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Année 2007 au Burkina : Hermann Yaméogo fait son bilan

Publié le lundi 7 janvier 2008 à 09h44min

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Hermann Yaméogo

La fin d’année donne généralement lieu à des bilan dans bien de domaines. En ce début de nouvel an, le président de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), Me Hermann Yaméogo, s’adonne à cet exercice dans les lignes qui suivent. Il passe ainsi en revue la situation du Burkina l’année écoulée.

Au plan national, on peut avoir, comparativement à nombre de pays en butte à des fractures ouvertes, le sentiment d’une gouvernance plutôt efficace pendant l’année écoulée : ce n’est pas en tout cas l’attribution du Prix "Doing Business" qui dira le contraire. De fait, les institutions sont là, apparemment stables et consolidées, favorisant des élections sans trouble. Au plan économique et social, la croissance positive soutenue s’est, au niveau des chiffres, confirmée en 2007 ; les fonctionnaires ont continué aussi à être payés à due échéance ; la lutte contre le Sida a connu des avancées ; les prix à la pompe (contrairement à l’envolée de celui du brut) n’ont pas trop varié depuis juillet dernier.

Après l’intrusion mal contrôlée dans la commémoration du 15- Octobre, la réhabilitation du 11-Décembre a été bien reçue et, tout autant, les perspectives qu’elle ouvre pour une reconstruction de notre mémoire collective.

Le premier Ministre s’efforce de combattre certains travers qui minent l’Administration, dans l’expectative curieuse d’une partie de l’opinion.

Des institutions qui pédalent à vide

Mais, si l’on y regarde de plus près, l’impression première de cette gouvernance demandera à être fortement nuancée.

Les institutions, qui pédalent pour ainsi dire à vide, ne favorisent pas une nationalisation du pouvoir, une gouvernance durable comme on dirait. Les élections interviennent à intervalles réguliers certes, mais dans la méconnaissance des principes de transparence, de loyauté qui doivent présider aux consultations électorales. La conséquence, c’est l’hypertrophie, l’hyper concentration du pouvoir, la décentralisation démocratique mal engagée et en difficulté, la monarchisation à pas forcés du régime avec en perspective une espèce d’occlusion démocratique aux conséquences dangereuses.

Au plan économique et social, malgré la croissance vantée, différents segments de la vie nationale sont en manque crucial d’interventions, certains étant même en état de crise déclarée. C’est le cas dans le secteur agricole où la filière cotonnière, artificiellement dopée, accule à des cauchemars bien de familles ; situation aggravée par des catastrophes face auxquelles le pouvoir a déçu par son manque d’anticipation et de solidarité active.

Du point de vue de la sécurité, notamment physique, la criminalité est loin d’avoir été jugulée et l’on a assisté encore à des crimes caractérisés par des actes de barbarie.

Ascension exponentielle de la course à l’enrichissement

La lutte contre la pauvreté peine à donner des résultats. Dans son classement sur la corruption, Transparency international nous a fait reculer de près de 30 places, nous attribuant la note de 2,9 points sur 10. Quant au Rapport mondial sur le développement durable du PNUD, il nous classe 176e sur 177. Pourtant, la course à l’enrichissement des plus nantis connaît une ascension exponentielle.

Le fonctionnement de la Justice est toujours précarisé par la mainmise du pouvoir avec en houle, la révolte des jeunes juges et avocats.

Ne parlons pas de l’Armée qui, cette année, connaît un tel vague à l’âme qu’elle en étale maintenant les causes sur la place publique !

Je dirai donc que si le pays donne à première vue, surtout de l’extérieur, le sentiment d’une gouvernance maîtrisée, stabilisée, à l’observation, on voit bien que la marmite bout et que sauf une pause- réévaluation, une remise à plat, le couvercle finira par sauter.

Au plan international, c’est également la même analyse.

De prime abord, ce qui frappe, c’est le pragmatisme du pouvoir : alors qu’hier, il était fortement impliqué dans les interventions à l’extérieur, aujourd’hui il semble avoir viré sa cuti. De faiseur de guerre, il se voudrait faiseur de paix notamment en s’investissant dans les médiations. Résultat : au Togo, il y a eu accord sur les institutions et sur la participation aux élections ; en Côte d’Ivoire, à la faveur du dialogue direct qui a conduit à l’Accord de Ouagadougou et à la médiation de la CEDEAO assumée par Blaise Compaoré, on marche à grands pas vers la sortie de crise. Apparemment donc, tout va pour le mieux, et grâce aux investissements opérés dans le champ médiatique, le Burkina Faso est plus que jamais connu et plutôt bien vu à l’extérieur.

Mais quand on va au fond des choses, tout cela semble bien fragile. Il n’y a pas, à la base de ce redéploiement international, une vision, une démarche structurée. On procède par tâtonnements, ce qui fait que, par exemple, la médiation entreprise au Togo est limitée par les réserves de l’UFC et du CAR alors qu’au sujet de celle assumée en Côte d’Ivoire, on reste sur ses gardes par rapport aux résistances (visibles ou non) de certains acteurs à l’Accord de Ouagadougou.

Une politique de prestige et de leadership sans lendemain

Mais plus pesantes sont les poches de malentendu ou de crispation que l’on sent dans nos relations avec certains voisins comme le Bénin, le Niger..., de même que les interrogations que suscite la chute de flamme jusqu’à présent observée dans nos relations avec la France depuis le départ de Jacques Chirac.

Par ailleurs, alors que la compétition internationale se fait plus dure que jamais, dans un contexte de rétractation de la générosité des partenaires, nous n’ avons pas su bâtir une véritable diplomatie d’ouverture, de développement et surtout d’intégration solidaire. Nous avons préféré, pays enclavé sans grandes ressources naturelles, en perte d’influence, confrontés que nous sommes au dynamisme accru de pays limitrophes et au relèvement de la locomotive ivoirienne, poursuivre dans la politique de prestige et de leadership sans lendemain.

Au total, au plan extérieur, sauf quelques résultats, nous ne semblons pas non plus avoir initié une politique soutenable à long terme. La refondation se révèle ici également, incontournable. Mais, voyez-vous, les Voltaïques devenus Burkinabè ont surmonté tant d’adversité que j’ai confiance qu’ils sauront encore se tirer de cette mauvaise passe annoncée.

Me Hermann Yaméogo

Président de l’UNDD

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