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Mesures contre la vie chère : Beaucoup de non-dits

Publié le vendredi 29 février 2008 à 11h09min

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Le gouvernement croit avoir trouvé sa parade contre la flambée des prix des produits de grande consommation. Depuis mercredi, une mesure exceptionnelle a été prise, exemptant certains produits de grande consommation, de droits de douane pendant trois mois. Les consultations de certains leaders d’opinion par le cabinet de crise n’ont donc pas été entièrement vaines. Elles ont accouché d’une décision dont on mesure amplement le poids pour le budget national.

Mais voilà : d’une part le viatique gouvernemental arrive tard et , d’autre part, il est voilé de zones d’ombres. On peut du reste s’étonner qu’après avoir argué que les droits de douane n’ont aucun lien avec le renchérissement du coût des produits, le gouvernement finisse par actionner ce levier pour espérer inverser la tendance. Mais, passons. Reste à voir la faisabilité du projet. Comme l’a si bien dit l’archevêque de Ouagadougou, Mgr Jean-Marie Compaoré face à la délégation gouvernementale, "il aurait fallu s’attaquer à la flambée des prix pendant qu’il était temps". Tant que les syndicalistes usaient leurs semelles à marcher et à revendiquer l’amélioration du pouvoir d’achat, rien ou presque n’était fait. Il a fallu les émeutes de Bobo-Dioulasso et de Ouahigouya pour que le gouvernement se mette à bouger.

Dans son plan de lutte contre la vie chère, on a l’impression cependant d’une improvisation dictée par la situation de crise actuelle. Comme si l’Etat voulait parer au plus pressé, c’est-à-dire éteindre le feu du mécontentent qui couve, en attendant, peut-être, d’élaborer plus tard une stratégie plus solide. Résultat, la mesure du conseil des ministres brille par son imprécision et suscite de nombreuses interrogations : quand les prix des denrées de base exemptées de droits de douane baisseront-ils sur les étalages des boutiquiers ? Quel est le taux des baisses attendues ? Pendant combien de temps va durer le répit pour les consommateurs ? De quels moyens de coercition dispose le gouvernement pour veiller à l’application de sa mesure ? Bref, le flou entretenu autour de sa croisade contre la vie chère laisse sceptique sur les chances de succès de la trouvaille gouvernementale. Au regard de l’ampleur du problème, les autorités auraient été mieux inspirées d’agir avec fermeté pour la baisse immédiate des coûts des produits. On opposera à cela le fait que les commerçants disposent encore de stocks dédouanés qu’ils ne peuvent écouler à perte. Soit. Mais à circonstance exceptionnelle, mesures spéciales. Ainsi, cet obstacle pouvait être surmonté par le dédommagement immédiat ou à long terme, à travers des remises fiscales ou douanières, à ce type de commerçants. Le Bénin l’a fait il y a quelques mois, avec les crédits d’impôts, ce qui lui a permis d’opérer très rapidement la baisse des prix. Outre cette entrée en vigueur rapide des nouveaux tarifs sans régime douanier, l’Etat devait lui-même fixer les prix des produits et les imposer. N’a-t-il pas utilisé le terme "exceptionnel" pour qualifier le moratoire accordé aux produits de première nécessité importés ?

En tout état de cause, les nombreuses zones d’ombres du dispositif gouvernemental risquent encore de profiter au monde des affaires et de pénaliser les consommateurs. C’est en effet la porte ouverte à toutes sortes de pratiques spéculatives. Ce flou offre la latitude aux commerçants qui le veulent, de ruser avec les textes. Il est aussi porteur de risques de disputes entre acheteurs et vendeurs, les uns tenant à leurs marges bénéficiaires et les autres voulant tout de suite des prix raisonnables. La mesure gouvernementale qui est d’un clair-obscur, un peu à la Ponce pilate, avec beaucoup de non-dits, peut mettre donc dos à dos commerçants et consommateurs.

Encore une fois, on a l’impression que tout est fait pour préserver les intérêts de certains milieux d’affaires, quitte à effaroucher le plus grand nombre, en l’occurrence les consommateurs. Or, il est du devoir de l’Etat de protéger les citoyens contre les prédateurs économiques. C’est pourquoi l’Etat doit faire baisser les prix ici et maintenant, vieux stocks ou pas. A défaut, il risque d’accentuer la grogne sociale, tout en perpétuant l’idée selon laquelle une collusion existe entre les gouvernants et certains commerçants.

Le Pays

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