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Education des filles au Sahel : Vaincre à tout prix la déperdition

Publié le vendredi 1er février 2008 à 10h18min

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En dépit des actions entreprises par l’Etat en faveur du développement de la région du Sahel, cette partie du pays demeure à la queue, en matière d’éducation, principalement celle des filles. Des progrès sont certes enregistrés en matière d’accès ; il reste à travailler au maintien et à la réussite des filles à l’école.

Les écoles de la direction régionale de l’Enseignement de base (DREBA) du Sahel ont enregistré au titre de l’année scolaire 2007-2008, 16 675 élèves inscrits au CP1, dont 8192 filles et 8 483 garçons. Ces chiffres portant sur les 4 provinces de la région (Oudalan, Séno, Soum, Yagha) témoignent des progrès réalisés dans la localité en matière d’éducation, notamment celle des filles. De l’avis des responsables chargés de l’éducation, avec la mise en œuvre du plan d’action du Plan décennal de développement de l’éducation de base, la scolarisation des filles connaît un regain dans cette région restée longtemps réticente, voire hostile à l’école.

Pourtant, dès 1900, Dori a vu s’ouvrir sa première école. Plus d’un siècle après, on en est toujours au stade de recrutement sur la base des registres dans certaines localités. En dépit de toutes les actions entreprises par l’Etat et les partenaires sociaux, le taux de scolarisation dans le Sahel est en-deçà de la moyenne nationale. Les explications sont aussi nombreuses que variées.

Il s’agit, selon le directeur régional de l’Enseignement de base du Sahel (DREBA/Sahel), Idrissa Compaoré, de la mobilité des populations, du manque d’eau qui amène les mères à aller à la recherche des points d’eau, pendant que les filles gardent la maison et les plus petits enfants. Le manque d’infrastructures, l’analphabétisme des parents, le mariage précoce sont également des obstacles majeurs à la scolarisation des filles, "si bien qu’au moment où les autres régions travaillaient à consolider leurs acquis, au Sahel, il fallait tout commencer, asseoir les bases", a signifié le DREBA/Sahel, Idrissa Compaoré. Ce qui fait dire au directeur provincial de l’Enseignement de base du Soum, Richard Ouédraogo, "que lorsque les autres font un pas, nous nous devons en faire 3 voire 4". Par endroits, les sensibilisations ont porté fruit et aux dires du DPEBA/Séno, Sanou Barry. En 2006-2007, les tendances ont été renversées dans sa province. Il estime que de plus en plus, des parents ont le réflexe d’envoyer les filles à l’école, à tel point que la direction provinciale a du mal à répondre à la demande. "Nous avons près de 30 écoles sous paillotes". Alors, se pose la question du maintien.

L’autre défi : améliorer le taux d’achèvement

Des taux d’achèvement demeurent bas, et c’est la déception au bout du compte. Pour la répondante régionale de la Direction de la promotion de l’éducation des filles (DPEF), Corine Silga, cela est dû à la pauvreté et surtout à la non implication des parents dans l’éducation des filles. "En plus, au Sahel, la jeune fille est considérée comme une étrangère, appelée à quitter sa famille.

En somme, la scolariser serait un investissement à perte, qui va profiter à la belle famille", a-t-elle confié.
A certains endroits, les enseignants font le pied de grue pour ramener les élèves, sur les bancs surtout pendant la transition cours élémentaire cours moyen. Selon le DPEBA/Séno, dans les années 2000, certaines filles ont quitté le lit conjugal pour se rendre en classe. Il lui a fallu, à plusieurs reprise, intervenir et veiller à ce que ces filles mariées puissent terminer leur cycle primaire. "Heureusement que le mariage précoce a considérablement reculé, dans le Séno", se réjouit aujourd’hui M. Barry.

Pour le directeur de l’école du secteur n° 9 de Djibo dans le Soum, Adama Soré, la non assiduité des filles demeure une préoccupation. "Elles se déplacent quand elles veulent, reviennent quand elles le souhaitent".

Il se prépare toujours à se retrouver avec une classe à moitié vide les jours de marché. M. Soré a confié avoir entrepris des démarches pour maintenir deux filles de la classe de CM2, déjà mariées. Avec un taux de 40% de filles dans ses effectifs, il s’attelle tant bien que mal à maintenir ces filles le plus possible à l’école. Mais les parents réfractaires ne manquent pas. Ceux-ci, selon Adama Soré, attendent les vacances pour retirer les enfants du circuit scolaire. Mais certaines filles ont compris et se battent pour avancer. C’est le cas de Mariam Alou de l’école primaire du secteur n° 9 de Djibo, qui a affirmé ne pas être préoccupée par le mariage. Elle souhaite devenir institutrice et aider son village à se développer. Mais aura-t-elle raison des traditions ? Au Sahel, selon le secrétaire exécutif de l’association A2N, Ousmane Bocoum, l’entretien d’une fille coûte plus cher que celui d’un garçon. Alors, mariée, sa belle famille la prend désormais en charge et la mère est soulagée. En plus, ces peuples tiennent à leur honneur. "Une femme préfère voir sa fille ménagère que de la voir revenir de l’école avec une grossesse" a estimé M. Bocoum. Des cas de ce genre constituent pour certains parents, un argument de taille.

Ailleurs, les sensibilisations sont axées sur les femmes modèles. Pour M. Bocoum, les Sahéliens ne considèrent pas comme modèles les femmes qui ont financièrement réussi. Les ménagères sont fières d’être des épouses modèles et n’ont rien à envier aux "femmes toubabs".
L’origine sociale, a précisé Ousmane Bocoum, est source de fierté. Alors, des parents ne comprennent pas pourquoi un enseignant peut demander à leur progéniture d’effectuer les tâches ménagères, une situation "banale" peut entraîner le retrait de l’enfant de l’école. A tous ces facteurs, s’ajoute la léthargie des Associations des parents d’élèves (APE) et des Associations des mères éducatrices (AME). Il n’y a pratiquement pas de changement à la tête de ses organisations. Dans certaines localités, le responsable porte tous les bonnets : chef de village, conseiller... Ils ont une forte influence sur la population et leur position détermine celle des autres.

Finalement, regrette le DREBA, Idrissa Compaoré, "nous avons tout à résoudre", « on essaie de progresser, mais le résultat final n’est pas à la hauteur de nos attentes »,
La gratuité de manuels scolaires, le remboursement des cotisations, la ration alimentaire à emporter, la gratuité du repas sont autant de mesures entreprises au niveau national pour encourager la scolarisation des filles. Au quotidien, les répondantes DPEF s’attellent à mettre en œuvre des plans d’actions en direction des zones réfractaires.
L’Etat et ses partenaires ont développé moult stratégies : formation des enseignants sur le genre, l’encadrement des APE, AME...
"Mais, notre espoir, c’est surtout l’alphabétisation", a déclaré le DREBA, Idrissa Compaoré.

Il a été révélé aussi bien au niveau de l’administration que des associations et ONG, que les zones où les femmes ont été alphabétisées sont celles qui ont enregistré des progrès. Ces dernières ont compris l’intérêt de l’école et elles se sacrifient pour garder les enfants. Se pose alors la question de garderie, dont la disponibilité donnerait plus de chance aux filles.

Le principal goulot d’étranglement au Sahel demeure la transition primaire-secondaire. A ce niveau, l’accent doit être mis sur les infrastructures d’accueil. Multiplier les collèges pour maintenir les filles dans leur terroir. Mais en attendant, le DREBA pense qu’il faut songer aux centres d’accueil pour filles, afin de mettre les filles à l’abri de certaines situations et rassurer les parents. Le maintien de la gratuité, l’ouverture des écoles de formation technique et professionnelle proposant des cycles courts seront salutaires, l’implication des autorités locales serait aux dires des acteurs, un atout.

La représentante régionale de la DPEF souhaite une synergie d’action entre les partenaires sociaux et les structures déconcentrées du ministère en charge de l’éducation. D’ailleurs, selon le DREBA, les actions en faveur de l’éducation ne sont pas maîtrisées. "Conséquence, on peut intervenir dans une localité où le besoin n’existe plus", affirme-t-il.
Comme perspectives, la DREBA compte travailler à "consolider les acquis". La construction d’infrastructures au profit de la région du Sahel dans le cadre du projet BAD sera d’un grand apport.

Assetou Badoh


A Foulgou, les parents s’engagent...

Avec un taux brut de scolarisation de 45,67% au cours de l’année scolaire 2006-2007, le Sahel fait partie des régions les moins avancées en matière d’éducation.
La multiplication des écoles, les campagnes de sensibilisation, la gratuité de l’école ne peuvent en un temps record, combler les retards accumulés depuis tant d’années.

Certains villages sont à leur première infrastructure scolaire, un siècle après l’entrée de l’école à Dori. C’est le cas du village de Foulgou, situé à un quinzaine de kilomètres de Dori dans la province du Séno. L’enthousiasme des habitants devant cette nouveauté, est perceptible. Ils ont eux-mêmes construit la paillote qui abrite 77 pionniers dont 41 filles. De par le passé, aucun enfant du village n’a eu cette chance d’aller à l’école. Avec 14 tables-bancs, les enfants assis, 6 par table, suivent comme ils peuvent, les cours dispensés par M. Ali Karimu Maïga.
Selon la DPEF provinciale, Mme Zali Zalikatou Maïga, il a fallu des séances de sensibilisation pour en arriver à là. Aujourd’hui, les parents se montrent motivés. Ils consentent à verser la cotisation de 5000 F CFA par élève. Conscients de leur retard, les parents sont décidés à donner une chance à leurs enfants, filles comme garçons.

Aïssatou Ly fait partie de cette première promotion. Déjà, elle rêve de devenir "maîtresse" institutrice. Mais quelles chances a-t-elle d’y parvenir dans un milieu où l’âge moyen de mariage est de 9 ans ? Où les habitants sont partagés entre le désir de disposer de leurs premiers lettrés et le respect de la tradition ? Accorder à l’école dans ce contexte, une chance et y réussir est un combat dans lequel les filles sortent rarement vainqueurs.

Le lit conjugal demeure un sérieux concurrent au maintien des filles à l’école.
Mais Aïssatou a peut être une chance. Les parents d’élèves de Foulgou s’engagent à soutenir les filles à les pousser le plus loin possible.
Mais, affirment-ils avec force, elles qui auront échoué seront les premières candidates au mariage.
Le village de Foulgou fonde son espoir sur le projet BAD V, pour la construction de son école, et attend des autorités, le maintien de la gratuité.

A.B

Sidwaya

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