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Manifestations contre la vie chère : C’était prévisible

Publié le vendredi 22 février 2008 à 11h30min

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Faut-il s’étonner de la violence des manifestations contre la vie chère, véritables émeutes de la faim, de mercredi dernier ? A moins d’être aveugle ou de faire semblant de l’être, personne n’ignore la grande détresse de la population avec la flambée continue des prix. Et en l’absence d’une réaction appropriée de l’Etat face à l’inflation galopante, il fallait s’attendre tôt ou tard à des risques de dérapages de la part d’âmes désespérées.

C’est l’expression de ce ras-le-bol que l’on a pu observer dans les rues de Bobo Dioulasso. Pourtant ce n’est pas faute, pour des journaux comme "Le Pays", d’avoir tiré la sonnette d’alarme. Une lecture très lucide de la conjoncture socioéconomique nous avait amené à écrire ceci, dans notre "Dialogue intérieur" du jeudi 31 janvier dernier : "L’augmentation du coût de la vie plombe la consommation ; elle piège les efforts pour promouvoir le développement. Enfin, elle fait le lit des révoltes de populations qui ne veulent pas mourir. En cela, les autorités seraient bien inspirées d’en avoir grande conscience". Moins de trois semaines après cet éditorial aux accents prémonitoires, les faits nous donnent malheureusement raison.

Depuis que les syndicats battent le pavé et vont en grève pour réclamer un retour à des prix raisonnables des denrées, depuis les dernières valses des étiquettes et la grogne qu’elles ont suscitée, l’Etat est apparu comme tétanisé, incapable de faire entendre raison aux spéculateurs de tout acabit. Tant que la bière coule à flots dans les débits de boissons, tout va pour le mieux. Un sentiment de sécurité sociale prévaut chez des dirigeants qui, en réalité, ont un mauvais jugement du niveau de mécontentement de la population. Le petit peuple est à bout de souffle et il faut être à son écoute pour le savoir. Il n’est plus en mesure de suivre le rythme des réformes ultra-libérales en cours dans le pays. Cette erreur d’appréciation s’est couplée d’une politique fiscale qui frise la rapacité. Les opérateurs économiques sont traqués et pressurés comme des oranges parce que le mot d’ordre de l’Etat est que l’argent rentre dans les caisses, à n’importe quel prix. Il y a donc comme un cercle vicieux duquel peine à sortir l’Etat lui-même, pris dans le piège de sa boulimie dont l’une des conséquences est la flambée des prix.

Cette incapacité des autorités à contrôler les prix pose donc le problème de l’autorité de l’Etat. Comment, dans ce contexte de pagaille générale que l’on appelle pudiquement "libéralisation", l’Etat peut-il faire respecter des décisions allant dans le sens de la baisse des prix ? Du reste, et signe de l’impuissance des autorités compétentes, les commerçants ne cherchent plus à aviser leur ministère de tutelle avant de procéder aux augmentations. Le gouvernement est toujours mis devant le fait accompli. Même le tout-puissant ministre d’Etat Salif Diallo est défié dans son opération de vente de céréales à des prix sociaux. Le prix plafond du sac de mil n’est pas respecté, et personne ne semble pouvoir éradiquer l’affairisme naissant autour de cette belle initiative.

Dans un pays aussi pauvre que le Burkina, l’autorité de l’Etat, plus que dans les questions sécuritaires ou fiscales, doit surtout s’exercer dans le domaine de l’amélioration des conditions de vie des populations. Si la tendance inflationniste s’installe durablement, le Burkina doit dire adieu à ce qui faisait son charme et séduisait les étrangers : le coût peu élevé de la vie. Le pouvoir a donc intérêt a restaurer cette richesse propre au Pays des hommes intègres, qui est à la fois gage de bien-être pour les populations et de stabilité socio-politique. Les incidents de Bobo et de Ouahigouya viennent rappeler à quel point la confiance entre le peuple et ses dirigeants peut être rompue du fait de la cherté de la vie. Certes, on ne peut que déplorer le caractère violent des manifestations, aux antipodes des règles de l’Etat de droit. Mais en Afrique, les gouvernants ont cette fâcheuse habitude de ne prendre conscience d’une crise que lorsqu’elle leur explose à la figure. L’erreur pour le gouvernement, serait de voir derrière ces manifestations des velléités de déstabilisation, comme un malade cassant son thermomètre pour refuser de reconnaître sa fièvre. Le pouvoir burkinabè est donc prévenu. Le gouvernement a l’impératif devoir d’endiguer la colère grandissante du peuple pour éviter d’autres émeutes. Pour cela, il n’a pas de choix que s’occuper du peuple qui est sa raison d’être.

"Le Pays

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