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Profession de foi politique de Salif Diallo : Au-delà des non-dits

Publié le mercredi 20 février 2008 à 10h56min

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Salif Diallo

Les déclarations du ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques, le 27 janvier dernier à l’émission de la RNB, "Tapis d’honneur" ont une résonance particulière dans le climat politique actuel au Faso. Elles interviennent au lendemain de la célébration du 20ème anniversaire dite de "la renaissance démocratique avec Blaise Compaoré", événement qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive tant il contenait des germes de division de la classe politique en général et en particulier de la propre famille politique du chef de l’Etat.

Nous avons en son temps analysé l’événement comme une tentative par le chef de l’Etat de réécrire l’histoire de la révolution et de son propre avènement à la magistrature suprême selon ses intérêts politiques du moment. En effet, les observateurs politiques avisés n’ont eu cesse de relever des signes d’ un malaise profond à l’intérieur de ce qui est considéré comme le pré-carré présidentiel. On y relève en particulier que les positions du ministre d’Etat, considéré jusque-là comme l’intime ou l’inséparable du chef de l’Etat semblaient avoir subi un certain effritement.

Des signes tangibles sont même apparus dans les journaux au cours du second semestre 2007, témoignant d’une dégradation avancée de la position de Salif Diallo. Nous avions nous-même rapporté ce fameux voyage de Taiwan où le ministre d’Etat nous avait semblé complètement marginalisé au niveau de la délégation présidentielle, alors qu’en terme de volume, son département nous paraissait être celui qui avait le plus d’affaires avec ce pays. Par la suite, les rumeurs d’un probable remaniement ministériel avaient circulé dont l’intérêt principal serait constitué par son départ du gouvernement.

C’est ce qui a motivé notre éditorial du 10 janvier dans lequel nous avions considéré que la 12ème édition de la JNP pourrait être le dernier pour Salif Diallo. C’est donc au regard de ce contexte que ses déclarations du 27 janvier dernier à la radio nationale nous paraissent importantes. Au demeurant, elles ont résonné comme un bilan, une sorte de testament de l’homme politique jugeant le moment venu de parler. Nous en prenons note avec un intérêt certain (celui de l’historien), de sa conception de la politique, de ses rapports avec ses camarades, les partis de la mouvance et surtout de l’action qu’il a eue à mener contre l’opposition politique.

De son cheminement avec le chef de l’Etat, il le décrit comme empreint de loyauté et surtout d’engagement pour une cause partagée avec lui : le développement du Faso. Alors que la rumeur le créditait comme un des prétendants à la succession du chef de l’Etat, ambition qui serait, selon certains, à la base de sa disgrâce, Salif Diallo s’est déclaré étonnement non partant, alors qu’on attendait d’un apparatchik de son gabarit, une réponse à la Yonli. N’est-ce pas au parti qu’il revient de désigner le candidat à la succession de Blaise ?

Sans doute la question est extrêmement sensible et on peut penser que Salif a tout simplement et prudemment préféré botter en touche. Blaise Compaoré appréciera. Mais pour un observateur avisé, la réponse fait sourire. En tout état de cause, face aux questions pertinentes de nos confrères, il faut convenir que Salif a été très politique. Ses accents de sincérité ne semblaient pas feints, du moins en ce qui concerne certaines questions. Le micro trottoir réalisé au cours de l’émission a amplement confirmé du reste certains de ses propos.

On peut seulement regretter que la question de ses rapports avec François Compaoré n’ait pas été abordée. S’il décrit lui-même ses relations avec Blaise comme ceux qui existent entre atomes crochus, il ne peut pas en dire de même en ce qui concerne François Compaoré. C’est donc l’autre sujet délicat, qui soit dit en passant, ne serait pas différent du premier, puis que, à ce que l’on dit, les nuages seraient nés autour du sujet des rapports au pouvoir de ces deux hommes. L’émission radio du 27 janvier a en tout cas révélé un Salif Diallo égal à lui-même, celui-là même qui, au dernier congrès, a tenté, mais en vain, d’imprimer au CDP, une orientation plus favorable à son aile militante. S’il devrait partir aujourd’hui, ce serait en partie sur une note d’échec.

Comme il l’a dit lui-même, les gens viennent au CDP non par conviction politique et idéologique, mais pour se faire une place au
soleil ! On imagine que ces paroles ne sont pas dites pour plaire, en particulier à certains de ses amis. Mais de quoi cabri mort a encore peur, si tant est que les dés sont jetés comme l’affirment des "sources introduites." Il reste que personne ne peut être sûr à cent pour cent des affaires de Blaise, qui par le passé, a maintes fois dribblé tout le monde. Il n’est pas impossible qu’il ait décidé une fois encore d’engager son jeu favori.

Germain B. Nama


Salif Diallo à l’émission " Tapis d’honneur " : " Je ne suis pas un Yes man… "

M. le ministre d’Etat, est-ce que cette rigueur, on peut la considérer comme une qualité qui vous a valu la confiance du président Compaoré près d’une vingtaine d’années ?

S.D : Je crois que le président Blaise Compaoré lui-même est très méthodique au travail même si on ne l’entend pas beaucoup. J’ai plusieurs fois échangé avec lui sur des domaines tels que l’agriculture, l’eau et bien d’autres domaines où on se fixe des objectifs… que nous essayons d’atteindre malgré le contexte du pays. Et c’est en cela que nous avons des atomes crochus. Quand je suis devant le président, ce n’est vraiment pas pour parler du beau temps ou de la tête tordue de X ou Y. Quand je suis devant le président, c’est pour envisager avec lui dans tel ou tel domaine qu’est-ce que nous devons opérer…

Vous vous êtes penché sur l’avenir des Etats africains dans votre thèse de doctorat. Qu’est-ce que vous avez tiré comme conclusions ?

S.D : L’Etat africain en général, est en crise. Une crise d’ordre structurelle et non conjoncturelle. (…) Les perspectives pour sortir de cette crise sont à rechercher d’une part dans la démocratie, dans l’application des principes démocratiques mais également dans la gestion et dans le projet de société qu’on se donne…J’ai essayé également d’esquisser ces solutions qui sont entre autres la responsabilisation accrue des populations à la base à travers la décentralisation, à travers d’autres structures, la gestion autonome d’un certain nombre de sphères d’activités et la recherche d’une autonomie, d’un positionnement au plan international pour ne pas être toujours à la traîne d’autres pays et d’autres institutions…

On a célébré cette année le 20ème anniversaire du 15 Octobre diversement. Quel est votre avis aujourd’hui et avec le recul, quels sont les acquis et les insuffisances ?

S.D : Ce que je voudrais dire sur ce point, c’est que les protagonistes du 15 Octobre, que ce soit les Sankaristes ou nous, nous n’avons pas le droit de prendre ce pays en otage. Nous devons mettre en œuvre des principes démocratiques qui permettent à toutes les sensibilités politiques de s’exprimer et de se présenter devant les électeurs. Faire en sorte que du point de vue économique et social, les populations ressentent les bienfaits de la démocratie. Nous ne sommes pas au-dessus des principes et des intérêts du peuple parce qu’on a le ’’naam’’. Les leçons essentielles que nous devrons tirer à partir de ces évènements, c’est une introspection et aussi parier sur la jeunesse de notre pays pour que ce pays avance selon les principes réguliers de la démocratie.

Votre parti le CDP est accusé d’avoir tout mis en œuvre pour anéantir l’opposition et une des conséquences serait la naissance de ces crises intestines avec la création de différents clans au sein du CDP dont le vôtre. On vous accuse même d’être la tête pensante de cet anéantissement de l’opposition.

S.D : (…) En ce qui concerne l’autre aspect de votre question, à savoir que nous avons anéanti l’opposition, je dirais oui et non. Oui parce que nous avons à faire quand même à des adversaires politiques dont l’objectif proclamé est la conquête du pouvoir d’Etat et nous en tant que parti majoritaire, notre principe aussi, c’est la conservation du pouvoir d’Etat. Ces deux attitudes ne peuvent pas se concilier. Ils mettent en œuvre des stratégies pour effectivement ravir le pouvoir d’Etat. Nous, nous mettons en place également des mesures pour le conserver. Donc de temps en temps, si on peut accélérer leur décomposition interne, on le fait, c’est tout à fait logique. Personnellement, je ne peux pas dire que je suis blanc comme la neige dans cette situation. J’ai souvent donné des coups à ce niveau, pas au-dessous de la ceinture, mais des coups politiques, sinon ils seraient au pouvoir aujourd’hui. J’avoue aussi que ce n’est pas facile d’être dans l’opposition. Nous, nous avons un avantage, il faut être honnête et le reconnaître, c’est que nous avons l’appareil d’Etat et dans les pays africains, quand on a l’appareil d’Etat, on a une longueur d’avance sur l’opposition…

Pour avoir soutenu la candidature du président Compaoré, l’ADF/RDA est considérée comme une sœur jumelle du CDP et ne mériterait pas donc, selon certains opposants, le titre de chef de file de l’opposition. Qu’en dites-vous ?

S.D : Sur ce point, je voudrais abonder dans le même sens que ceux de l’opposition qui disent aujourd’hui que l’ADF/RDA n’est pas le chef de file de l’opposition. Mais avec des arguments différents. L’ADF/RDA soutient publiquement et concrètement le programme du président Blaise Compaoré. Il participe avec nous à la mise en œuvre du programme du président Compaoré. Ce faisant, l’ADF/RDA n’est pas un parti d’opposition au programme du président Blaise Compaoré aujourd’hui. Moi je ne vois pas l’ADF/RDA être le chef de file de l’opposition dans le contexte actuel… Je n’ai pas vu une opposition même timorée de l’ADF/RDA par rapport au programme du président Blaise Compaoré. Elle le soutient entièrement et concrètement. Cette histoire de chef de file de l’opposition même, il faudrait peut-être qu’on revoie les textes de loi pour voir exactement quel contenu donner à cette notion. Mais je ne pense pas qu’on puisse vouloir d’une chose et son contraire.

La rumeur a souvent rapporté votre opposition à certains chefs de gouvernement, les Premiers ministres notamment. On ne sait pas si c’est la rumeur ou la vérité et qu’est-ce qui vous a opposé ?

S.D : Vous êtes dans la rumeur. (…) Le Premier ministre est mon supérieur hiérarchique. Tant qu’il me donne des directives, des ordres sur la base de la légalité avérée, je me plie à cette légalité. (…) Mais être ministre ne veut pas dire qu’on doit être servile devant son supérieur, on ne lui rend pas service. Donc, sur des matières précises, quand on me demande mon point de vue, je donne ce point de vue sans calcul. (…) Mais en dehors de cela, je ne suis pas de ceux-là qui courent après les supérieurs en terme de ’’naaba’’ non ! Nous sommes en République.

Salif Diallo, un super ministre ?

S.D : Je ne suis pas un super ministre. (…) Je ne suis pas, comme diraient les jeunes, un "yes man " qui passe le temps à dire oui, oui, c’est bon, c’est bon, même quand ce n’est pas bon. ..

Votre nom est aussi cité parmi les potentiels successeurs du président Compaoré. Est-ce que vous rêvez un jour d’être locataire au Palais de Kossyam ?

S.D : (…) Je ne suis pas candidat au Palais de Kossyam ni aujourd’hui, ni demain parce que pour moi, ce qui compte, c’est vraiment la dynamique collective, ce n’est pas l’équation personnelle. (…) S’il y a des gens qui veulent participer à une pareille compétition, ils peuvent me considérer comme non partant. Je suis dans la tribune des spectateurs…

Pourquoi tant de rumeurs sur votre personne ?

S.D : J’ai été depuis longtemps compagnon du président Blaise Compaoré, un de ses proches compagnons. A tort ou à raison, il y a des gens qui estiment que s’ils n’ont pas telle ou telle position "ça ne peut pas être le fait du président Compaoré mais c’est ce garçon de Salif Diallo qui a dû aller me mélanger chez Blaise Compaoré ". Quand ils sont au summum de leur histoire et pensent qu’ils sont bien positionnés, là Salif Diallo n’a rien à voir avec leur histoire. Dès qu’ils dégringolent, ils disent : "tiens, comme Salif entre presque tous les jours au palais, ce n’est que lui qui a pu insuffler". Ce n’est pas moi l’autorité qui signe les décrets, ce n’est pas moi qui dirige ce pays. Le président Compaoré est assez intelligent, très intelligent et il peut décider des positionnements…

L’Evénement

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