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2008 : L’année des actes pour Tertius Zongo ?

Publié le vendredi 4 janvier 2008 à 10h04min

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Tertius Zongo

Le moins que l’on puisse dire est que nos concitoyens qui sont dubitatifs vis-à-vis de ce que fera le chef du gouvernement ont raison : en effet, il n’est un secret pour personne que depuis des lustres, les repères des Burkinabè ont changé.

Consciemment ou inconsciemment et à des degrés divers les valeurs qui nous tenaient à cœur sont soit ignorées, soit négligées par la quasi-totalité des couches socioprofessionnelles ; jusqu’aux clergés chrétien et musulman et aux coutumiers, il n’est pas un secteur de la société qui ne soit victime de ces métastases mortelles.

Sans repères, il est donc inconcevable que nous ayons des idéaux ; du moins des idéaux dans lesquels l’ensemble de la société se reconnaît ou des idéaux que la société reconnaît comme des valeurs : ainsi, il n’y a point d’égard pour le travail si ce n’est pour l’utiliser afin de satisfaire, quelle que soit la manière, nos pulsions à l’endroit du lucre ; point de relations sociales, qui, en dernière instance, ne soient pas sous-tendues par le souci de la manipulation de l’autre pour parvenir à nos fins ; point de conviction politique qui ne soit motivée par l’utilisation officieuse du prétexte de la défense de l’intérêt général afin de réaliser des objectifs strictement spécifiques et particuliers.

Ce tableau négatif et délibérément excessif vise simplement à attirer l’attention et à s’appesantir sur le fait que l’environnement dans lequel le Burkina baigne aujourd’hui est si gangrené par les tares de l’économie libérale et du libéralisme politique que des efforts titanesques sur la réalité sont nécessaires pour éradiquer lesdits maux. A cet égard, ceux qui attendent de juger le chef de gouvernement sur le terrain ont absolument raison.

Soumettre ou se soumettre ou encore se démettre

Face à un tel constat, trois solutions se présentent au Premier ministre : Soumettre : autrement dit, il s’agira pour lui de soumettre aux règles de sa gouvernance tous ceux qui, parce que gros bonnets du régime ou protégés de ces gros bonnets, ont contribué au délitement des valeurs sociales et morales de notre société. Ce n’est pas la tâche la plus aisée, car ces gens-là ont réussi à amasser des fortunes, à placer leurs hommes de main dans tous les rouages du système et à se tailler une place au sein de l’opinion qu’ils paraissent intouchables ; à moins que celui qui les a faits princes, à savoir Blaise Compaoré, ne lui apporte son soutien actif ou au moins sa complicité passive. Reste seulement à espérer que l’ayant placé là, le président du Faso, en plus de la lettre de missions officielles qu’il lui a adressée, lui apporte sa caution sur le plan moral. Se soumettre : l’autre possibilité, c’est de se soumettre. En ce bas-monde, nous connaissons, tous autant que nous sommes, la force des puissances d’argent acquises grâce à la politique ou à la dextérité en affaires des hommes et des femmes. Dans ce dernier cas, il n’est un secret pour personne que la seule dextérité (sans les coups de pouce politiques) ne peut faire réussir un(e) opérateur(trice) économique.

C’est dire donc la force de l’argent (surtout) quand il est allié au (ou quand il émane du) politique. Tertius Zongo en a, nous l’espérons, conscience et devrait s’armer en conséquence ou à défaut, de se soumettre. Ce ne serait pas la première fois que cela arrive. Cependant, la déception des Burkinabè serait à la hauteur des espoirs qu’il aura suscité. Se démettre : l’homme aura affiché sa détermination à transformer positivement la gouvernance et à réhabiliter l’échelle des valeurs dans ce pays ; mais la tâche étant ardue et drue du fait de ceux qui n’ont pas intérêt à ce que les choses changent, Tertius Zongo pourrait finalement se résoudre, en accord avec B. Compaoré, a quitté le navire.

Apparemment invraisemblable une telle éventualité n’est pas à écarter, car au sein du gouvernement il y a des puissants et des moins puissants qui rament visiblement à contre-courant de son action ; au sein du CDP, il y a aussi des personnalités qui voient d’un mauvais œil cette volonté affichée de secouer le cocotier ; enfin, dans les milieux d’affaires et au sein de l’opinion, vous entendez des voix qui se moquent de la volonté du chef du gouvernement ou qui avouent qu’à la première occasion, elles ne manqueront de faire couler le navire Zongo. Le feuilleton des fausses exonérations douanières dans lesquelles est impliqué l’actuel directeur général (sans qu’on ait établi sa culpabilité pour l’instant) peut avoir valeur de test sur le degré d’adéquation entre sa volonté de moraliser la gestion de la chose publique et sa marge de manœuvre réelle.

Passer aux actes vaille que vaille ?

En dépit de ce que nous venons de dire, n’est-il pas pertinent de souhaiter qu’il passe aux actes quoi qu’il advienne ? Bien sûr que oui pour les deux raisons ci-après :
en toute logique (même si ce qui est logiquement vrai peut être pratiquement faux), Blaise Compaoré devrait le soutenir, car l’échec du Premier ministre serait aussi le sien, surtout à un moment où il est en train de chercher à désarmorcer toutes les bombes (réhabilitation des civils et militaires lesés par la RDP, réconciliation avec les religieux et coutumiers, contribution à l’instauration de la paix dans la sous-région, etc.) pouvant exploser au cas où il se décidait à quitter le pouvoir.

Après avoir mis l’eau dans la bouche des Burkinabè, il serait inconséquent et suicidaire de se soumettre au diktat de ceux qui n’ont pas du respect pour l’intérêt général qu’à travers leurs discours et qui, pour rien au monde, ne sont décidés à se mettre à l’heure de la bonne gouvernance économique et administrative. Il y a lieu de passer aux actes quitte à ce que, comme l’affirment les rumeurs, les canards boîteux et les rats pestiférés quittent la basse cour ou le navire. Certes, la plupart des gens (nous compris) veulent souvent le bien qu’ils peuvent pas faire et à l’inverse peuvent faire le mal qu’ils ne veulent pourtant pas. Il peut en être ainsi pour Tertius Zongo, mais lui est d’autant moins excusable qu’il est chef de gouvernement, a le soutien du prince et s’est engagé officiellement à vaincre les démons de la mauvaise gouvernance. Alors, il lui revient de passer aux actes et à la communauté nationale de l’y encourager à travers une caution franche et massive.

Z. K.

L’Observateur

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