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La démocratie en question : 2007, année à la déclinaison « contre »

Publié le mercredi 26 décembre 2007 à 07h41min

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L’an de grâce 2007 est finissant. Mais d’elle, on retiendra une chose, la propensation d’une conception facile du jeu politique. Pourtant, on est fondé à penser que la situation va évoluer avec le temps filant, jusqu’à un point d’équilibre. 2007 a prouvé que la lecture des événements politiques vole encore au ras des paquerelles. S’il y a eu le 11 décembre soutient une certaine opinion, c’est parce qu’il faut pas que le 13 décembre ait de la visibilité.

Même avec toute la volonté du monde on se rend à l’évidence, le jeu politique au Faso est simpliste au point de tomber carrément dans la caricature. Il n’a en effet échappé à personne, et encore plus à ceux qui s’y intéressent, que le 15 octobre dernier et les manifestations organisées ici et là ont entraîné des passes d’armes entre les célébrants. La politique étant hormis la conquête du pouvoir, un affrontements des idées et des conceptions de l’existence humaine, cette passe d’armes est naturelle. Sauf qu’ici, elle a pris l’allure d’un débat de niveau zéro.

Face à la supériorité supposée de la majorité, la minorité n’a trouvé d’arguments pour justifier la commémoration des vingt ans de renaissance démocratique avec Blaise Compaoré qu’en la réduisant à une simple contre-réaction - En chœur et à l’envi, les Sankaristes ont répété que c’était contre eux. Le mot est lâché ! Contre est subitement et par magie devenu le mot à la mode repris par une espèce d’instinct grégaire, qui veuille que le premier mouton à traverser la route soit suivi par le troupeau. L’ironie de l’histoire, le summum serait-on tenté d’ajouter, c’est que les insurgés du 13 décembre ont poussé le bouchon jusqu’à dire que la célébration des 40 ans de la LONAB avait pour dessein de masquer les manifestations tenues annuellement à cette occasion. On nage dans le délire, mais il y a mieux. Le 11 décembre a été simplement organisé contre le 13 décembre. N’en jetez plus, la coupe est pleine.

L’espérance laminée

Le 15 octobre a fait donc des émules et à la pelle. Plus sérieusement, l’opposition semble croire, avec une naïveté candide que le terrain politique doit lui être abandonnée afin qu’elle en fasse à sa guise. Or, une des caractéristiques premières en politique, c’est de savoir occuper le terrain parce qu’après tout, il n’appartient à personne et est à tout le monde à la fois. Feint-elle seulement d’imposer ou est-elle convaincue qu’il faut que ceux qui ne sont pas de l’opposition se couchent à chaque fois qu’elle est de sortie ? Pourquoi alors, ce n’est pas à elle de s’écraser d’autant plus que le pouvoir a mis du temps pour comprendre qu’il a à inventer du raffut lors de toutes ces dates où l’opposition pointe le bout de son nez ?

Parce que la première fois, après vingt ans, le 15 octobre donne lieu à un arrêt, officiel, car ce ne fut pas une célébration, et pour la première fois après neuf ans, deux jours avant une manifestation officielle a lieu le 11 décembre. Si cet arrêt était d’une part observé contre le 15 octobre et cette célébration du 11 décembre décidée contre le 13 décembre, que le pouvoir est lent à la réflexion imaginative et surtout manque cruellement de stratégie politique. Le thème retenu des vingt ans et le 11 décembre sont d’essence consensuelle. Autant c’est grâce au premier qu’aujourd’hui, il existe une dizaine de partis Sankaristes, qui peuvent dire et faire ce qu’ils veulent, toute chose inimaginable à une certaine époque, autant le 11 décembre a valeur de symbole pour l’unité de la nation. Mais ne dit-on pas, qu’il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut voir. Cette espérance de voir émerger un consensus pour faire d’un côté le bilan de l’expérience démocratique et de l’autre de célébrer une fête nationale à l’unisson a été remise aux calendes grecques.

Place au jeu

Cette tendance de la classe politique, de l’opposition surtout à dire niet à tout, fait partie aussi de la démocratie. L’ancien Premier ministre Ernest Paramanga Yonli disait il y a peu, que l’espace d’expression existe pour chaque sensibilité. Oui, il existe une multitude de chapelles avérées ou obscures qui polluent le débat public. Quelque part, cela constitue la particularité et, les optimistes diront le charme, du cas burkinabè. Préoccupés chacunes par leur nombril, elles s’obstinent à s’enfermer dans des monologues et à ne pas écouter ou s’ouvrir à l’autre. Faire de ces contentieux humains jalonnant l’histoire sociopolitique de toutes les nations, une caverne d’Ali Baba c’est refuser d’aller à l’essentiel, qui nous semble-t-il est la conquête du futur.

Certes, il ne s’agit pas d’oublier hier, mais il n’a de valeur qu’à la condition de servir de guide pour éclairer demain. Alors, faut-il pour espérer un début de même langage entre tout ce beau monde, revenir au but initial recherché : la conquête du pouvoir. N’est-ce pas elle qui est en somme le déterminant majeur ? On peut opter d’y parvenir en prenant des raccourcis, mais un pouvoir ainsi conquis serait bâti sur du sable. Le retour de bâton est quasi inéluctable. Quant à la voie légitime, elle est plus semée d’embûches et on comprend qu’elle rebute l’opposition officielle et non officielle. Mais elle est la plus sûre pour résoudre les contentieux, si tant est que la résolution par la journée nationale de pardon n’a pas reçue l’assentiment de ceux qui s’arc-boutent sur ces dates devenues pain béni. Place donc au jeu politique, en temps d’élection comme en temps d’entre deux élections.

Tout le monde peut y jouer, mais selon les règles établies. Chacun peut développer sa stratégie comme il la croit efficace. C’est de bonne guerre en théorie comme en pratique. Car si durant les périodes électorales, plusieurs partis tiennent en même temps meetings, assemblées générales, réunions ou rencontres avec la presse, il est incongru de refuser ce jeu hors élection. A défaut qu’il y ait consensus autour des dates dites, que chacun fête, manifeste, s’adonne à l’introspection, ouvre une séance de réflexion, c’est libre. Cette liberté s’impose à ceux-là qui ont fait l’apologie du « c’est contre nous ». Sinon, ils savent en bons politiciens que c’est toujours de bonne guerre. Naturellement !

Souleymane KONE

L’Hebdo

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