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Armées africaines et démocratie : La nécessaire mutation

Publié le vendredi 14 décembre 2007 à 12h05min

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Il y a des situations où la loi du "s’adapter ou périr" s’applique dans toute sa rigueur. C’est la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui les armées africaines au regard du contexte démocratique qui oblige plus ou moins les pays africains à opérer une mue. Et depuis que l’on est dans cette situation, il est question que le pouvoir d’Etat ne soit plus pris - ou confisqué - par les armes. En d’autres termes, le pouvoir ne doit plus se trouver au bout du fusil comme ce fut le cas depuis bien des lustres sur le continent.

Depuis lors, les détenteurs de fusils se trouvent contraints de rester dans les casernes parce que brusquement interdits d’exercer un autre métier que celui pour lequel ils sont formés. Pour la soldatesque, c’en est fini de l’époque des coups d’Etat pour s’installer au pouvoir.

Pour bon nombre de soldats, c’est alors le début des interrogations sur l’avenir et les moyens de survie. L’oisiveté est ... l’occupation favorite des troupes africaines en général. Jouer au Pari mutuel urbain (Pmu) ou aux jeux de société (belote, damier, pétanque ...), traîner dans les débits de boisson, provoquer des rixes avec les civils (surtout les jeunes recrues), etc., c’est ce à quoi se livrent parfois certains militaires en attendant de passer à la caisse le 15 ou le 30 du mois. Et vite, cette solde servira, pour ceux qui sont au moins reconnaissants, à éponger de nombreuses dettes contractées auprès du boutiquier du coin, du tenancier du bar du quartier, etc. Si bien qu’on en vient parfois à se demander à quoi sert aujourd’hui le militaire africain.

Exception faite des pays secoués par des crises internes ou en conflit avec d’autres Etats, dans les pays relativement paisibles, l’homme en treillis est un chômeur de luxe, une personne payée à ne rien faire pratiquement.

Mais faut-il pour autant lui jeter la pierre ? A l’analyse, il serait injuste de l’accabler. Car, il est le produit d’une armée qui a manifestement du mal à s’adapter à l’évolution du temps. Lequel exige que les armées africaines, dans leur ensemble, deviennent des armées plus disciplinées, plus efficaces, mieux organisées et productives En somme, des armées de métier. Dans ces conditions, elles doivent se débarrasser de bien des oripeaux, de bien des étiquettes peu flatteuses.

Elles ne doivent plus être perçues comme un ramassis de personnes ayant échoué dans leur vie. Elles ne doivent plus passer pour un dernier recours pour des gens qui savent seulement utiliser leurs muscles en lieu et place de leurs cerveaux.

Ces armées ne doivent plus être considérées comme des endroits tout trouvés pour parents ayant du mal à contrôler leurs enfants turbulents, dans l’espoir de leur redressement.

Bref, le soldat d’aujourd’hui doit, à la limite, faire pâlir d’envie. Et pour cela, il doit avoir un bagage intellectuel au moins acceptable. Cela pourrait permettre aux armées africaines de s’impliquer dans les chantiers de développement, tout en assurant leur mission première de défense de l’intégrité territoriale des Etats.

Imagine-t-on un seul instant le miracle qu’ils produiraient sur ces chantiers si ces hommes de tenue, qui se tournent pratiquement les pouces, prenaient d’assaut les rizières, les routes, etc ? Le génie militaire, une des composantes des armées, est, on le sait, d’une grande utilité en matière de construction d’infrastructures routières, de ponts et chaussées, de bâtiments. Jouissant déjà d’une bonne réputation, celle d’être sérieux au travail, ces militaires ouvriers réaliseraient des ouvrages de qualité,s’ils étaient invités à la tâche.

En tout cas, il est grand temps que les armées africaines fassent leur mutation pour réhabiliter leur image dégradée. Elles doivent ressembler à celles du Nord, des armées professionnelles s’il en est, et au sein desquelles il ne viendrait à l’esprit d’aucun élément, aussi gradé soit-il, de régenter d’une façon ou d’une autre la vie politique.

Dans les pays du Nord, l’expression grande muette, n’a jamais autant collé à la réalité. C’est tout le contraire sous les tropiques africains où l’on voit des militaires qui, au mépris de la sacro-sainte discipline, descendent tous parés de l’incivisme, dans les rues pour revendiquer, très souvent à coups de fusil, molestant ou tuant au passage des civils qui ont pourtant contribué à l’achat de ces mêmes fusils.

A tel enseigne que bien des pouvoirs en Afrique, qui prennent très au sérieux les menaces de ces derniers et sont conscients de leur capacité de nuisance, mettent tout en oeuvre pour la satisfaction diligente de leurs revendications.

Ces revendications sont souvent causées par la rupture "alimentaire" entre le commandement et la base, l’accumulation des frustrations et, à leur décharge, le manque ou l’insuffisance de formation au civisme et à la citoyenneté mais aussi par l’absence de fermeté et de suivi dans les sanctions.

Certains hommes en treillis, se croyant tout permis, se prennent parfois pour des super citoyens. Ils pensent être supérieurs aux autres sur tous les plans, et se livrent parfois à des comportements déviants, toutes choses de nature à ternir l’image du corps. Des comportements qu’on voit rarement, sinon jamais aux Etats-Unis, chez les GI’S ou les Marin’s. Les armées d’Afrique doivent prendre ces bons exemples et opérer leur mutation pour s’adapter au contexte démocratique.

Le Fou

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