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Traités simplifié de l’UE : Nicolas Sarkozy sur un petit nuage

Publié le vendredi 14 décembre 2007 à 11h37min

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C’est un volumineux opuscule de 285 pages, très rébarbatif pour les non-juristes, qui a rassemblé ce 13 décembre 2007 à Lisbonne (Portugal) autour de lui les principaux chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays de l’Europe (excepté l’Irlande). Ces derniers ont apposé leur signature en bas de ce texte, signifiant par là qu’ils ratifient ce qui s’appellera "le traité simplifié de l’Europe", censé remplacer la Constitution, concoctée sous la houlette de Valery Giscard D’Estaing et rejetée par les Néerlandais et les Français en 2005.

Jean Monnet, le père de l’Europe, doit en être fier là où il est : avec l’avènement de l’euro, l’Europe politique et économique est une réalité, et avec ce traité simplifié, même si des insuffisances existent, le consensus sur les réformes institutionnelles et les politiques communes sont autant d’acquis à même de consolider l’édifice en construction.

Le 25 mars 2007, Angela Merkel, chancellière de l’Allemagne et présidente, à l’époque, de l’UE, déclarait : "Nous le savons bien, l’Europe est notre avenir commun". Ce jour-là, en effet, les dirigeants européens ont adopté, à l’occasion des 50 ans du Traité de Rome, ce qu’on a nommé la déclaration de Berlin. Ledit texte fixait à juin 2009 l’entrée en vigueur d’un nouveau traité en lieu et place de celui rejeté.

En signant ce jour-là le document, Angela Merkel et les présidents de commissions et des parlements européens des 27 pays de l’UE avaient donné leur accord pour la préservation des valeurs communes de l’Europe, affirmé leur détermination à faire face aux défis tels que le terrorisme, la pauvreté, mais aussi réaffirmé leur volonté de rénovation des fondements de la grande entité en devenir. Restaient à en arrêter les modalités d’adoption, et à ce sujet, les débats ont achoppé jusqu’à ce que certains, dont le chef de l’Etat français, Nicolas Sarkozy, évoquent l’éventualité "d’un traité simplifié" qui serait adopté par voie parlementaire.

Voilà donc Sarkozy comblé, car au cours de ses six premiers mois à l’Elysée, il n’a cessé de défendre "son traité simplifié", un round qu’il vient de remporter donc, même s’il est vrai que le couple franco-allemand, la locomotive de cette Europe, ne parle pas souvent d’une seule voix et que certains Européens n’excluent pas la voie référendaire.

Pour la ratification, les pays se bousculent au portillon : la France et l’Allemagne veulent être les premiers à le faire, mais la Slovénie qui prendra la présidence de l’Union le 1er janvier 2008, veut leur damer le pion. Même attitude chez les Polonais, les Slovaques et les Tchèques, et il n’est pas jusqu’au Danois qui ne comptent pas organiser de vote populaire sur le sujet, eux qui se sont pourtant singularisés en 1992, en disant "non" au traité de Maastricht.

Seuls "dangers" au traité de Lisbonne : la Grande-Bretagne d’abord, dont le Premier ministre, Gordon Brown, ne veut pas d’un référendum sur la question, mais étant de nos jours au creux de la vague, politiquement aura-t-il le choix ?

L’Irlande également demeure un pays à "risque", de par sa constitution, qui lui enjoint de passer par un référendum, or de l’avis de politologues avertis, un quart des citoyens irlandais ne veulent pas du texte adopté dans la capitale portugaise. N’oublions pas qu’ils avaient déjà opposé une fin de non-recevoir au traité de Nice.

Pourtant à y regarder de près, ce traité simplifié ne fait que de petits liftings : les nouveautés visibles sont l’instauration d’un président de l’Union, qui, élu pour deux ans et demi, cumulera également les postes de vice-président de l’UE et de Haut-représentant chargé des relations extérieures ; le plafonnement du nombre de députés européens quel que soit le nombre de pays et la diminution du nombre de commissaires européens.

Avec ce texte de Lisbonne apparaissent aussi les configurations de l’Europe de l’énergie et de celle la défense, sans oublier le renforcement des capacités de l’Union dans les domaines de la justice et de la police. On le voit, la paix, la liberté, la démocratie et surtout la prospérité sont au cœur de ce traité, qui ne demande qu’à être mené communément par des politiques vigoureuses et concertées.

Et en la matière, l’Hexagone doit revoir sa copie sur certains sujets : on peut citer le projet d’Union de la Méditerannée, prônée depuis quelque temps par le président Sarkozy, qui voudrait bien rattacher "l’Afrique blanche et utile à l’Europe". "Nein", a prévenu Angela Merkel, qui voit dans cette aventure les germes d’une implosion de l’Europe, et du reste, elle l’a fait savoir à l’hyperactif locataire de l’Elysée.

Autres "couacs" qui pourraient survenir entre les signataires de ce traité simplifié : les difficultés à offrir des services au-delà de ses propres frontières, et en filigrane la problématique de l’immigration "utile". La directive Bolkestein (1), qui comporte certes quelques défauts, avait bien cerné la question : les services dominent les économies européenne et française, mais avec ce protectionnisme qui ne dit pas son nom, l’efficience est inaccessible, car c’est connu, comme le disait François Mitterrand, que "le protectionnisme, c’est la guerre".

Le spectre abominable du plombier polonais qui accapare les emplois des Français a été brandi comme un épouvantail lors du référendum de 2005, et en 2006 il y a eu une pénurie de plombiers, de maçons, de couvreurs, de chaudronniers-toliers... sur l’ensemble" du territoire français. Véritablement donc ce texte de Lisbonne est "bon", mais encore faut-il que sa mise en application le soit de façon collective, car rien ne sert de signer un texte, et de faire après cavalier seul, et à ce sujet les regards sont tournés vers Nicolas Sarkozy, qui est sur un petit nuage, mais dont l’obsession de la "rupture" pourrait déteindre sur l’Europe, et bonjour les dégâts.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

Notes :

(1) Frits Bolkestein, commissaire européen ; ses adversaires européens qui étaient contre sa directive l’avaient surnommé Frankenstein.

L’Observateur Paalga

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