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Burkina : La face cachée de la vie chère

Publié le mercredi 27 février 2008 à 11h20min

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Le Burkina est entré en ébullition depuis le 20 février dernier. Las de demander des augmentations significatives de salaires qui n’arrivent pas et face à une inflation galopante, des hommes intègres que l’on soupçonne aujourd’hui d’être manipulés par des mains obscures, sont descendus dans la rue. Il faut regretter les casses qui ont caractérisé les récentes manifestations.

Des vandales ont profité de la situation pour piller et endommager des biens publics et privés. Force doit rester à la loi. Mais ne s’en tenir qu’à cela serait faire preuve d’une myopie politique. Ces événements interpellent les autorités politiques et les milieux d’affaires sur leurs responsabilités dans la stabilité du pays.

L’ordre public a été troublé parce que le gouvernement n’a pas su anticiper face au renchérissement de la vie.
La déclaration du conseil de cabinet sur la question annonce des mesures énergiques. Au fil des jours, on se rend compte que le gouvernement est maintenant à la recherche de solutions. Mais si ces actions ne sont pas accompagnées de réponses concrètes, elles ne serviront qu’à calmer provisoirement les esprits. Car, comme le dit l’adage, ventre affamé n’a point d’oreille.

La question essentielle est de savoir comment sortir de ce cercle vicieux et de quels moyens le gouvernement dispose pour agir.

Tout le monde est d’accord que la flambée des prix à la consommation est générale. Rares sont les pays qui y échappent. Cependant, c’est à l’aune des mesures d’urgence et des actions énergiques que chaque gouvernement entreprend, qu’on juge de la capacité et de la volonté de chacun à juguler la crise.

En tous cas, le gouvernement Fillon en France, lui, a rapidement joint l’acte à la parole. Depuis hier, une opération coup de poing est en cours dans les supermarchés. Des inspecteurs de la répression des fraudes seront chargés de contrôler les prix. Là-bas aussi, on suspecte les distributeurs de se faire des marges sur le dos des consommateurs, accentuant la tendance inflationniste.

Assurément, le contrôle des prix existe bel et bien en France, pays pourtant connu pour être libéral, et dirigé par un homme très à droite et dont un des fils dirige le Fonds monétaire international (FMI), bras financier du capitalisme et du libéralisme dans nos pays.

Quand, sentant venir la crise, "Le Pays" avait évoqué l’idée d’un contrôle des prix au Burkina, certains avaient rétorqué que les règles actuelles du libéralisme bannissaient ce genre de mécanisme et que le marché, par sa main invisible, se régulerait tout seul. Seule la ligue des consommateurs nous avait rejoints sur cette proposition avec l’observatoire sur les prix. C’est dommage que des dirigeants continuent de gérer le pouvoir sans tenir compte des signaux que leur envoie leur peuple. Si bien que les manifestations violentes sont devenues des moyens d’expression courants. On dit que dans les pays africains, il n’existe pas d’opinion nationale. Ce qui n’empêche pas pour autant des poussées de fièvre qui s’offrent souvent comme les seuls canaux d’expression face à des autorités qui donnent parfois l’impression d’être absentes. Ce qui s’est passé ces derniers jours est l’expression d’un ras-le-bol. Et il importe que le message soit reçu comme tel par les autorités qui préfèrent plutôt politiser les derniers incidents.

Il faut espérer que la vie chère serve de tremplin pour les consommateurs et leurs associations pour renforcer leur mouvement. C’est seulement ainsi qu’ils pourront aiguillonner le gouvernement sur sa politique des prix et défendre le panier de la ménagère.

L’apathie du gouvernement face aux problèmes de consommation est finalement à la hauteur de l’indigence des organisations de consommateurs, trop faiblement structurées, et suspectées de complaisance. Ce qui a fini de rendre les Burkinabè fatalistes quant à l’espoir de faire bouger les choses. Toute chose qui entame leur crédibilité sur certains dossiers. Elles sont cependant moins responsables de cette situation que le gouvernement ou plutôt les différents gouvernements qui se sont succédé au Burkina.

Il ne fait aucun doute que la hausse exagérée des prix est due au système en place du fait d’une collusion entre les milieux économiques et politiques. Aujourd’hui, il est difficile de faire la distinction entre un homme d’affaires et un homme politique. La conséquence de cette collusion est l’incurie des structures de contrôles qui ne peuvent prendre aucun gros poisson dans leur maille. On a vu tout le mal qu’a eu l’ancien coordonnateur de la lutte contre la fraude à exercer sa mission de contrôle et de répression. Les interventions venant "d’en haut" ont bloqué certains dossiers au détriment des caisses de l’Etat et du consommateur. Par ailleurs, les délits d’initié dans l’administration et le monde de l’économie, ne choquent plus personne et la concurrence déloyale est érigée en système. Si seulement tous les bénéficiaires de ces avantages et de ces passe-droits payaient en retour régulièrement leurs taxes et impôts à l’Etat comme le citoyen lambda ! Dès lors, on comprend pourquoi le même gouvernement a des difficultés à faire appliquer des textes qu’il a lui-même fait adopter. L’habitude est une seconde nature, dit-on.

"Le Pays"

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