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Périodes électorales en Afrique : Instaurer la vacance du pouvoir

Publié le mardi 15 janvier 2008 à 10h33min

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Rapide prestation de serment, appel du pied pour la formation d’un gouvernement de coalition sans même attendre la proclamation des résultats provisoires du scrutin. Le souci du président kenyan, Mwai Kibaki, d’aller vite, sans perdre de temps, cachait mal son intention de couper l’herbe sous les pieds de son principal adversaire politique, Raila Amolo Odinga.

Pour Kibaki, il fallait éviter à tout prix que le pouvoir lui filât entre les doigts. Visiblement, la manœuvre a réussi, puisque Mwai Kibaki tient toujours les rênes d’un pouvoir des plus contestés. Après être allé si loin, le retour en arrière est-il encore permis pour Kibaki ? Peut-il remettre son mandat en jeu sans risquer de s’ouvrir le boulevard des incertitudes ? A moins d’un supplément d’âme de sa part, le successeur de Daniel Arap Moi ne s’y aventurera pas. Ce serait bien trop périlleux pour Kibaki ! C’est sans doute en cela qu’il faut expliquer l’échec de la médiation du président du Ghana, John Kufuor qui s’en est retourné dans son pays avec pour seule consolation d’avoir au moins pu "lancer les négociations". Pour Raila Amolo Odinga, qui conteste au président sa victoire et qui affirme être le président légitime des Kenyans, la consolation s’avère encore plus maigre. D’autant qu’il ne demandait pas moins la démission pure et simple de son adversaire, ou une reprise totale des élections. Si les élections devaient être reprises, de quoi aurait peur Kibaki si tant est qu’il soit assuré d’avoir le soutien massif de son peuple ?

Face aux positions tranchées des deux camps, qui lui saura faire entendre raison ? Qui saurait faire entendre raison à son adversaire qui, de toute évidence, n’entend pas se faire voler une victoire qu’il jure sienne, ni décevoir ses militants ? En tous les cas, si pression il doit y avoir sur les deux candidats, elle devrait être exercée beaucoup plus sur le candidat battu. Un candidat dont tout le monde s’accorde aujourd’hui à dire que c’est le président sortant.

Même s’ils se sont gardés de critiquer tout haut une mascarade électorale que d’aucuns ont dénoncée de vive voix, les Etats-Unis, pays allié du Kenya dans la lutte contre le terrorisme, ont dû se raviser après les félicitations adressées à leur poulain Kibaki. L’étoffe était si grotesque, si cousue de fil blanc que Washington n’avait apparemment plus d’autre choix.

Le second désaveu a été apporté par la commission nationale électorale à travers son président. En effet, les récents propos de Samuel Kivuiti, qui se demandait si Kibaki avait gagné les élections, en disaient long sur la sincérité du scrutin et, par conséquent, sur la victoire du président sortant. Deux aveux d’échec auxquels il faut ajouter la précipitation avec laquelle le président Kibaki lui-même avait appelé son opposition à entrer dans son gouvernement partiel. Victoire méritée ou pas, Mwai Kibaki est au pouvoir et entend y rester. Peu importe que la nouvelle mandature qu’il entame soit l’émanation de la volonté populaire ; peu importe les drames du passé et, sans doute à venir, résultant de ce monstrueux hold-up électoral.

N’ayons pas peur des mots : Kikaki porte l’entière responsabilité du chaos dans lequel a été plongé le pays. Et on imagine déjà que son opposition, majoritaire à l’Assemblée nationale, ne lui fera pas de cadeau.

Après l’échec de la médiation du président ghanéen, c’est à l’ancien secrétaire général de l’ONU, Koffi Annan, qu’il reviendra d’exercer ses talents de diplomate. Réussira-t-il là où l’actuel président de l’Union africaine a échoué ? Et à supposer qu’il réussisse, de quelle solution la méthode Annan accouchera-t-elle ? De celle qui fera baisser la fièvre ou de celle qui la fera totalement tomber ?

En tout état de cause, l’Afrique s’épargnerait bien des tragédies post-électorales comme celle que vient de vivre le Kenya s’il était institué une vacance du pouvoir des chefs d’Etat, en temps de campagnes présidentielles. Non seulement on réduirait ainsi les multiples pressions exercées sur bien des institutions engagées dans l’organisation des scrutins électoraux, mais aussi on éviterait que les appareils d’Etats ne soient mis au service d’une minorité puissante, comme on l’a souvent constaté sur l’ensemble du continent. Toutes choses qui concourent à donner plus de chances à tous les candidats, quel que soit leur poids.

"Le Pays"

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