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Dirigeants africains et occidentaux : Etouffer l’alternative pour verrouiller l’alternance

Publié le jeudi 21 février 2008 à 10h51min

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L’attitude que les autorités françaises ont maintenant clairement affichée dans les récents événements du Tchad, incite à revenir sur une des justifications les plus malheureuses pour le soutien constant de l’ancienne puissance colonisatrice aux dictateurs les plus impénitents : l’idée qu’elle n’aurait pas le choix, les élites des pays concernés étant incapables, prétend-on, de proposer des alternatives crédibles.

On avait cru comprendre, sur la foi de la volonté proclamée de rupture par le président français et des déclarations diverses comme celle de Rama Yade sur la fin de "l’Afrique de papa", que les interventions armées pour soutenir des dictateurs menacés par des rébellions appartenaient au passé. Or, non seulement la France, en contradiction avec ses premières déclarations, est intervenue aux côtés de l’armée d’Idriss Déby, non seulement, elle affirme ouvertement être maintenant prête à le faire de la manière la plus massive possible, mais encore, elle ne craint pas de reprendre un argument dont on aurait pensé qu’il manque tellement de pertinence que la nouvelle administration française y renoncerait définitivement.

Que signifie, aujourd’hui, l’argument de l’absence d’alternative politique en Afrique ? Que les chefs d’Etat y sont irremplaçables même s’ils sont corrompus, même s’ils ne respectent que modérément les droits de l’homme ? Comment peut-on affirmer que tout un peuple dépend, pour la gestion de ses affaires, du maintien à sa tête d’un homme dont le leadership est des plus calamiteux ? Il n’y a pas de doute : il s’agit d’une de ces nombreuses irrévérences coutumières dans les milieux occidentaux quand il est question de l’Afrique, et particulièrement de l’Afrique noire. Il n’y a que sur le sol africain, en effet, que les Occidentaux peuvent chercher en vain un homme capable de diriger un pays au point de soutenir, contre vents et marées, quelqu’un dont ils peinent à justifier les actions. Conséquence : on ne voit pas s’annoncer le temps où disparaîtront du paysage politique africain, ces chefs d’Etat qui sont restés si longtemps au pouvoir que, parmi leurs concitoyens, des générations entières n’ont connu qu’eux.

Il est vrai que, souvent, en Afrique, les pouvoirs, pour bien durer, s’appliquent à faire le vide autour d’eux. Dans leur entourage d’abord, puisqu’il est bien connu qu’on n’est jamais trahi que par les siens. D’ailleurs, c’est seulement dans les allées du pouvoir que l’on trouve généralement des hommes qui ont une assiette financière et politique, et suffisamment de relations pour bousculer le président. Mais aussi dans l’opposition, quand il en existe une. Les pouvoirs africains sont passés maîtres dans l’art de laminer leurs oppositions, soit par la répression la plus brutale, en envoyant tous ceux qui osent exprimer des ambitions à l’exil, en prison ou, pire, au cimetière. On sait que le président Mobutu, dans les années 1970, a manié la répression avec une rigueur devant laquelle les bonnes âmes occidentales n’ont pas frémi de manière dissuasive. Les régimes africains excellent aussi à discréditer leurs oppositions par la corruption. Quand quelqu’un est tantôt dans le gouvernement, tantôt dans l’opposition, sa crédibilité en pâtit considérablement. Et peut-être que, quand viendra le jour où la répression s’abattra sur lui, la réaction de l’opinion sera fort opportunément modérée.

Il est vrai aussi que l’argument de l’inexistence d’une alternative viable est manié par ceux qui, étonnamment nombreux, se livrent à des manipulations constitutionnelles pour faire sauter les dispositions limitant le nombre de mandats. Autrement dit : après moi, le désert.

Mais les dirigeants africains ne peuvent tromper personne. Comme dit le chanteur, "on a tout compris". Ce qui peut étonner, c’est le fait que les Occidentaux entonnent un tel refrain. On ne peut pas s’empêcher de penser à une hypocrisie cousue de fil rouge. Quand les intérêts des puissances occidentales sont menacés, elles trouvent toujours un dirigeant de rechange. Quand un chef d’Etat manifeste une indocilité inquiétante pour les intérêts économiques, politiques ou diplomatiques des Occidentaux, ils peuvent sortir de leur chapeau, un parfait inconnu qu’ils adouberont avec une rhétorique verbeuse et démagogique.

Autrement dit : les Occidentaux pensent à leurs intérêts. C’est peut-être de bonne guerre. Et les Africains, eux, que font-ils ? Vont-ils continuer à espérer qu’une rupture viendra d’un dirigeant occidental ; qu’il s’appelle Nicolas Sarkozy ou autre ? Réaliseront-ils qu’une vraie rupture ne peut venir que de leur prise de conscience ? Il faut espérer que, près de 50 ans après les indépendances, les Africains comprennent que rien n’a changé dans leurs rapports avec l’Occident, et qu’il faut que la rupture ait lieu. Il est plus que temps.

"Le Pays

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