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Modification des constitutions : On ne change pas les règles en plein jeu

Publié le mardi 26 février 2008 à 10h27min

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Contrairement à ce que disait Jacques Chirac il y a une dizaine d’années de cela, à savoir qu’il « faut bien que les dictateurs gagnent les élections sinon ils n’en feront plus » (1), il faut de nos jours que les dinosaures des palais africains sachent qu’il peut y avoir une vie après le pouvoir.

C’est en tout cas ce que tentent de montrer les Camerounais au président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, lorsqu’Ahmadou Ahidjo lui a passé la main. En lui signifiant de façon bruyante par marches à répétition et meetings qu’ils ne souhaitent pas une modification de la Constitution, qui permettrait au locataire du palais d’Etoudi (une appellation abusive, l’intéressé résidant surtout en France ou en Allemagne quand ce n’est dans des stations balnéaires suisses) de rempiler en 2011 pour une présidence ad vitam aeternam.

Même si le Chair man John Fru Di et son Front démocratique et social (SDF) n’ont pu déboulonner le tout-puissant Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), l’évidence est là comme le nez sur un visage :la démocratie apaisée versus Biya s’est essoufflée et l’heure est à la salutaire alternance, n’en déplaise aux thuriféraires du pouvoir, pour qui c’est Biya ou le chaos.

Et si l’enfant terrible de M’Voméka aime bien son pays, il devrait écouter la clameur désapprobatrice de son peuple et bien regarder à côté de lui, notamment au Tchad et ailleurs où les désirs de durer au pouvoir ont engendré des tragédies nationales. « Je le dis haut et fort, je ne modifierai pas la constitution »(2), affirmait Deby Itno en 2001, mais 4 ans plus tard, il charcutait la loi fondamentale et voilà le Tchad englué dans une guerre civile sans fin.

Au Burkina Faso, selon l’esprit et la lettre de la Constitution du 2 juin 1991, Blaise Compaoré aurait dû quitter son fauteuil en 2005 au terme d’un double septennat. Mais entre-temps l’article 37 a reçu un coup de canif en 1997.

Puis en 2000, et dispose que le président du Faso est élu pour 5 ans au suffrage universel direct égal et secret et qu’il est rééligible une fois. Sauf donc accident, Blaise peut demeurer au palais de Kossyam jusqu’en 2015.

Mais il pourrait aller au-delà si... affinités. La polémique et la résistance de certains opposants et juristes à l’occasion de ce tripatouillage en disent long sur ce coup de force constitutionnel qui fut tout sauf « une tempête dans un verre d’eau », comme l’avait écrit à l’époque Juliette Bonkoungou, l’actuelle ambassadeur du Burkina au Canada.

Au Togo, malgré le fait qu’il ait donné sa parole de Général à Chirac en 2003 qu’il quitterait Lomé 2, Gnassingbé Eyadéma se parjura en toilettant la Constitution pour poursuivre sa longue marche avec le Togo et n’eût été son décès subit le 5 février 2005, il serait toujours là en train de disputer la qualité de doyen des chefs d’Etat à Omar Bongo Ondimba du Gabon .

En l’espèce, le patron du palais du bord de mer, qui a 41 ans de présidence, a bien signifié en octobre 2007, face aux prétendants qui se bagarraient pour sa succession, qu’il comptait bien remettre le couvert en 2012. Il a raison, sachant que le Parlement gabonais est prêt à modifier à l’envi l’article 9 de la constitution pour que Bongo reste au gouvernail . Mais pense-t-il à l’après-Ondimba ?

Ce doit être pourtant la préoccupation essentielle de tous ceux qui bricolent les constitutions pour rester scotchés au trône, car dans tout jeu, les règles sont bien arrêtées avant et c’est bien une anomalie de les changer en cours de jeu, si tant est que la démocratie en est un. Et seules les populations peuvent barrer la route à ces docteurs es tripatouillages au lieu de se lamenter et de pousser des cris d’orfraie après ces forfaitures.

Z. Dieudonné Zoungrana

Notes :

(1) in Le Canard enchainé du 28 juillet 1999

(2) in Le Monde du 4 juin 2001

L’Observateur

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