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Boureima Djiga, notre confrère de la radio nationale, journaliste culturel, relève à travers cette réaction les oublis dans l’encyclopédie de la Petite Académie. Des oublis de certains personnages qu’il dit ne pas comprendre.

"La modestie des Burkinabè, très enviée par de nombreux peuples - bien que notre pays en soit souvent victime de l’abus à plusieurs niveaux-, aurait voulu que je garde le silence . Mais face à l’oubli des grands noms de notre culture dans La Petite Académie qui est le tout premier dictionnaire burkinabè des personnalités, je ne pouvais pas me conformer à cette règle .

Je salue la pertinence et le vide comblé par cet ouvrage ; cependant je ne peux m’empêcher d’apporter ma modeste contribution à ce gigantesque travail sous la houlette du grandissime Adama Fofana dont l’engagement pour le développement de notre cher Faso n’est plus à démontrer. Monsieur Fofana fait d’ailleurs partie des grands intellectuels burkinabè et, surtout, des rares à maîtriser et à manier la langue de Molière . Il ne s’agit donc pas pour moi de m’aventurer dans la critique littéraire de l’ouvrage qui, précisons-le, provient d’une académie dont la création est à saluer .

Je suis tout simplement surpris par l’absence de certaines grandes figures de notre culture, et des doyens de surcroît, alors que leurs cadets et même certains de leurs petits-fils s’y trouvent. En musique par exemple , le nom du Gandaogo national Georges Ouédraogo n’y figure pas, alors que l’on retrouve le nom de la talentueuse Amity Méria qui sera certainement surprise de voir que Georges Ouédraogo qu’elle respecte et qu’elle a toujours admiré ne figure pas dans ce document de référence.

Amadou Ballaké, l’un des plus grands salséros d’Afrique, n’y figure pas non plus, bien qu’il ait donné au Burkina son tout premier Disque d’or en 1982 et effectué des tournées internationales avec le cubain Monguito et, récemment, avec Africando. Le vieil Antoine Ouédraogo, créateur de l’Harmonie voltaïque, tout comme Drissa Koné qui a créé le Volta Jazz dont sont sortis des géants de notre musique comme Georges Ouédraogo ou Tidiani Coulibaly, ont été royalement ignorés. Feu Nick Domby y figure ( Dieu merci), mais ce n’est pas le cas de Sandwidi Pierre ou de Black So Man dont les fous succès n’ont jamais été égalés par Nick Domby qui fait néanmoins partis des grands noms de notre musique.

Les musiciens traditionnels sont également ignorés par ce dictionnaire "académique" car ni Hado Gorgo Léontine, ni Zougnazaguemda qui est la plus grosse vente aussi bien en albums qu’en spectacles de ces 20 dernières années n’ont été cités . Même le célèbre balafoniste Mama Konaté et son groupe Farafina ont été ignorés et cela, malgré leur mémorable concert de 1988 à Wembley où ils ont fait flotter le drapeau du Burkina devant 100 000 personnes et aux côtés des stars mondiales comme Mickael Jakson ou Phil Collins qui, eux, n’ont jamais oublié ces talentueux artistes. Le vieux Tall Sékou dont une des rues de Ouaga porte heureusement le nom n’est pas considéré comme un académicien, bien qu’il ait consacré toute sa vie au service de la culture burkinabè en tant que membre fondateur du Cercle pour les activités littéraires et artistiques de la Haute Volta (CALAHV) et auteur de nombreux ouvrages.

Le vieux Tall ( paix à son âme !) peut néanmoins dormir tranquille puisque l’ancêtre de la littérature burkinabè et même africaine Dimdolobson ne figure pas dans la Petite Académie . L’absence du Larlé Naba Anbga qui, durant son règne, s’est battu pour la préservation et la promotion des richesses culturelles du Mogho ressemble à un crime de lèse majesté que la présence de son petit fils Naba Tigré ne peut occulter . Et que dire de l’absence de Maître Pacéré Titinga Frédéric qui est une haute personnalité burkinabè, à notre avis, sur le double plan du droit et de la culture ?

Ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres qui méritent que l’on se pose des questions sur l’objectif recherché par cette publication tout comme le mode d’élection et la méthode de collecte des données au regard des nombreuses coquilles qu’elle comporte. Ce qui n’est pas tolérable même si l’on sait que rares sont les livres débarrassés à 100% de leurs coquilles avant de rejoindre les rayons des bibliothèques . Loin de moi toute intention de jeter un quelconque discrédit sur ce travail intellectuel, mais le consommateur culturel que je suis ne pouvait garder le silence surtout en constatant que même le cinéaste Idrissa Ouédraogo, l’Etalon du cinéma burkinabè, ne fait pas partie des personnalités burkinabè, selon la Petite Académie.

Malgré son Etalon de Yennenga de 1991, son Tanit d’argent au Festival de Carthage en Tunisie et le nombre impressionnant de ses films, Idrissa n’a pas été retenu dans la Petite Académie, à moins que ne soit qu’une toute Petite Académie. Ce qui n’est pas le cas puisque de nombreuses personnalités burkinabè vivantes ou décédées s’y trouvent , et c’est dommage que l’on oublie certains de leurs pairs et pas des moindres qui méritent également d’être considérés comme des personnalités du Burkina ; ce pays qu’ils aiment ou qu’ils ont aimé et dont ils ont défendu les couleurs."

Boureima Djiga (bdjiga@yahoo.fr)
Journaliste culturel

Le Pays

Vos commentaires

  • Le 30 août 2010 à 11:19, par antada En réponse à : <I>Petite academie</I> : "Des oublis surprenants"

    Merci d’avoir relevé cet oubli je souhaite que ce soit ainsi si non je vais etre plus dure que toi dans la critique. Heureusement qu’il ya des gens de cultures comme toi qui font attention à tout ce qu’on fait et ecrit dans ce pays. Merci infiniment pour la remarque. Je ne dis plus rien

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