliards.

Tout cela, vous l’aurez compris, pour montrer à quel point les décideurs, du haut de leurs tours d’ivoire, sont en déphasage avec la réalité vécue par les populations. Naturellement, comme toujours, face à la vive réaction des Burkinabé, les ministres montent au créneau avec les arguments de délation, d’instrumentalisation et de désinformation qui leur sont chers depuis.

Ainsi, les ministres de l’Administration territoriale, de l’Economie et d’autres encore affirment publiquement que les impôts n’ont jamais connu d’augmentation au Burkina cette année. Dans les lignes qui suivent, nous vous ferons la preuve du manque de responsabilité de nos gouvernants et même de certains représentants du peuple, qui ont soutenu que le parlement n’a jamais consenti une augmentation des impôts.

Et dans son intervention au journal télévisé, le ministre de l’Economie et des Finances a affirmé qu’après avoir rencontré les commerçants de Bobo-Dioulasso, ils ont compris que les commerçants avec qui ils discutent régulièrement n’étaient pas dans la rue et que ces derniers étaient même surpris. Bien évidemment, et cela s’explique. Au Burkina Faso, environ 80% des recettes fiscales proviennent de la contribution de 20% des contribuables.

Les 20% restants sont le fait de 80% des contribuables, composés surtout de ceux dont le niveau des activités est relativement moyen. Le gouvernement a donc consenti une réduction d’impôts sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) de 5%, une réduction des taux d’imposition de l’impôt sur les revenus fonciers, de même qu’une exonération des petits loyers (jusqu’à 20 OOO F CFA de loyers cumulés par localité) et de certaines personnes (les retraités des secteurs publics et privés, les conjoints survivants des retraités dans la limite d’un seul bail,...). Une réduction du taux de l’impôt sur les valeurs mobilières a été également consentie.

A l’analyse, on se rend très vite compte que ces réductions sont faites pratiquement sur mesure et ce, en faveur du patronat et des grands investisseurs immobiliers : 1) de la réduction du BIC : c’est surtout à l’avantage de ceux qui réalisent de gros bénéfices. En effet, la réduction de 5% est conséquente seulement quand le bénéfice de l’exercice se chiffre à plusieurs dizaines ou centaines de millions, alors que celui qui en a moins ne ressent pratiquement pas l’allègement.

Or, ceux qui réalisent les plus gros bénéfices sont les grosses entreprises sociétales et les personnes physiques d’un certain acabit. Ce ne sont donc pas les plus pauvres ; 2) de la réduction du taux de l’impôt sur les revenus fonciers : elle a surtout concerné la dernière tranche de loyer au-dessus de 150 000 F CFA.

Qui sont les bailleurs qui ont le plus souvent des loyers supérieurs à 150 000 et de plusieurs millions au Burkina ? Ce sont les propriétaires des immeubles qui poussent partout au centre-ville de Ouagadougou, ce sont les propriétaires des villas cossues de Ouaga 2000.

Naturellement, pour saupoudrer tout cela, on exonère les loyers cumulés de moins de 20 000 F CFA qui auraient supportés seulement 10% d’impôts ; 3) de la réduction du taux de l’IRVM, qui passe de 15% à 12,5% : cet impôt est payé par ceux qui bénéficient de dividendes, c’est-à-dire les actionnaires ou associés, donc une fois de plus les grosses fortunes.

A contrario, au même moment où ces réductions d’impôts sont faites en faveur des plus nantis, nous l’avons montré, une aberration jamais vue se fait en défaveur de la classe la plus pauvre de ce pays. Rappelez-vous, quand nous citions ceux qui contribuaient pour 80% et 20% des recettes fiscales du budget national, nous n’avons pas pris en compte les contribuables du secteur informel, c’est-à-dire ceux qui constituent 70% du tissu économique et en grande partie ceux qui se débrouillent pour joindre les deux bouts.

Eh bien, le gouvernement a estimé que ce sont ces pauvres citoyens et citoyens pauvres qui doivent combler les déficits créés par les faveurs consenties aux fortunés. Nous allons maintenant vous présenter trois tableaux qui sont des extraits des lois de finances présentant les barèmes d’imposition du secteur informel, des projets donc conçus et déposés à l’Assemblée nationale par le gouvernement et votés par les députés de la majorité, tout représentants du peuple qu’ils sont (même si certains disent n’avoir pas pris connaissance de lois augmentant les impôts. Cela dénote d’ailleurs de la manière dont ils représentent le peuple).

Année 1997

Pour les activités exercées à demeure :

tarif de la CSI par zone et par classe

Zone A : Ouagadougou et Bobo-Dioulasso Zone B : Koudougou, Banfora, Ouahigouya, Koupèla, Fada N’Gourma, Tenkodogo et Kaya.

Zone C : Autres localités.

Tableau 1 : extrait de la loi n° 17/96/ADP du 9 juillet 1996 portant loi de finances pour l’exécution du Budget de l’Etat-gestion 1997.

Cette loi a été appliquée jusqu’en fin 2007

Année 2008

Pour les activités exercées à demeure :

tarif de la CSI par zone et par classe

Zone A : Ouagadougou et Bobo-Dioulasso Zone B : Koudougou, Banfora, Ouahigouya, Koupèla, Fada N’Gourma, Tenkodogo, Kaya, Pô, Gaoua, Dédougou et Pouytenga.

Zone C : les chefs-lieux de provinces et autres communes urbaines.

Zone D : autres localités.

Tableau II : extrait de la loi n° 37-2001/AN portant loi de finances pour l’exécution du budget de l’Etat-gestion 2008.

Cette loi a été suspendue et n’a jamais été appliquée.

Donc les contribuables ne la connaissent pas de fait.

Année 2008

Pour les activités exercées à demeure :

tarif de la CSI par zone et par classe

Zone A : Ouagadougou et Bobo-Dioulasso Zone B : Koudougou, Banfora, Ouahigouya, Koupèla, Fada N’Gourma, Tenkodogo, Kaya, Pô, Gaoua, Dédougou et Pouytenga.

Zone C : les chefs-lieux de provinces et autres communes urbaines.

Zone D : autres localités.

Tableau III : extrait de la loi n° 33-2007/AN portant loi de finances pour l’exécution du budget de l’Etat-gestion 2008.

Cette loi est en application depuis début 2008.

En comparant les tableaux l et III, qui ont été appliqués, on constate que certains contribuables ont vu leurs impôts augmentés de 200%, voire 300%. Alors, pourquoi des ministres s’évertuent-ils à affirmer qu’il n’y a pas d’augmentation d’impôts ?

Nous pensons que cette façon de fuir les difficultés met plutôt en danger la sécurité, l’intégrité physique et morale des agents de l’Administration fiscale, qui passeraient pour responsables des augmentations alors qu’ils ne font qu’appliquer des lois qui ont été votées par les députés de la majorité.

C’est là encore la preuve que nos gouvernants ne sont pas en phase avec les préoccupations réelles du peuple. Il ne s’agit pas de réunir des responsables coutumiers et syndicaux pour nier l’évidence et chercher des raisons inexistantes à une crise qui n’est que sociale. La lutte contre la misère de nos peuples ne saurait être ramenée à des manipulations politiciennes.

Acculé comme il l’a été ces derniers jours, dos au mur, la réaction du peuple a été à la hauteur de son supplice. Même si nous nous désolidarisons des actes de vandalisme sur les biens publics et privés, nous comprenons parfaitement la réaction de ces braves populations.

Nous signalons également que les personnes qui ont été arrêtées doivent être élargies le plus tôt pour éviter tout autre trouble du même genre dans la cité de Sya, car le vrai responsable de tout cela n’est autre que le gouvernement impopulaire.

Nous mettons en garde, à ce propos, les autorités communales et tous les politiciens de la mouvance qui tentent de stigmatiser l’opposition dans cette crise et en préparant des contremarches. Sans présumer des conséquences de tels actes, nous disons qu’il serait hasardeux de continuer dans cette direction. Nous invitons donc ces derniers à plus de responsabilité et le peuple à plus de vigilance pour que notre pays ne soit pas conduit dans un bourbier.

Bassière B. Nestor Député UPS

L’Observateur

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