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Afrique : Quand le téléphone sert de banque

Publié le jeudi 24 janvier 2008 à 09h49min

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C’est par le téléphone portable que passeront à l’avenir les transferts d’argent. Les premiers essais sont déjà en cours dans plusieurs pays d’Afrique. Une solution séduisante pour simplifier les envois d’argent des migrants, les faire rentrer dans les circuits officiels et favoriser l’investissement.

Quelques petits coups de pouce sur le clavier de son téléphone portable suffiront bientôt pour envoyer de l’argent à sa femme restée au pays, à sa mère malade à des centaines de kilomètres de chez soi, à son neveu qui doit construire sa maison... Ce n’est pas de la science-fiction. C’est déjà une réalité au Kenya où l’opérateur de téléphonie Safaricom s’est allié à des banques pour monter le système Pesa ("argent mobile", en swahili) qui permet avec un simple SMS de recevoir ou d’envoyer jusqu’à 400 dollars. Au Nigeria aussi, le chezo/a pay facilite le transfert d’argent et le paiement direct et local de certaines factures comme l’électricité. D’ici quelques mois, c’est le plus gros opérateur de transferts d’argent, Western Union, qui va s’y mettre à son tour. Associée à un groupement d’opérateurs de téléphonie mobile, elle met au point un système qui desservira peu à peu toutes ses agences. A condition bien sûr que l’expéditeur créditeur dispose d’un compte bancaire.

Une petite révolution qui pourrait accroître encore les transferts d’argent, déjà colossaux, entre les pays occidentaux et ceux en développement. Selon un rapport de la Banque mondiale, à l’échelle de la planète, ceux-ci sont évalués à 240 milliards de dollars pour 2007, deux fois plus qu’en 2002. Deux chiffres en montrent l’importance : l’aide au développement de l’UE aux pays ACP, le 10e FED, s’élèvera à 4,6 milliards d’euros par an pour la période 2008-2013, les transferts des migrants dans leurs pays d’origine sont, eux, estimés à plus de 20 milliards d’euros chaque année, cinq fois plus ...

Les chiffres officiels des transferts seraient toutefois bien inférieurs à la réalité, car jusqu’à présent, les envois d’argent se font rarement par les circuits bancaires, surtout en Afrique. Ils passent soit par des circuits informels parfois risqués, mais peu coûteux, via des commerçants ou des voyageurs, soit, le plus souvent, par les agences de transfert d’argent sûres, rapides et présentes dans de nombreuses localités, mais onéreuses : les frais s’élèvent en moyenne à 10 à 15 % du montant envoyé.

Formaliser les transferts

Formaliser ces transferts afin de pouvoir mieux les suivre, les sécuriser et faire baisser les coûts de transaction, sont aujourd’hui les objectifs des bailleurs de fonds. A cela plusieurs raisons avouées ou non : limiter les migrations vers les pays européens en favorisant les économies locales, mieux contrôler les transferts internationaux pour éviter le blanchiment d’argent suspect ou le financement des réseaux terroristes.

Ainsi pour encourager les transferts via leurs établissements, les banques essaient de trouver des systèmes plus souples et mieux adaptés aux réalités économiques locales. La Société générale propose désormais à ses clients un service de transfert de fonds internationaux par téléphone qui permet à ses clients et à ceux de ses filiales d’envoyer ou de recevoir des fonds sur leurs comptes ou de les recevoir en espèces au guichet de la banque. Au Burkina, au Bénin, au Cameroun, au Sénégal, au Tchad et en Côte d’Ivoire, ce service est déjà opérationnel.

Dans les régions rurales où ce sont souvent de petites sommes qui sont envoyées, Ies coopératives et des établissements de microfinance sont de plus en plus souvent reliés au système bancaire classique. Les émigrés attendent aussi des banques des taux d’intérêts motivants, des assurances et surtout des prêts pour pouvoir se lancer dans des projets d’envergure dans leurs pays d’origine.

Investir plutôt que consommer

Car, selon de nombreuses études, l’argent des migrants est utilisé à 80 % pour la consommation courante, à 15 % ou plus selon les pays pour la construction d’infrastructures - ¬centres de santé, écoles, mosquées ... - et parfois à peine à 1 % pour des projets économiquement rentables (petits commerces, unités de transformation agricole, plantations, etc.). Certes, il améliore la vie des plus pauvres, surtout en zones rurales où il permet de se nourrir en cas de mauvaise récolte, de se soigner ou d’envoyer les enfants à l’école. Mais, il a aussi des effets pervers : les familles deviennent parfois dépendantes de ces apports extérieurs qui ne les incitent pas à améliorer elles-mêmes leurs revenus. Elles poussent alors régulièrement d’autres jeunes en exil pour préserver leur niveau de vie.

"Les transferts permettent à ceux qui sont restés chez eux de sortir de l’extrême pauvreté, estime Jean-Pierre Garson, spécialiste des questions migratoires à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), mais leur impact sur le développement n’est pas évident, surtout si l’on évalue en regard de la perte de main - d’oeuvre que représente l’émigration pour ces pays".

Marie-Agnés Leplaideur (Syfia France)

Le Pays

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