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Chefs d’Etat et milieux d’affaires : Une collusion mortelle pour l’Afrique

Publié le vendredi 11 janvier 2008 à 11h16min

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En politique, il y a un adage qui dit qu’il est toujours prudent de composer avec les grands du jour, s’aligner du côté des puissants. Cet adage est érigé en dogme dans les milieux d’affaires et économiques, en Afrique. Leurs accointances avec les partis-Etat qui gouvernent la quasi-totalité des Etats africains sont nocives à plusieurs points de vue, notamment sur les plans politique et économique.

Sur le plan politique, il arrive que les milieux d’affaires aient une telle ascendance sur les hommes au pouvoir qu’ils font et défont les gouvernements, proposent des personnalités à nommer comme membres du gouvernement. Il peut se faire que les mêmes milieux d’affaires réclament la tête de tel ou tel membre de l’exécutif. Et les chefs d’Etat africains ne peuvent rien leur refuser parce qu’étant leurs obligés. Les milieux d’affaires ne se cachent pas pour leur dire ce qu’ils ont fait pour leur élection. Par conséquent, ils sont en droit de récolter les bénéfices de leurs investissements. Ils en attendent des dividendes.

L’opposition française a sévèrement critiqué le président Nicolas Sarkozy, qui, une fois élu président de la République française, est parti en croisière avec sa famille à Malte sur un yacht mis gracieusement à sa disposition par l’homme d’affaires Vincent Bolloré. Les mêmes critiques ont resurgi lors de sa récente escapade en Egypte dans la Vallée des Rois avec sa nouvelle amie. Ce voyage d’agrément, aux dires de l’opposition, a été financé par les milieux d’affaires français. Et lorsqu’on reproche à Sarkozy ses fréquentations avec les puissants opérateurs économiques français, il rétorque que ses relations avec lesdits hommes sont de longue date, c’est-à-dire qu’elles ont été tissées avant qu’il ne devienne président de tous les Français.

A la différence de l’Afrique, il existe en France, comme dans les autres pays de vieille démocratie, des textes qui codifient les relations entre le chef de l’Etat et les milieux d’affaires. Par exemple, le président Sarkozy sait jusqu’où peut aller son flirt avec les milieux d’affaires sans que cela n’interfère négativement dans la politique qu’il s’est promis de mener. Mais s’il arrive que, du fait de ces rapports très étroits, des hommes d’affaires soient accusés de délit d’initiés, ils auront à s’expliquer devant un juge.

C’est tout le contraire en Afrique où des chefs d’Etat sont devenus les otages des opérateurs économiques. Cette collusion se révèle à la longue mortelle pour la démocratie, parce que, par l’intermédiaire des milieux d’affaires, des chefs d’Etat s’allient à la pègre nationale, voire internationale pour assouvir des desseins parfois aux antipodes de la démocratie.

Mais c’est surtout dans le domaine économique, que les relations des chefs d’Etat africains avec les milieux des affaires sont incestueuses. Lorsqu’un président arrive au pouvoir en Afrique à la suite d’élections truquées et financées par des opérateurs économiques, il ne manque pas de régler ses comptes avec les bailleurs de fonds de ses concurrents. Impositions fiscales injustes, tracasseries administratives de toutes sortes, refus de marchés, etc. Il n’y a jamais d’argent pour payer les travaux effectués par cette catégorie d’opérateurs économiques. Tout est mis en oeuvre pour les amener, par la contrainte et le harcèlement, dans le giron du parti au pouvoir. Par exemple, il sera difficile, en dehors de quelques expatriés, de trouver parmi les grands opérateurs économiques africains des personnes qui ne supportent pas ou qui ne sont pas des militants actifs du parti au pouvoir. Presque tous ont été largement rassemblés dans ce parti, supportent le président et son régime par pur instinct de survie. Ils n’ont d’autre alternative que de se "ranger" du côté du pouvoir. C’est à ce moment seulement qu’ils pourront avoir des marchés de l’Etat ou de ses démembrements, et qu’ils pourront bénéficier d’exonérations et d’allégements fiscaux divers. L’absence de mécanismes, ou le tripatouillage des textes rend toutes ces pratiques courantes et leurs auteurs sont entièrement assurés de l’impunité. Ainsi, beaucoup de gouvernements africains sont entre les mains d’oligarchies nationales qui diligentent tout à leur guise et selon leurs intérêts et obligent parfois ces gouvernements à prendre des mesures impopulaires.

Cette politique qui consiste à saper les bases économiques de l’opposition conduit cette dernière à avoir deux vies diamétralement opposées : une, diurne, pendant laquelle elle marche sur ses deux pieds ; une, nocturne, au cours de laquelle elle se transforme en reptile. C’est de cette façon que les relations d’un chef d’Etat africain, pourrissent les règles normales du jeu démocratique.

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