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Lutte contre le sida : Quand le « mal du siècle » fait des riches

Publié le vendredi 4 janvier 2008 à 09h21min

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Découvert au sein des laboratoires de l’institut Pasteur dans les années 80 par une équipe d’éminents chercheurs sous la conduite du spécialiste français de la recherche médicale, le Pr Luc Montagnier, le sida poursuit son petit bonhomme de chemin à vrai dire, sans obstacles. L’humanité assiste depuis plus d’une vingtaine d’années disons-le, impuissante, à l’essor funeste de cette maladie qui se transmet essentiellement par voie sexuelle et sanguine.

Ce n’est pas tout, le virus du sida affaiblit le système immunitaire à son rythme et conduit à la mort. Malgré les avancées faites dans le domaine de la médecine à l’échelle planétaire, le remède au « mal du siècle » n’a pas encore été trouvé. On dispose juste de médicaments antirétroviraux (ARV) pour empêcher le virus de se développer dans l’organisme des personnes infectées ! Que d’interrogations et d’inquiétudes quant à l’origine de cette pathologie et pas des moindres ! « C’est une malédiction divine », a-t-on entendu pendant longtemps. « C’est la colère de Dieu qui s’abat sur les êtres humains dont le péché est l’apanage », disait-on dans certains milieux.

Toujours est-il que ce mal dit « du siècle » est invincible et ses ravages, démoralisants. Le nombre de personnes atteintes par le Virus de l’immunodéficience humaine (VIH), l’agent infectieux de la maladie, augmente dans le monde entier et est non négligeable (plus de 30 millions de séropositifs en cette année 2007 finissante). Le nombre de malades qui en décèdent également. Face à cette pandémie, la communauté internationale n’a pas croisé les bras, qui s’est mobilisée pour lutter contre le sida. A la faveur de cette synergie d’action impliquant les Etats et les individus, des structures ont été créées de part et d’autre à l’échelle de la planète terre pour combattre le mal.

Campagnes de sensibilisation, causeries éducatives, spots et affiches publicitaires pour encourager le port des condoms, seul moyen efficace de se protéger de la maladie (hormis l’abstinence et la fidélité). Voilà essentiellement les éléments qui font la stratégie de lutte. Tout naturellement et au regard de l’urgence à se mouvoir, l’Afrique n’a pas été en reste de cette initiative capitale, elle qui compte de nombreuses associations de lutte contre le sida comme c’est le cas au Burkina Faso. Au regard de la ténacité de la maladie et des discriminations sociales qui l’accompagnent, l’engagement des bonnes volontés sur le continent noir et plus particulièrement au Faso est salutaire à plus d’un titre. Il y va du bien-être de la race humaine !

Mais il faut déplorer que de mauvais esprits créent des associations opportunistes au « Pays des hommes intègres » dans le seul dessein de se remplir les poches. Il y a donc lieu de s’interroger sur l’utilisation des sommes faramineuses mis à contribution par les organismes internationaux du domaine sanitaire (OMS, ONU/Sida) pour juguler le sida. D’une part, la lutte contre le « mal du siècle » est devenue pour ces mauvais esprits (ils tremblent dans leur chair !) un filon pour s’enrichir sous la couverture d’associations à caractère social et humanitaire dans le domaine. Des associations se créent au jour le jour à telle enseigne qu’elles pullulent au Faso comme des mouches. Un rythme qui effraie et qui laisse perplexe quant aux objectifs réels poursuivis par ces pseudo-philantropes.

Combien d’associations sont-elles à être vraiment actives sur le terrain ? « Dieu seul le sait », comme qui dirait ! La question donne même du tournis. Certaines d’entre elles en recevant les financements, se contentent de distribuer des capotes et ne se manifestent réellement qu’à l’approche du 1er décembre, Journée mondiale de lutte contre le sida. Elles s’arrangent alors pour organiser des activités à la hauteur de leurs basses ambitions et font tout un tapage médiatique autour pour attirer l’attention des donateurs. Quelle comédie ! Avec de telles attitudes, l’on ne sortira pas de l’ornière. C’est à se demander si réellement les responsables de telles associations sont conscients de la gravité de leurs actes ! Savent-ils qu’il s’agit là d’une question de vie ou de mort et que les malades ont réellement besoin d’une prise en charge pour le traitement sous ARV ?

Et que la sensibilisation est indispensable pour éviter que les potentielles victimes (nous le sommes tous) ne s’exposent à la maladie par manque d’information ? Hélas, ces associations se soucient peu ou pas du tout des gens sains vulnérables à la maladie ou des personnes vivant avec le sida (PIV/VIH). Les voitures rutilantes ou d’occasion « au revoir la France » se multiplient, les embonpoints sont légion. Normal : les séminaires se succèdent au cours desquelles on se sert des perdiems pouvant aller de 5 000 à 30 000 FCFA voire plus par jour. On se la coule douce. On dilapide ainsi l’argent par les bailleurs de fonds. Il est vrai que les activités de sensibilisation assorties de distributions de préservatifs (encore faut-il qu’elles soient fréquentes et rapprochées pour espérer l’effet escompté) et de séminaires pour dégager des pistes de lutte est à louer, mais il faut surtout voir comment aider les PV/VIH à supporter leur mal.

Ainsi, on utilisera à bon escient les financements qu’on reçoit, en espérant que la médecine parvienne un jour à trouver le remède du sida. Quant aux sangsues qui croient avoir trouvé à travers leurs associations la caverne d’Ali Baba, ils font fausse route. En réalité, ce n’est qu’un gouffre dans lequel ils vont se perdrent si leurs « sauveurs » de financiers ouvrent l’oeil et le bon. « Tout finit par se savoir », dit d’ailleurs l’adage. « Le jour où l’on va trouver le remède du sida, la déception pour les gens de leur espèce sera grande. Dès l’annonce de la nouvelle, ils vont s’évanouir ». Ces propos fort prophétiques sont d’une personne indignée par l’attitude de ceux qui pensent et ne souhaitent pas qu’on trouve un médicament pouvant guérir définitivement du sida. La maladie étant devenue une source d’enrichissement.

D’autre part, le mode de financement des associations doit être revu à la loupe (loin de nous l’idée qu’il n’est pas bien pensé mais il doit être plus filtré). Tout se tient. Toute association qui bénéficie d’une subvention ou d’aide doit être en mesure de prouver ce à quoi ce soutien a servi, même si les mauvais esprits ont toujours plus d’un tour dans leur sac. Tant qu’il y a la volonté, on pourra s’il le faut, les faire rendre gorge ! « Il ne doit pas avoir d’investissement à perte », aiment à répéter les hommes d’affaires. S’il faut convaincre les bailleurs de fonds au nom des malades et autres potentielles victimes du sida pour de l’argent et vivre dans le beurre après, la lutte est perdue et c’est vraiment dommage.

L’on se moque de l’humanité ! Que ce soit le fonds mondial de lutte contre le sida et l’OMS ou le Comité national de lutte contre le sida et les infections sexuellement transmissibles (CNLS/IST) sous nos cieux, des efforts sont sans cesse consentis pour vaincre la pandémie à coup de milliards, mais les résultats sont peu encourageants. Ils le seraient plus s’il n’y avait pas de brebis galeuses dans les rangs des acteurs de la lutte. Même s’il faut saluer par exemple la récente annonce de la baisse du prix des ARV au Burkina, qui coûteront bientôt 1500 FCFA pour le traitement mensuel.

Les « mangeurs » gangrènent la lutte et ne facilitent pas la tâche à nos autorités, aux bonnes volontés, aux organismes sanitaires internationaux, aux structures nationaux et autres bailleurs de fonds qui ont pris à bras le corps le problème du sida. Il est temps que ceux-ci ouvrent sérieusement l’oeil pour nettoyer les écuries d’Augias. Le mal progresse et gagne du terrain. Et on ne gagnera pas le combat du sida (on peut quand même rêver de cela !) en finançant de mauvais esprits qui ne pensent qu’à leur seul épanouissement. De vrais « mange-mil » qui « sont nés après la honte ».

Kader Patrick KARANTAO (stkaderonline@yahoo.fr)

Sidwaya

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