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Présidentielle 2005 : L’alternance est-elle une fin en soi ?

Publié le mardi 8 juin 2004 à 07h38min

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"Hermann est notre Wade", tel était le titre d’un point de vue sur la candidature unique de l’opposition paru récemment. L’auteur, M. Robert Niangané, y demandait notamment au président de son parti , le Pr Joseph Ki-Zerbo, de se ranger, lui et le PDP/PS, derrière Me Hermann Yaméogo qui représenterait, à ses yeux, les meilleures chances d’alternance face à Blaise Compaoré. C’est à cela que répond Hassane Wéréme, secrétaire national à la Communication de ladite formation politique.

J’ai lu avec une attention soutenue Monsieur Robert Niangané. Pour des besoins de clarification, je me fais le devoir de porter quelques observations sur cet écrit à titre personnel même si je suis responsable du siège du parti et secrétaire national à la communication.

Cela étant, je tiens à féliciter monsieur Robert Niangané pour ses .performances littéraires, car pour son âge et la classe qu’il fréquente, c’est à n’en pas douter une prouesse que doit méditer la jeunesse du Burkina Faso. Mais si dans la forme les apparences sont sauves, il y a lieu de relever quelques inexactitudes, voire des contre-vérités savamment distillées.

Par exemple lorsque le brave Robert Niangané affirme : « Mes vœux de prompt rétablissement, car on m’a dit, alors que j’étais de passage au siège du parti en début mai 2004, que vous étiez souffrant et alité ; puis plus tard, que vous étiez allé en Europe pour vous soigner ».

Avouons tout de même que vous faites là preuve d’imagination fertile, car, assurément au siège du parti personne n’a pu tenir de tels propos. Vous ne fréquentez pas le siège dans la journée. A preuve, c’est nuitamment que vous êtes allé déposer votre pamphlet au siège : dimanche 30 mai 2004 à 19h 30 mn. Mais évidemment, la sollicitude (même par lettre ouverte) ça peut toujours amadouer.

De quoi s’agit-il ?

L’alternance au Burkina Faso. Vous voulez l’alternance et à tout prix ; vaille que vaille.

Mais l’alternance est-elle une fin en soi ?

Au PDP/PS, nous parlons d’alternative et les militants vrais le savent et n’en font pas un détail. Pour votre alternance, vous choisissez de prendre comme référence le président Wade.

Mais savez-vous seulement ce qu’en pense Wade ?

Eh bien cherchez, fouillez dans les archives récentes et vous lirez cette phrase de Wade lui-même : « La majorité qui m’a élu le 19 mars 2000 n’est plus qu’une référence historique » (cf. le Matin, samedi 3- dimanche 4 avril 2004). Ne soyons pas plus royalistes que le roi ! Le Burkina Faso est à quelques milliers de kilomètres du Sénégal. L’appréciation que nous faisons du changement intervenu au Sénégal ne saurait éclipser les dires des acteurs politiques sénégalais qui ont transformé le rêve en réalité en portant Wade à la présidence de la République.

Sans vouloir critiquer Maître Wade et son pouvoir, lisons tout de même deux ténors, deux grands artisans de l’alternance sénégalaise : Mamadou Dia et Mamadou N’Doye. Mamadou Dia, ancien Président du Conseil des ministres du Gouvernement du Sénégal a dit entre autres le 2 avril 2004 dans un article intitulé "Trop c’est Trop monsieur le président" (cf. le Matin samedi 3 - dimanche 4 avril 2004, p. 11) en parlant de la personnalisation du pouvoir :« En fait, la situation qui prévaut actuellement au Sénégal n’est que la matérialisation d’un état de fait qui trouve son origine dans la Constitution de 2001, laquelle a engendré un bonapartisme personnaliste, sans équivalent historique.

Cette menace contre la démocratie républicaine de notre pays, pour virtuelle qu’elle était, s’est révélée au grand jour comme réelle, en ce sens que la coalition affiliée à Abdoulaye Wade lui a manifestement substitué plus qu’un parti-Etat, un Etat-personne qu’il affiche avec une ostentation sans aucune nuance.

L’alternance, telle qu’elle était conçue en l’an 2000, avait justement pour principal objectif de liquider toutes formes de personnalisation du pouvoir. Le spectre du recul du pays au plan démocratique est désormais flagrant.

Le constat est là : le gouvernement de l’alternance d’Abdoulaye Wade, contre toute attente, « a fait reculer le Sénégal, sur le plan des libertés publiques et de la démocratie, en parvenant à imposer au pays une constitution taillée à la mesure d’un président dictateur, mais aussi en abandonnant progressivement une tradition bien établie de concertation de la classe politique, pour lui substituer des décisions d’autorité.

La concentration progressive de tout le pouvoir de décision entre les seules mains du président de la République a conduit à une centralisation excessive du pouvoir exécutif qui, par ailleurs, a débouché sur une paralysie dans le fonctionnement normal de nos institutions républicaines. Cette centralisation a été d’autant plus pernicieuse qu’elle s’est accompagnée de la trop envahissante présence du fils et de l’épouse du président dans les affaires d’Etat on ne sait à quel titre ».

Pour conclure son propos, monsieur Mamadou Dia interpelle monsieur le président Wade en ces termes : « Monsieur le Président de la République, je vous adjure de reprendre vos esprits avant qu’il ne soit trop tard pour vous et pour notre pays ; qui est sérieusement menacé d’un troisième naufrage, après ceux du Joala et de l’alternance ».

Mais qui pouvait imaginer un tel retournement de situation au Sénégal lorsqu’on a en mémoire et en pensée tout ce que ce patriarche expérimenté et pétri de sagesse a fait pour que l’alternance voie le jour au Sénégal ? La leçon mérite d’être méditée. Mais lisons cet autre acteur émérite de la lutte pour l’alternance au Sénégal : Mamadou N’Doye, ancien ministre sous le gouvernement du président Abdou Diouf. En parlant de la gestion de l’alternance, il est amer.

Le quotidien "Sud" l’a interviewé le 12 décembre 2003. Retenons d’abord pour mémoire deux de ses affirmations : 1. « Si les gens ont pu penser au retour de Diouf, la faute en revient principalement à celui qui l’a remplacé ». 2. « En clair, Abdoulaye Wade doit changer de politique. A défaut, les forces de gauche doivent prendre leurs responsabilités pour sauver l’alternance ».

A une question relative à la responsablitié collégiale de toutes les forces ayant concouru à l’avènement de l’alternance, il répond : « Nous sommes au pouvoir, nous n’avons pas le pouvoir. Il faut quand même distinguer les choses. C’est comme du temps d’Abdou Diouf où nous avons été invités à participer à son gouvernement, mais nous n’étions pas au centre des décisions. Aujourd’hui, il est tout à fait clair et le secrétaire général de la LD-MTP(1), Abdoulaye Bathily, le dit dans toutes ses sorties : les gens ne sont pas consultés ».

Voilà des données sérieuses à connaître et à analyser. Se jeter dans le mimétisme béat sans a priori est suicidaire. Le continent africain est bien payé pour le savoir. La question de l’alternance ne doit pas être personnalisée. Il ne s’agit pas d’amour propre à choyer.

Et puis, monsieur Robert Niangané, vous allez trop vite en besogne ! Avez-vous la certitude que Monsieur Hermann Yaméogo est candidat ? Si oui, quel est son projet de société ? C’est vrai que vous baignez dans un enthousiasme qui frise la naïveté, mais je vous conseille la prudence dans vos prises de position, car personnellement, l’expérience que j’ai des hommes ne m’autorise plus à m’engager sur la base d’un discours ou même d’un acte isolé.

Ce que le peuple veut aujourd’hui, ce n’est pas seulement le remplacement d’un homme par un autre homme. Pour bâtir l’Afrique, il faut confirmer des idées, des programmes, une pratique politique progressiste. Ces conditions réalisées, les intransigeances et les illusions renaîtront avec comme effet d’entrainement l’enthousiasme de la jeunesse.

Dans ce domaine si vous ne voulez pas travailler objectivement pour Blaise Compaoré, il vous faudra apprendre à soutenir Hermann Yaméogo sans donner des coups de pieds au PDP/PS, car personne ne peut mettre en doute la volonté de changement qualitatif avec laquelle nous luttons depuis toujours.

Pour le moment, vous n’avez que vingt-deux (22) ans. Pensez à ce que dans soixante et un (61) ans l’histoire retiendra de vous comme image. Le professeur Joseph Ki-Zerbo quant à lui a donné un sens à sa vie. Et les multiples prix qui gratifient ses efforts sont autant de preuves que les jérémiades de quelques simples d’esprit mal de sensationnel tentent vainement par des girouettes interposées d’écorner en oubliant que l’eau qui tombe sur les plumes du canard ne le mouille pas.

Vous, vous êtes militant PDP/PS, dites-vous ; venez au siège et vous trouverez une oreille attentive pour échanger sur les questions qui vous préoccupent. Ne venez pas nuitamment. Ne commencez pas par une lettre ouverte pour faire un procès public contre votre propre parti.

D’ores et déjà, sachez que se liguer pour s’imposer sans préalable établi et accepté de commun accord est infructueux. Cela relève des intrigues infantiles aboutissant à des désordres, antichambres de convulsions aventureuses sans lendemain.

Et puis, un parti, ce n’est pas la jungle. Il y a une ligne, des options, une pratique et des textes fondamentaux qui organisent et disciplinent. La critique et l’autocritique sont garanties par les textes de notre parti. Seuls les militants d’occasion ignorent cela.

Maintenant, je suis curieux de savoir pourquoi vous tenez tant au soutien du Professeur Ki-Zerbo et de son parti, le PDP/PS, à monsieur Hermann Yaméogo et son parti, l’UNDD, étant donné que vous pronostiquez moins de 5% des voix pour le PDP/PS, qui serait donc quantité négligeable ? Comme quoi, quand on ne maîtrise pas soi-même le raisonnement, on oublie parfois que la conclusion ne doit pas dépasser les prémisses.

Comme militant, j’avoue que vous êtes étrange et pour votre âge je vous conseille d’avoir le souci de l’humilité, sans laquelle votre sport roi risque d’être le nomadisme politique. En attendant, vous avez certainement pincé le PDP/PS, mais êtes-vous sûr d’avoir rendu service à Monsieur Herman Yaméogo ? N’avez-vous pas manqué vos deux objectifs ? L’avenir nous le dira.

Hassane Wereme

(1) LD-MPT : Ligue démocratique/Mouvement pour le parti du travail

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