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Affaire de la douane : Le juge dessaisi ! Est-ce le début de l’enterrement en grandes pompes ?

Publié le lundi 14 janvier 2008 à 11h42min

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Sur requête du Procureur du Faso, le juge Sory a été dessaisi par ordonnance datée du 9 janvier 2008 du célèbre dossier « DG de la Douane » qu’il instruisait. Voilà une décision qui secoue le milieu judiciaire et politique et qui ne manque pas d’alimenter des commentaires. Mais faut-il au fond s’étonner que l’on en soit arrivé là ? Pour dire vrai, pas tellement ! Pourquoi ?

Cette affaire a donné lieu à une guerre quasiment ouverte entre deux clans au sein de la magistrature : le camp de l’ancien ministre Badini et du procureur Adama Sagnon et autres, et celui actuellement emmené par le nouveau ministre de la justice. Règlement de comptes pour des intérêts ignorés du public : voilà ce qui se dit dans certains milieux et qui motive même les magistrats à avoir quelque réserve par rapport au dossier même quand au fond, ils condamnent qu’il puisse y avoir un traitement de « deux poids deux mesures » dans cette affaire, uniquement parce que le Directeur de la Douane, Ousmane Guiro, serait un super protégé du pouvoir. Que dans ces conditions, intervienne une ordonnance de dessaisissement ne peut qu’alimenter l’opinion de ceux qui étaient convaincus que d’une façon ou d’une autre, on chercherait à rabattre le caquet au juge Sory, histoire de lui montrer que le pouvoir à la tête du ministère a changé de main.

Mais il en est aussi qui pensent que, compte tenu de la nature du dossier, de ses implications politiques haut placées, de ce qu’il pourrait prendre trop d’envergure au point de susciter des mobilisations dénonciatrices de l’opposition et des condamnations des partenaires, le souci serait d’éteindre au plus vite le feu. Mais si l’une des meilleures façons d’y procéder a été identifiée dans le dessaisissement du juge, on n’est pas pour autant sorti de l’auberge !

Certes, à première vue, en examinant la procédure suivie, on peut dire que le Parquet, le Ministère, le gouvernement s’appuient sur une disposition qui existe, notamment à travers l’article 81 du code de procédure pénale ainsi libellé : « Le dessaisissement du juge d’instruction au profit d’un autre juge d’instruction peut être demandé au président du tribunal (de grande instance) dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, par requête motivée du procureur du Faso ». A priori donc, les choses se seraient passées dans les règles de l’art. Le juge Sory a été dessaisi au profit de la juge Madame Sanou-Touré Fatimata, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. C’est sans appel.

Ceci étant, on peut se poser la question relative à l’opportunité des motivations profondes de cette ordonnance car pour coller au plus près de la bonne administration de la justice, de telles décisions de dessaisissement interviennent généralement lorsque deux juges sont saisis de mêmes faits ou de faits connexes concernant les mêmes inculpés. En dehors de ces cas, le dessaisissement a toujours un caractère exceptionnel puisqu’un juge devrait être en tous les cas, placé dans les conditions de pouvoir conduire jusqu’à son terme l’information qu’il ouvre. On considère que l’impartialité de la justice en dépend fortement. Or, manifestement, on ne semble pas être dans ce cas de télescopage et d’encombrement de procédure dans des cabinets d’instruction par rapport à ce dossier, ce qui automatiquement nous ramène aux considérations politiques, dépassant le simple problème de règlement de comptes entre deux équipes antagoniques au sein de la magistrature.

Comme dans le dossier Norbert Zongo où on a également assisté à un dessaisissement de nature politique, il semble effectivement qu’on ait voulu ici aussi éviter que la machine ne s’emballe contre Ousmane Guiro, au risque de constituer une bombe à fragmentations. Le régime, selon la rumeur, pourrait en être ébranlé. Bref, en retirant l’affaire des mains du juge Sory, on informe du même coup tous les Burkinabé que ce dossier cacherait des choses. Et comme il se dit dans certains milieux « si on mange ensemble, on meurt ensemble », il n’est pas interdit que les suppositions les plus folles qui ont élu domicile dans les gargotes et autres bars soient vraisemblables.

Quoi qu’il en soit, on peut considérer que le premier Ministre Tertius Zongo, le nouveau ministre de la Justice Koté Zakalia, le nouveau procureur du Faso Issa Kindo et Madame Sanou/Touré Fatimata (qui hérite de la patate chaude) ont à travers ce dossier, un test délicat qui convaincra l’opinion ou non de leur volonté de nettoyer les écuries d’Augias et de travailler à une refondation de la justice qui crédibilise la gouvernance nationale !

La Rédaction

San Finna

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