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Kenya : La division ethnique, une menace pour la politique

Publié le vendredi 8 février 2008 à 10h33min

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La crise au Kenya, consécutive à la présidentielle de fin décembre 2007, est analysée dans les lignes suivantes. Pour l’auteur, la division ethnique a toujours représenté une menace pour la politique depuis 1963.

En Afrique, le test décisif pour juger de la maturité et de la vitalité de la démocratie vient pendant et juste après les élections. Le principe essentiel dans une démocratie, c’est que chaque participant à une élection doit respecter les règles du jeu. Les élections doivent être perçues comme libres et justes. Dans le cas contraire, cela déchirerait le tissu national qui a unifié la composition ethnique de n’importe quel pays. Très souvent, cela peut menacer la simple coexistence des divers groupes.

La récente élection au Kenya ne fait pas exception à la règle. A la suite de la déclaration de victoire du président Mwai Kibaki, les esprits se sont échauffés. Avant l’annonce effective, il était largement admis que le principal opposant du président Kibaki, Raila Odinga, allait facilement remporter les élections. A l’annonce du résultat, les partisans du Mouvement démocratique Orange (ODM) ont prétendu qu’il s’agissait là d’une fraude à grande échelle, et le chaos s’est installé dans le pays.

L’opposition a accusé Kibaki de truquer les résultats. Une élection qui aurait dû donner un nouveau souffle aux Kenyans a finalement produit une explosion de violence où plus de six cents personnes ont déjà été tuées. Plus de 250.000 personnes ont été déplacées à cause des violences.

Depuis 1963, la division ethnique a représenté une menace pour la politique au Kenya. Il y a toujours eu depuis une lutte entre représentations ethniques pour occuper le siège de numéro un. Qui obtiendra les postes en or et les contrats mirifiques dépend de l’ethnie du président en charge et de ses ministres.

Effets néfastes sur l’économie

Déjà les effets de la crise se font sentir sur le plan économique. La plupart des touristes sont repartis après que l’opposition a entamé une vague de protestations. Ceux qui sont restés n’osent pas s’aventurer à l’extérieur des hôtels alors que l’incertitude envahit toujours l’économie tout entière. L’industrie touristique du Kenya qui rapporte près de 900 milliards de dollars par an en attirant plus d’un million de visiteurs a été affectée durant les quatre jours d’émeutes et de conflits.

Il existe un autre défi encore plus important pour l’économie si chaque camp n’arrête pas les violences et les destructions de propriétés : c’est que le secteur horticole et agricole, jusqu’alors prospère, et qui représente un quart du PIB, pourrait être mis en péril.

Avec les barrages routiers tenus par des jeunes déchaînés armés de matraques, il est fort probable que le transport de ces produits vers les ports et les grandes villes sera très perturbé. Ces perturbations seraient, sans nul doute, très coûteuses pour les fournisseurs de denrées périssables, telles que les fleurs coupées, dont le Kenya est le premier fournisseur en Europe.

Le Kenya est considéré comme le pays « le plus développé » de l’Afrique de l’Est. Les perturbations économiques au Kenya affecteraient à un moment ou à un autre les autres pays de la région. Déjà, les pays tels que l’Ouganda, le Rwanda le Burundi et la République démocratique du Congo ont ressenti l’impact des violences. Ces pays dépendent du Kenya pour des importations essentielles, en particulier le carburant. A la suite de l’éruption du chaos à Eldoret, où la raffinerie est située, la fourniture de carburant est extrêmement difficile. Cela a fini par déclencher une rareté artificielle qui se répercute dans toute la région.

C’est l’investissement privé qui est à l’origine de la prospérité de l’économie kenyane. Il a permis une croissance moyenne du PIB de 5% depuis 2002 et les prévisionnistes s’attendent même à 7 % pour les prochaines années. Avec la persistance de la crise, c’est la devise nationale qui chute de 7% et qui connaît une baisse record sur les marchés financiers.

Une aggravation de la crise pourrait être très dommageable pour le Kenya, entraînant de dangereuses conséquences pour le processus même de développement du pays. Il appartient à toutes les parties en lutte de rengainer leurs armes et d’ouvrir un dialogue constructif. Les partisans de Odinga et de Kibaki doivent réaliser que s’ils veulent réellement gouverner les Kenyans, ils ne doivent pas engager des actions qui pourraient empirer une atmosphère déjà tendue.

Au plus fort des violences, alors que beaucoup de gens étaient tués ou mutilés, le président Kibaki annonçait les membres de son cabinet, prétextant que les élections étaient bouclées. Cela pouvait être interprété comme une manière de consolider la nouvelle équipe dirigeante – mais dont la victoire est toujours remise en cause. Pourtant, que le président puisse s’avancer à une manœuvre si imprudente alors que s’engageaient massacres et déplacements était une erreur manifeste. Implicitement, il empêchait le changement. En outre, cela le présente comme quelqu’un qui s’accroche désespérément au pouvoir, quel qu’en soit le prix.

Chaque partie doit faire des concessions

Des nouvelles inquiétantes ont surgi. La médiation de l’Union africaine menée par le président Kufuor du Ghana s’est soldée par un échec. L’opposition prétend que les pourparlers ont échoué après que le président Kibaki a refusé de signer un document sur lequel les deux parties étaient d’accord et approuvé par le directeur local de la Banque mondiale, Colin Bruce.

Ce qui est encore plus inquiétant, c’est l’appel récent du Mouvement démocratique Orange pressant ses partisans partout dans le pays d’entamer trois jours de manifestations pour protester contre le résultat contesté de l’élection présidentielle.

Les manifestations pacifiques font partie intégrante de la démocratie. Mais, étant donné le fait que de telles manifestations peuvent être détournées par des individus et groupes violents pour semer la terreur et la mort, il est impératif que Odinga retire immédiatement son appel. Chaque camp doit respecter l’accord selon lequel la violence et les meurtres doivent cesser. La violence engendre la violence.

Au vu de la situation présente, chaque partie doit se préparer à faire des concessions. La politique, c’est avant tout du compromis. Kibaki et Odinga doivent chacun revenir à la table des négociations pour traiter des problèmes. Les Kenyans attendent anxieusement de voir les deux dirigeants se serrer la main. C’est réellement ce que les Kenyans désirent, et certainement pas de nouveaux décomptes de morts.

Par-dessus tout, la communauté internationale doit rapidement se faire le médiateur dans la crise du Kenya. Bien sûr elle ne doit pas aggraver la situation en prenant parti pour un des deux camps. Elle doit avertir Odinga et Kibaki qu’il n’est pas permis que la situation dégénère encore plus en une anarchie incontrôlable. On ne doit pas permettre que le Kenya devienne un autre lieu de massacres comme l’ont été le Liberia, la Sierra Leone, le Rwanda, le Congo et l’Angola.

Thomson Ayodole

Directeur executif de l’Initiative for public policy analysis (Lagos)

Avec la collaboration de "www.UnMondeLibre.or"

N.B. : La titraille est du journal

Le Pays

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