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Autorité supérieure de contrôle d’Etat : Un nouveau machin pour noyer le poisson dans l’eau ?

Publié le vendredi 25 janvier 2008 à 11h15min

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Le Premier ministre Tertius Zongo

Cela dénote la volonté de l’Exécutif d’assainir les finances publiques, d’enrayer ou du moins de circonscrire cette hydre que sont la corruption et la malgouvernance. C’est de notoriété publique : notre pays, bien que baptisé "Pays des hommes intègres", est loin, bien loin d’être un modèle achevé en matière de bonne gouvernance. D’ailleurs, la corruption est en passe d’y gangrener la quasi-totalité des secteurs d’activité.

L’Administration publique, les marchés publics, les Impôts, la Police, la Gendarmerie, le Mairies, la Justice, les Douanes, les Médias, la Santé, l’Education sont largement ankylosés. Alors dans ce contexte où la petite corruption essaime dans la vie nationale et que la grande corruption se nourrit de l’impunité des "grands", y a-t-il autre chose à faire que d’applaudir à tout rompre lorsque le gouvernement prend cette décision idoine de créer une Autorité supérieure de contrôle d’Etat et dont le titulaire aura rang de ministre ?

On s’en doute, conférer un rang de membre du gouvernement au titulaire de ce poste, c’est donner à cette personnalité tout un pouvoir d’action pour un meilleur contrôle de tout ce qui relève de l’Etat. D’ailleurs dans certains pays, le contrôleur d’Etat est tout simplement membre du gouvernement. Penser donc à créer ce poste dans notre pays est sans

doute un pas vers la bonne gouvernance même s’il faut attendre de voir le premier responsable de ce poste à l’œuvre, car c’est au pied du mur que se détecte le bon maçon, dit-on ! Quoi qu’on dise, c’est la personnalité d’un individu qui fait la fonction. Ils sont nombreux, les cadres burkinabè placés à des postes somme toute modestes, mais qui ont réussi grâce à leur entregent à en faire des structures qui comptent dans notre Pays. C’est en cela que la personnalité d’un individu détermine la fonction.

Si par mégarde on nommait à ce poste une chiffe molle, un administratif lisse ou un politique qui traîne de grosses casseroles et qui en temps normal devrait se retrouver plutôt à la MACO qu’à présider une telle structure, ce ne serait qu’une institution de plus. Et c’est tout.

Mais si par contre, on y envoyait quelqu’un qui a de la moutarde et une bonne dose de personnalité, on se réjouira d’avoir une véritable institution au service de la nation. C’est pour tout cela qu’au-delà des effets d’annonce il sied de mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Cela n’implique-t-il pas d’abord qu’il faille chercher une personnalité au-dessus de tout soupçon, comme la femme de César ?

Et si on la trouve, quelle pourrait être sa marge de manœuvre dans le cadre de ses mandants ? Bref, aurait-elle véritablement les coudées franches pour mener à bien sa mission ? C’est là la question. Avec une telle personnalité bien affirmée, quelques brebis galeuses épinglées pourraient être invitées à se justifier enfin devant les tribunaux et le cas échéant à rendre gorge.

Au-delà de ces questions légitimes qui attendent des réponses, nous nous posons une autre, celle du rôle et de la place de l’ASCE dans le dispositif institutionnel de la lutte contre la corruption au Burkina.

Certes, au regard de tout le dispositif juridique et institutionnel mis en branle pour lutter contre la corruption, il semble exister une véritable volonté politique d’endiguer le fléau, mais force est de reconnaître que les résultats restent en deçà des attentes.

Ce n’est un secret pour personne que depuis quelques années, l’Etat a montré ses limites aussi bien dans l’application des règles de bonne conduite des agents publics que dans la prévention des déviances morales entraînant aussi bien une corruption endémique que des dysfonctionnements de l’appareil d’Etat.

Quelqu’un l’a déjà dit et nous le répétons ici : "Dans ce Burkina, en voie de démocratisation, tout semble se désagréger". Et le constat est établi que pour avoir un acte administratif, pour être soigné, être recruté au public comme au privé, avoir une place à l’école ou avoir un marché, être affecté en ville, être nommé, obtenir l’exécution d’un jugement, etc., il faut, soit mettre la main à la poche, soit connaître une personne bien placée. Et cela ne développe pas un pays, mais permet tout simplement à quelques petits de s’en mettre plein les poches.

Conséquences : l’ardeur au travail, le respect du mérite, la justice sociale perdent du terrain. La situation semble si préoccupante à ce jour que le citoyen lambda a la vague impression que la corruption est devenue chose banale ; voire légale au Burkina et que l’on passerait pour un esprit simple si on ne s’inscrivait pas dans cette mouvance. Face à cette situation, le gouvernement a cru devoir prendre le taureau par les cornes en multipliant des textes et en créant à la pelle des structures pour endiguer le fléau.

Amusons-nous donc à les passer en revue. Nous avons d’abord les structures classiques de contrôles que sont :

• Les Inspections techniques Elles sont chargées de la "bonne marche des départements ministériels. Ils leur incombe d’identifier les lacunes et les manquements graves, au sein de ces ministères et de leur trouver des solutions".

• L’Inspection générale d’Etat. Elle est chargée du Contrôle pour ce qui est des questions financières du ministère des Finances et dont le domaine d’intervention couvre tous les départements ministériels.

L’Inspection générale d’Etat a pouvoir de contrôle de tous les secteurs publics de l’Etat. Hormis ces structures techniques, l’Exécutif a mis en place des structures spécialisées que sont :

• La Coordination nationale de lutte contre la Fraude, créée en 1994 et qui est chargée de proposer une stratégie nationale de lutte contre la fraude et d’en assurer la mise en œuvre.

• La Cour des Comptes, créée en 2000 après l’éclatement de la Cour Suprême et qui a compétences pour juger les comptes des comptables publics, sanctionner les fautes de gestion et assister l’Assemblée nationale dans le contrôle de l’exécution des lois de finances. En sus de la Cour des Comptes, nous avons le Comité national d’éthique, créé en 2001 en application des engagements de la Journée nationale du Pardon et qui se définit comme "Un Observatoire de la société burkinabè".

Enfin, il faut mentionner l’existence de la Haute Autorité de Coordination de la lutte contre la corruption, qui doit proposer au Gouvernement une politique anticorruption assortie de plans d’actions. En dépit de grosses sommes d’argent du contribuable qui sont englouties en frais de mission, et en production de rapports, la malgouvernance et la corruption sont toujours reines au Burkina. Alors l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat est-elle la bienvenue ou la dernière trouvaille pour noyer le poisson dans l’eau ?

Boureima Diallo

L’Observateur

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