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Politique africaine des NTICs : moins de bonnes paroles et plus d’actions !

Publié le mardi 12 février 2008 à 10h05min

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La semaine dernière, Sandton, le coeur de l’industrie des NTICs en Afrique du Sud, a souffert continuellement de délestages électriques laissant personne sans doutes quant aux challenges à surmonter pour développer une économie moderne au plan informatique en Afrique. Dans ces circonstances et non sans un certain cynisme, il est facile de se demander à quoi sert le Gouvernement ?

Un petit nombre de Gouvernements Africains ont marqué leur différence en soutenant d’importants projets mais la majorité d’entre eux sont à la traîne lorsqu’il s’agit de la réalisation de gros projets. Russell Southwood analyse pourquoi certains Gouvernements sont passés à l’action tandis que d’autres se contentent de beaux discours.

Changer une économie à travers l’introduction de nouvelles technologies de l’information et de la communication resort d’un exercice périlleux de jonglage. Sans communications, services et applicatifs, il est difficile d’atteindre une masse critique. Sans cette masse critique, il n’y a personne avec qui correspondre, ou échanger des informations, mais pourquoi s’en soucier en fin de compte. Et tout cela ce n’est que le début. De meilleures choses restent à venir si les Gouvernements africains améliorent la fourniture de services.

Le secteur privé est capable de pleins d’initiatives mais même en Afrique il ne s’investit pas dans des projets risqués et ne s’engage pas dans des secteurs qui seront porteurs demain. Il suffit de se rappeler les promesses impétueuses faites par les opérateurs de télécommunications lors de la conférence “Connect Africa” qui s’est tenue à Kigali, l’année dernière. Il est peu probable qu’ils construiront rapidement de larges réseaux sans fil et poseront plus de fibres optiques. Ils vont se satisfaire de répondre à la demande dans les zones urbaines et de connecter les principales villes entre elles. La protection des investissements des actionnaires est primoridiale et il serait surprenant qu’ils changent de stratégie.

Pour les économies africaines dont le taux de croissance est supérieur à celui de la moyenne mondiale, il est important de mettre en place une nouvelle infrastructure NTIC pour soutenir les changements qui interviennent en ce moment dans leur économie. L’accès à de la fibre optique est vital dans la nouvelle donne d’une économie globale : la rupture, la semaine dernière, du câble de fibre optique reliant l’Afrique du Nord et l’Asie illustre négativement cet impératif.

Durant les cinq dernières années, les Présidents et Ministres africains ont tenu des discours sur l’importance des NTIC et leur mise en oeuvre pour créer de nouveaux emplois. Si les mots se traduisaient en argent, l’Afrique serait plus riche qu’elle ne peut se l’imaginer. Une partie de ce “bla-bla-bla” a débouché sur de nouvelles initiatives mais dans la majorité des pays, les bonnes paroles sont restées sans suite. En Afrique de l’Est, le Kenya et l’Uganda ont récemment pris la décision de construire leur propre infrastructure nationale. Le Kenya a décidé de mettre en place son propre réseau national de fibre optique.

Stimulée par la Coupe du Monde de Football en 2010, l’Afrique du Sud a des projets de fibre optique pour la côte Ouest du continent et elle a institué l’organisme Infraco pour gérer l’offre en connexions haut débit dans le pays. Pour satisfaire ses besoins grandissants de connectivité, l’Angola songe à investir dans un satellite russe. Le Nigeria vient de lancer Nigcomsat et a chargé Galaxy Backbone d’assurer la fourniture de connexion Internet à l’administration.

Ces initiatives ne sont pas au-dessus de toutes critiques et certaines sont même questionnables. Il n’en reste pas moins que certains pays ont pris des mesures pour développer leur infrastructure plutôt que de tenir de beaux discours sur ce qui devrait être fait. Ces pays sont l’exception et non pas la règle générale. Ils font partie des pays à croissance accélérée qui disposent soit de ressources pétrolières soit d’économies dont la prospérité ne repose pas seulement sur l’industrie minière. Bien que les revenus issus de l’extraction minière soient bien repartis entre les pays du continent africain, un bon nombre d’entre eux ne semblent faire aucun effort pour aller de l’avant. Les pays restants ont quant à eux des excuses toutes faites : le manque d’argent, le manque d’éducation, la corruption et bien d’autres maux. Toutefois si le Nigéria et l’Uganda soutiennent ces changements pourquoi n’en est-il pas de même au Gabon ou au Ghana ?

Réaliser des changements dans le secteur des NTIC resort d’une formule chimique qui inclut le Gouvernement et d’autres en combinaison avec ce que les consultants qualifient de « vision » mais qui plus simplement s’appelle de « l’imagination ». Les pays prenant des initiatives, ont eu le courage d’imaginer que leur pays puisse évoluer d’une situation de victime en un endroit attirant où il fait bon vivre et travailler. Paul Kagame, le Président du Rwanda n’enflamme pas les salles avec ses discours mais il a compris que si son petit pays, le Rwanda, veut trouver sa place dans l’économie mondiale, il est nécessaire de travailler dur pour offrir les conditions permettant de réaliser cet objectif. Le succès n’est pas assuré mais au moins il ne peut pas être accusé de ne pas avoir essayé.

Avoir un Gouvernement qui fait quelque chose suppose d’avoir des personnes dévouées en place. En premier lieu il faut un Président qui ne prononce pas seulement des discours mais qui apporte aussi un soutien politique et des ressources pour que les choses se fassent. L’Afrique use toujours d’un système décisionnel centralisé et sans le soutien présidentiel personne ne vous prend au sérieux.

Ensuite il faut un Ministre prêt à utiliser le soutien présidentiel pour motiver le personnel administratif quelque peu indolent et sans sens de la responsabilité dans le Ministère en question pour qu’ils engagent un dialogue avec les acteurs du secteur privé et d’autres pour définir ce qui doit être fait et comment le faire. Un Ministre n’est pas grand chose sans un personnel administratif énergique et articulé capable de “porter son message”, de répondre rapidement aux parties intéressées et d’assurer avec succès la gestion des initiatives.

Etes-vous tous prêts à y aller ? Non ! Un Gouvernement avec un système décisionnel allant du haut vers le bas n’attire pas beaucoup d’audience. Il lui faut un secteur privé vivant et critique capable de faire des demandes et de transformer des projets. En parallèle, il faut une société civile qui défende les intérêts non commerciaux tels que l’éducation et la santé. Chacun, à son propre niveau doit réaliser la différence entre une bonne réunion et achever quelque chose. Il est temps de mettre de côté les discours de félicitations entre Ministres pour se concentrer sur un petit nombre de projets et en assurer leur réalisation.

Dans une évaluation subjective menée par Balancing Act dans 16 pays de l’Afrique de l’Ouest, deux pays seulement (le Nigéria et le Sénégal) remplissent les conditions décrites ci-dessus. Le second, cependant, ne dispose pas d’un secteur privé des TIC très florissant en raison de la dominance de la Sonatel, l’opérateur historique. Le Ghana dispose d’une économie assez large pour réussir mais quelques soient les raisons le pays n’arrivent pas vraiment à traduire les bonnes paroles en volonté politique et ensuite en actes. La majorité des autres pays ont quelques fortes personnalités dans l’administration et parfois au niveau ministériel mais tous manquent un soutien présidentiel et/ou l’adhésion du secteur privé et de la société civile.

Presque toutes ces économies de second rang manquent de réponses imaginatives lorsqu’il s’agit de soutenir le développement des NTICs pour construire un environnement plus accueillant. Certains pays comme le Mali ont mis en place des petits projets-type (un centre d’appels soutenu par le Gouvernement) mais ces projets(ou un ensemble de petits projets) ne vont pas vraiment influencer l’avenir de ces pays. Et s’il vous plait, ne venez pas m’embêter avec la question de l’absence de financement dans la mesure ou des fonds privés et publics sont disponibles pour ceux qui ont des idées et l’énergie pour les attirer. Des économies ouvertes avec des idées quant à futur valent plus dans une économie globale.

Pour des entreprises privées, tels que les opérateurs de télécommunications ou des sociétés d’ingénieurie informatique, vendre des services reste compliqué à cause du nombre d’obstacles à surmonter dans ces économies. Pour le propriétaire d’une petite société de fournisseur d’accès Internet (FAI), il s’agit non seulement d’être le dirigeant commercial de l’entreprise mais aussi l’avocat bénévole dans la lutte continue en faveur d’une meilleure politique des NTICs.

Les grandes sociétés comme Cisco, Google et Microsoft ont compris qu’ils ne vendent pas seulement un ensemble d’équipements et de services mais qu’ils participent à créer les conditions d’un marché plus ouvert favorable au développement. La semaine dernière, Microsoft et le Centre Africain d’Etudes Supérieures en Gestion (CESAG) ont signé un accord de principe dont le but de fournir des formations supérieures en stratégie NTIC dans les pays d’Afrique de l’Ouest et Central (voir article dans la section informatique).

Nicol Woodward, le directeur technique régional à Microsoft est chargé d’influencer les gouvernements dans 10 domaines stratégiques différents : l’interopérabilité, l’identification, la protection des données personnelles, l’innovation, la protection des droits intellectuels, l’accessibilité, l’allocation de fréquences, les normes, les formats et le GAP. Qu’est-ce qui se cache derrière cet acronyme ? Il illustre la façon que Microsoft utilise pour analyser un Gouvernement en tant que preneur de décision, son influence et sa capacité d’achat. Le G est pour la gouvernance tandis que le A symbolise l’architecture définissant les règles pour mettre tout le monde en réseau. P quant lui encadre le système de procuration.

Comme pour tant d’autres vendeurs, il s’agit tout à la fois d’établir un débat et de récolter les fruits issus d’un tel dialogue. Bien sur chaque société a pour objectif de vendre mais de moins suivant le principe que “ nous avons raison et vous autres avez tous tord”. Le développement d’un économie réussie suppose des discussions complexes mais vitales sur des sujets aussi divers que la propriété intellectuelle, la piratie et le soutien à l’innovation. Les réponses des décideurs politiques dans ces discussions sont liées : il suffit d’un faux-pas et la réussite devient plus difficile ensuite.

Nicol Woodward nous a dit par exemple “qu’au Nigéria, nous avons des discussions poussées en matière de propriété intellectuelle et de copie de contenu numérique. C’est le même cas de figure en Angola. Ce sont des économies en plein développement qui souhaitent bien faire les choses. Nous souhaitons expliquer notre point de vue mais quand il s’agit d’acheter ils disposent de toutes les informations pour prendre leur décision”.

Bien évidemment, ce n’est pas seulement Microsoft qui peut expliquer ces problèmes mais considérant le bas niveau de compréhension dans beaucoup de pays, il n’en reste pas moins que la discussion doit bien prendre un point de départ. La question de la limitation de la publicité dans ce genre de débat empêche que chacun donne son point de vue dans le processus décisionnel.

Pour les défendeurs des logiciels libres, la difficulté réside dans leur conviction qui souvent les amène oublier qu’il s’agit d’une discussion à deux sens. Les défenseurs avertis du logiciel libre comme Microsoft croient qu’il leur est possible de remporter le débat sur la base de leur argumentation. Quelle que soit la voie que vous choisissez, il vous faut une économie florissante avec de l’expérience et des ressources pour qu’un tel débat en vaille la chandelle.

Alors, si l’Afrique veut avoir des économies plus ouvertes et dynamiques pour surfer sur la vague de l’économie mondiale (en expansion ou en contraction), il lui faut des opérateurs internationaux (et régionaux) TIC suscitant plus d’intérêts pour le continent. Quant à ses hommes politiques, il leur faut comprendre que des bonnes paroles ne suffisent pas pour nourriture.

Source :
Balancing Act :http://www.balancingact-africa.com/news/french.html#internet

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