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Congrès de L’ANC : L’Aristo et l’enfant des townships

Publié le mardi 18 décembre 2007 à 08h34min

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Le contrôle de l’ANC. Une affaire d’Etat. En l’espace d’un congrès, toute l’Afrique du Sud aura vécu un combat épique entre deux anciens compagnons : l’intellectuel froid Thabo Mbeki et l’enfant charismatique des bidonvilles, Jacob Zuma.

Car au pays de Nelson Mandela, qui tient l’ANC tient les rênes du pouvoir. Ce qui explique que Thabo Mbeki et Jacob Zuma aient préféré laisser les bonnes manières aux vestiaires pour un duel au sommet.

Mais si ces deux hommes s’affrontent sans aucune pitié aujourd’hui, les divergences, elles, sont apparues au grand jour depuis 2005, date de la mise en examen du vice-président d’alors, Jacob Zuma. Pour certains, cela n’était autre qu’une guerre de succession à l’intérieur et à l’extérieur du parti au pouvoir, l’ANC.

C’est dire donc que le vote des 4 075 délégués de cette formation politique, qui auront à choisir entre les deux hommes, aura un impact immédiat sur la vie politique du pays.

Si l’ANC change de mains, la marge de manœuvre de Thabo Mbeki va être considérablement réduite pendant ses deux dernières années de mandat à la tête du pays.

Du côté de Polokuane, petite ville située à 400 km de Johannesburg, où se déroule ce scrutin, le programme mis en place avait pris plusieurs heures de retard à cause de l’obstruction incessante des opposants à l’actuelle direction de l’ANC, qui invoquent des questions de procédure, voire empêchent tout débat lors des travaux en chantant à la gloire de leur favori, l’ex-vice-président Jacob Zuma.

La volonté de remporter le Jackpot de n°1 de l’ANC est manifeste entre Thabo Mbeki et Jacob Zuma. C’est dire qu’hier lundi, la tension était grande entre les deux camps.

Et en suivant cette campagne, nous nous sommes rendu compte qu’une heure avant la reprise des débats, l’immense chapiteau abritant le congrès était déjà rempli de partisans de Zuma, dansant et chantant en zoulou : "Laisse passer, nous voulons voter pour quelqu’un qui réfléchit".

De l’autre côté, les partisans du président Mbeki ne tenaient aucunement à se faire devancer et brandissaient trois doigts en l’air, symbole d’un 3e mandat pour le chef de l’Etat à la tête de l’ANC, qu’il dirige depuis 1997.

Ce n’est pas dévoiler un secret que de dire que tous les ingrédients de l’affrontement étaient au rendez-vous, puisque les partisans de Thabo Mbeki entendaient le ramener à l’Union building, siège de la Présidence de la république à Pretoria, tandis que du côté de Zuma, on répliquait en ces termes :

"Passe-moi ma mitraillette", chant de lutte contre l’apartheid, devenu l’emblème de Zuma.

On se souvient que la veille déjà, dès son discours d’ouverture du congrès, Thabo Mbeki était passé à l’attaque contre son rival, appelant les délégués à élire un dirigeant "épris de faveur éthique" à la tête de ce parti, au pouvoir depuis la chute de l’apartheid en 1994.

Sans nommer Jacob Zuma, qui risque une inculpation pour corruption et fraude fiscale, il a appelé à "protéger l’ANC des sirènes de la corruption, du népotisme et de la soif de pouvoir". Pour le président sud-africain, qui tenait à asséner des coups mortels à son adversaire politique, "un leader doit être un exemple pour tous, alors que celui que j’ai en face..."

Et dans un dernier effort pour chercher à ravir les faveurs des pronostics, jugés favorables à Zuma, il ne manquera pas de dire : "La grande majorité des gens ne s’intéresse pas à qui danse le mieux", faisant référence au talent de danseur de Zuma.

Mais avant le dernier mot du discours de Mbeki, les partisans de l’ex-président avaient entonné, eux aussi, des chants, noyant les applaudissements destinés à Mbeki.

En appelant à protéger l’ANC des sirènes de la corruption, du népotisme, le président sud-africain faisait ici référence aux casseroles que traîne, depuis 2002, Jacob Zuma.

On se souvient que début 2000, la filiale locale de Thales, Thint ply ltd, avait conclu un pacte pas du tout catholique avec Jacob Zuma, lui promettant une rente annuelle de 500 000 rands (38,5 millions FCFA) en échange de sa "protection" contre toute éventuelle enquête sur la régularité du contrat, mais aussi de son "soutien permanent" pour des "projets futurs".

Si Thales a toujours démenti les faits, Schabir Shak, le bras droit de Zuma, par contre, a reconnu le versement de 1,3 million de rands à l’ex-vice-président sud-africain.

Et Zuma se débattait comme un beau diable dans ce méli- mélo pour se blanchir lorsqu’une jeune femme séropositive de 31 ans lui asséna un violent coup en-dessous de la ceinture en l’accusant de l’avoir violée à son domicile à Johannesburg en novembre 2006. Certes Zuma a battu sa coulpe en reconnaissant avoir eu un rapport sexuel avec elle, mais, affirme-t-il, c’était un rapport par consentement mutuel.

Mais quoi qu’on dise, si le président sud-africain et son ex-vice-président se livrent un combat sans merci pour le contrôle de l’ANC, c’est que, évidemment, l’enjeu est vraiment de taille.

Comme nous l’avons dit plus haut, en Afrique du Sud, qui tient l’ANC règne sur la scène politique nationale.

Mais c’est la première fois, depuis 1949, que deux candidats s’affrontent pour présider aux destinées de ce parti, car en d’autres temps, c’est le consensus qui aurait prévalu. C’est dire donc que Thabo Mbéki, qui a succédé à Nelson Mandela comme président de l’ANC en 1997, et comme chef de l’Etat en 1999, lutte âprement en espérant secrètement garder le contrôle de la vie politique du pays et ainsi influer sur le choix du leader qui lui succédera à la magistrature suprême sud-africaine en juin 2009.

L’artisto Mbeki pourrait ainsi se prémunir d’une éventuelle condamnation, car en ce bas monde, chacun a un cadavre dans son placard. Et l’Afrique du Sud, ce n’est guère cette Afrique cotonnière ou bannanière, où on revise à volonté la Constitution pour permettre à celui qui est au pouvoir de briguer un autre mandat auquel il n’avait pas droit auparavant.

Au pays de Nelson Mandela, on vit comme en Occident, et la démocratie semble se jouer à fond. Thabo Mbeki est au terme de son deuxième mandat, et la Constitution lui en interdit un troisième.

Mais comme il ne veut pas perdre le contrôle du parti et de l’Etat, il entend se faire réélire à la tête de l’ANC. Ainsi, il choisirait un président ou, du moins, une présidente de la république à ses bottes.

Et pour créer davantage de cauchemars à son "ennemi intime", Zuma, qui d’autres que l’ex-femme de ce dernier et ministre des Affaires étrangères, Nkosazama Dlamini-Zuma qu’elle s’appelle, pourrait faire l’affaire ? Ainsi, sous le couvert de la parité hommes/femmes, Mbeki a proposé cette dame à la tête de l’Etat.

A l’heure où nous tracions ces lignes, rien n’était encore venu départager Thabo Mbeki l’aristocrate, formé à la bonne école à Londres, et Jacob Zuma, l’enfant des townships, formé sur le tas, dans leur longue course pour le contrôle de l’ANC.

Cependant, nombreux sont les Sud-Africains qui affirment que même si Zuma n’a pas fait de bonnes études, il sera meilleur que Mbeki, qui n’est autre qu’un intellectuel sans relief auquel le peuple a du mal à s’identifier.

Même s’il faut reconnaître que Mbeki, qui semble être un monstre froid, sans aucun charisme, n’a aucunement à rougir de son bilan économique.

En effet, depuis huit ans (8) ans, sous sa direction, l’Afrique du Sud connaît une croissance économique sans précédent. ... Bien que joindre les deux bouts reste la quadrature du cercle pour une importante frange de la population.

Boureima Diallo

L’Observateur

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