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11-décembre : Assumer toute son histoire

Publié le vendredi 14 décembre 2007 à 12h36min

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Plus qu’un symbole, le 11 décembre est donc notre existence quotidienne. C’est notre histoire, c’est notre présent, c’est notre avenir. Et cela mérite une halte pour faire le point, se ressourcer et œuvrer à lui donner le contenu de tous les espoirs dont il est porteur.

Célébrer le 11 décembre est, ce faisant, un devoir. Devoir de mémoire envers ceux qui l’ont enfanté et dont nous sommes les héritiers ; devoir envers la nation entière pour lui exprimer notre reconnaissance et notre engagement à la servir ; devoir envers les générations futures auxquelles nous nous devrons de léguer un symbole fort porteur de toutes les valeurs de notre nation.

Cela a-t-il un prix ?

Assurément, ce ne serait pas pure spéculation que d’affirmer que cette année 2007, le Burkina Faso aura décidé de renouer avec son histoire et de l’assumer pleinement. C’est d’ailleurs le moins que l’on puisse dire avec les commémorations qui se succèdent avec une ferveur populaire qui marque sans nul doute l’intérêt des populations à moins de vouloir prétendre que le peuple burkinabè soit particulièrement fêtard et sauterait sur toute occasion pour s’offrir du bon temps. Ce serait beaucoup plus osé d’autant que les évènements en question ont de quoi motiver plus d’un tant par leur symbolisme que par leur impact réel sur le vécu quotidien de chacun.

Il y a d’abord eu la célébration du 15 octobre 1987 avec la commémoration exceptionnelle des 20 ans du processus démocratique initié par le président Blaise COMPAORE qui a vu le pays tout entier dans une ferveur générale jeter un regard critique sur le chemin parcouru au cours de ces deux décennies pendant lesquelles il a renoué avec la démocratie multipartisane et un climat social apaisé. Assumant pleinement et entièrement ce passé qui n’a pas été sans heurt, il a vu certains de ses fils se focaliser sur les épisodes douloureux qui n’ont pas manqué, particulièrement le décès du Président Thomas SANKARA. Quoi de plus naturel dans une démocratie vivante et véritable dont un des leitmotivs est la libre expression des opinions et de toutes les opinions sans exclusive pour peu que celles-ci ne fassent pas l’apologie d’idéologies contraires à la loi. Cela n’a pas néanmoins manqué de faire des gorges chaudes, certains observateurs et acteurs voyant dans cette dichotomie une sorte de déchirement des populations voire de la nation, alors qu’il n’en est rien. Il faut plutôt y lire le succès d’un processus qui a su vaincre ses propres peurs pour s’offrir à la critique et triompher aux tentations à l’ostracisme qui leur promettaient un avenir paisible. Cela fait quelque peu sourire aujourd’hui de voir les bénéficiaires de cette option la pourfendre dans les actes en refusant aux autres le droit de penser autrement qu’eux. Mais qu’à cela ne tienne, la démocratie continue son petit bonhomme de chemin, leur donnant le droit de défendre et d’exprimer ces opinions qui, d’ailleurs, auront contribué à donner à la célébration du 15 octobre tout son piquant. En effet on peut dire que la commémoration des 20 ans de démocratie avec Blaise COMPAORE n’aurait pas eu tout l’éclat qu’elle a eu si en face l’adversité n’avait été aussi tenace. Donc, l’un va avec l’autre et l’on peut en déduire que le Burkina Faso a parfaitement assumé ses responsabilités dans l’avènement du 15 octobre 1987 et dans le processus qu’il a engendré.

Le deuxième acte qui conforte à dire que le pays, en cette année 2007, entend assumer toute son histoire, c’est la célébration du 11 décembre qui marque doublement la proclamation de la République le 11 décembre 1958 et de l’indépendance le 5 août 1960.

Pour la première fois, depuis au moins 20 ans, le Burkina Faso renoue avec cette date qui marque son choix de la forme républicaine de l’Etat. Depuis lors, en dépit des innombrables vicissitudes de son histoire, des multiples formes de gouvernements qu’il a connues, des régimes qui se sont succédé… aucun n’a osé remettre en cause cette forme républicaine de l’Etat. C’est tout dire ! De là à croire que le 11 décembre ferait exception à la règle en suscitant l’unanisme que certains réclament pour les symboles à caractère national, il y a un pas qu’il faudrait se garder de franchir puisque les faits par eux-mêmes commandent tout à fait le contraire.

En effet, tant le symbole que porte cette date, que sa forme de célébration, suscitent une polémique qui ne manque pas d’intérêt même si certains arguments laissent à désirer pour ne pas dire qu’ils volent bien bas parce que relevant de la simple politique politicienne. Que dire d’autre lorsque certains politiques ne voient dans la décision de célébrer désormais avec faste le 11 décembre qu’une simple manœuvre du gouvernement visant à atténuer l’impact des manifestations du collectif prévues chaque 13 décembre pour commémorer l’anniversaire de l’assassinat de Norbert ZONGO. Que dire d’autre lorsque les mêmes trouvent la décision inopportune parce que le pays aurait des priorités non encore satisfaites et ne devrait pas investir dans des manifestations festives ?

Réduire cette date à de telles considérations est ni plus ni moins que de traiter par-dessus la jambe les luttes multiformes et les sacrifices de nombreuses générations dont les combats ont accouché de l’indépendance de notre pays et avant, de son choix de la République comme forme d’organisation politique. Faut-il le rappeler, la République se définit comme un Etat sans monarque héréditaire et dans lequel les pouvoirs exécutif et législatif sont confiés à des représentants élus par la nation. Ce n’est pas rien que de proclamer cette option et ce n’est pas rien si depuis le temps que le pays existe, jamais il n’est revenu sur ce choix, même si plus d’une fois les armes ont remplacé les urnes et le peuple mis devant les faits accomplis d’une dévolution non démocratique du pouvoir.

C’est n’est pas non plus une vue de l’esprit que de dire que le pays a une souveraineté internationale réelle découlant de son indépendance acquise le 5 août 1960. Même si d’aucuns estiment que les liens avec l’ancienne puissance colonisatrice demeurent trop forts et que l’indépendance « octroyée » est trop factice pour qu’on parle réellement d’indépendance, il est une réalité incontournable que le Burkina Faso existe en dehors de la France.

Cette réalité a besoin d’être traduite chaque jour en actes concrets et le premier d’entre eux est d’en prendre conscience. Plus qu’un symbole, le 11 décembre est donc notre existence quotidienne. C’est notre histoire, c’est notre présent, c’est notre avenir. Et cela mérite une halte pour faire le point, se ressourcer et œuvrer à lui donner le contenu de tous les espoirs dont il est porteur.

Célébrer le 11 décembre est, ce faisant, un devoir. Devoir de mémoire envers ceux qui l’ont enfanté et dont nous sommes les héritiers ; devoir envers la nation entière pour lui exprimer notre reconnaissance et notre engagement à la servir ; devoir envers les générations futures auxquelles nous nous devrons de léguer un symbole fort porteur de toutes les valeurs de notre nation.

Cela a-t-il un prix ?

Par Cheick Ahmed

L’Opinion

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