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Me Gilbert Noël Ouédraogo : "Les ministres gagnent moins que les députés "

Publié le lundi 21 janvier 2008 à 12h53min

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Gilbert OuédraogoIl revendique le droit à la différence, l’art de faire la politique autrement dans un pays où les affrontements idéologiques dressent des barricades humaines et s’accommodent très mal de compromis. Sa posture politique intrigue et suscite la controverse. Il se considère comme le véritable chef de l’opposition alors que ses adversaires polémiquent encore aujourd’hui sur le mot d’ordre de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA), le parti qu’il dirige, qui avait appelé à voter pour le président Blaise Compaoré lors de la présidentielle de 2005. Extraits de l’interview à cœur ouvert, accordé à nos confrères de Fasozine « Le Mag du Burkina et de la diaspora ».

Fasozine : Vous êtes avocat de profession. Pourquoi avez-vous décidé de faire de la politique ?

Gilbert Noël Ouédraogo : Je dois d’abord avouer que je n’avais jamais souhaité faire de la politique pour plusieurs raisons. La principale est liée à mon enfance. Tout petit, avec mes frères, nous n’avions pas eu la chance de passer des instants de famille avec notre papa. Il était très absorbé par ses activités politiques. Généralement, quand il rentrait à la maison, le soir, nous étions déjà au lit et le matin, quand nous quittions la maison, il était encore endormi. En réalité, on le voyait une fois par semaine, notamment le samedi.
Nous avions par ailleurs été des témoins des étapes de l’évolution politique de notre père et nous avons vu la maison se remplir de ses courtisans pendant les moments fastes. Malheureusement, nous l’avons aussi vu se vider quand on l’avait arrêté et qu’il n’était plus aux affaires…
Pour ces raisons, aucun de ses enfants ne voulaient vraiment faire de la politique.

Vous avez malgré tout franchi le pas…

En réalité, c’est les militants du parti qui ont souhaité que sa relève soit assurée, que son flambeau soit porté haut. Quand mon père voulait se retirer de la tête du parti, il avait, dans un premier temps, misé sur certains camarades qui ont, par la suite, failli ou trahi. Il a donc été contraint, sous la poussée des militants, de solliciter ses enfants. Aucun de mes frères n’était intéressé par une carrière politique. C’est ainsi que je me suis finalement retrouvé à m’engager en politique.

Aujourd’hui, l’ADF/RDA, premier parti de l’opposition, est allié au président Blaise Compaoré. C’est une posture qui a été vivement critiquée…

La vérité, c’est qu’en 2005, mon parti, l’ADF/RDA, avait décidé d’apporter son soutien au candidat Blaise Compaoré, le président du Faso, sur la base d’un accord programmatique qui prenait en compte les idées de l’ADF/RDA. Il faut aussi rappeler le contexte dans lequel cette alliance s’était nouée. Nos voisins connaissaient des passes difficiles. Le Togo était à la veille d’une transition complexe, la Côte d’Ivoire traversait une crise sévère, sans compter la situation nationale bouleversée, assez mouvementée. Toutes les instances de mon parti ont donc estimé que la situation exigeait, à l’époque, un surpassement et une décision politique qui irait dans l’intérêt de notre pays. Voilà pourquoi nous avions appelé à voter pour le président Blaise Compaoré.

Si en France, pour faire barrage à Le Pen, la Gauche a pu appeler à voter Jacques Chirac, pourquoi nous, au Burkina, ne pourrions-nous pas nous mettre ensemble sur la base d’un accord clair et précis face à ces maux que sont la pauvreté, la corruption… ?

Etes-vous à l’aise dans cette posture ?

Oui, nous sommes parfaitement à l’aise. Nous avons dit, dans notre programme, que nous sommes prêts à travailler avec toute formation politique, qu’elle soit de gauche ou de droite, radicale ou modérée, à condition que cela se passe dans un cadre républicain. Nous sommes ouverts. Notre parti est le père de toutes les formations politiques. Et puis, pour caricaturer avec le football, pour moi, les partis sont comme des équipes de première division, et le pays, c’est l’équipe nationale.
On doit pouvoir s’accorder sur un socle minimal, qui est la préservation de la République.

Quand votre principal rival politique dans votre région (le Yatenga), Salif Diallo, déclare « qu’on a enterré l’éléphant, mais il a encore un pied dehors », cela vous laisse-t-il indifférent ?

Cela me fait sourire. Mais, vous savez, comme le disait Wolé Soyinka, un tigre ne proclame pas sa tigritude, il bondit sur sa proie et l’abat. Cette déclaration de Salif Diallo reflète un état d’esprit. A nos adversaires, je dis simplement qu’il n’est pas facile d’enterrer un éléphant...

Quels types de rapports entretenez-vous justement avec le ministre d’Etat Salif Diallo ?

C’est un grand frère que je connais bien. Nous avons des rapports de respect mutuel. Mais, sur le plan politique, chacun mène son combat. Je dois cependant lui rappeler que le Nord du Burkina est le fief de l’ADF/RDA et que j’ai toute ma place dans le Yatenga.

Certains échotiers de la presse nationale estiment qu’il y a un deal secret entre le président Compaoré et vous-même, qu’il vous préparerait comme son dauphin…

Cela est sans doute le point de vue de ceux qui militent dans le sens de mettre fin à ce rapprochement. Sachez en tout cas que moi, je ne m’inscris dans aucune logique de dauphinat.

Que vous inspire ce scénario évoqué par certains éditorialistes qui affirment que le président préparerait son petit frère, François Compaoré, à lui succéder ?

Vous savez, nous sommes dans un régime démocratique. Il y a la liberté de la presse, mais j’ai assez de recul pour savoir que ce que raconte la presse n’est pas toujours vrai.

Cela dit, François Compaoré peut-il légitimement succéder à son grand frère ?

Moi, je suis un juriste. Je vous renvoie à la Constitution, qui stipule que tout candidat aux fonctions de président du Faso doit être Burkinabè de naissance et né de parents eux-mêmes Burkinabè, être âgé de trente cinq ans révolus à la date du dépôt de sa candidature et réunir les conditions requises par la loi...

François Compaoré laisse dire et laisse faire. C’est un personnage assez énigmatique.

Il ne me paraît pas énigmatique. Je le connais très bien. J’estime qu’il adopte plutôt une posture humble et discrète, qui est tout à son honneur. Et malgré cela, la presse passe son temps à le ramener sur le devant de la scène. C’est un personnage pondéré. Je connais certaines contrées ou les frères des présidents ne se comportent pas avec la même pudeur que François Compaoré.

Pour revenir à votre statut, votre parti se considère-t-il encore comme une formation de l’opposition, alors que vous avez deux ministres dans le gouvernement ?

Jusqu’à preuve du contraire, notre parti est le premier parti de l’opposition. En 2005, nous avons décidé de suspendre notre titre de chef de file de l’opposition, en attendant qu’on clarifie les contours de ce statut.

Vous ne pouvez pas soutenir Blaise Compaoré et être opposant…

Ecoutez, malgré ce qui a été dit en 2005 sur notre décision d’appeler à voter Blaise Compaoré, notre parti s’est classé deuxième aux dernières élections législatives avec 14 sièges de parlementaires. Au regard des textes, je suis le chef de l’opposition. Ce sont les résultats des élections qui permettent de dire qui est le leader ou qui ne l’est pas… On ne demande pas l’avis des autres partis.

Me Bénéwendé Sankara, le leader du parti sankariste de l’Unir/MS, avec ses 4 députés, vous conteste le statut de chef de l’opposition…

On lui souhaite bon vent ! Mais qu’il sache que lorsqu’on se bat pour la démocratie, il faut en accepter les règles…

Pouvez-vous aller au cinéma avec Me Sankara ?

Oui, bien sûr ! C’est un ami. On se parle naturellement. Au départ, j’avais même cru qu’il militerait au sein de l’ADF/RDA. Je respecte ses convictions. On ne se rend plus visite avec la même fréquence, mais nous avons des rapports d’amitié. Et si vous le ne saviez pas, Me Sankara est le parrain de ma fille aînée, Christelle.

Quel est votre salaire de ministre ?

Pas grand-chose ! Mais je rends grâce à Dieu pour le salaire qu’on me donne. Sachez cependant que les ministres gagnent moins que les députés et certains directeurs généraux de société, et qu’ils n’ont pas d’assurance maladie.
Je dois d’ailleurs vous dire que certains nouveaux ministres sont surpris quand ils reçoivent leur première fiche de salaire.

Vous recevez donc du cash supplémentaire, alimenté par une caisse noire de la présidence ou de la primature ?

Non, non, il n’y a aucune caisse noire.

Etes-vous prêt à dévoiler votre fiche de paie dans Fasozine ?

Dans le principe, cela ne me gène pas. Mais je ne voudrais pas évoluer dans une démarche solitaire, étant membre d’un gouvernement.

Par Samori Ngandè

Fasozine

P.-S.

Voir le site de Fasozine :
http://www.fasozine.com/

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Vos commentaires

  • Le 22 janvier 2008 à 20:57, par alassane En réponse à : Me Gilbert Noël Ouédraogo : "Les ministres gagnent moins que les députés "

    Dites-nous exactement dans quelle mesure vous incarnez une opposition alternative au pouvoir en place. Jusqu’a present vos grandes decisions ont consiste a promouvoir et conforter le leadership du CDP.

    S’il est vrai que vous soutenez le president et pas le CDP, alors la logique serait de se positionner entant que parti de la mouvance presidentielle.

    Je ne suis pas pour une opposition radicale et passionnee face au CDP mais je pense d’une part que quand on a veritablement un programme politique viable et quand on estime d’autre part etre un grand parti a l’echelle nationale, ce qui est important a preserver c’est notre consistance, notre perception.

    Vous donnez l’impression davantage d’etre convaincus que plus vous serez proches du president et mieux vous vous porterez.
    Pourtant vous aviez au depart tout le potentiel necessaire et les baggages (votre parti)pour susciter chez les jeunes comme moi l’espoir , le changement .
    Mais vous avez plutot preferer ceci :
    "Arretons-nous de parler. Allons feliciter le vainqueur".

    Alassane

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