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Kadhafi : L’indésirable repenti de Paris

Publié le mercredi 12 décembre 2007 à 09h40min

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C’est connu, le guide libyen, Mouammar Kadhafi, est depuis le lundi 10 décembre 2007 l’hôte de marque du président français, Nicolas Sarkozy.
Il a dressé sa fameuse tente dans les jardins de l’hôtel de Marigny, résidence officielle des hôtes de l’Etat français.

Après donc plus d’une trentaine d’années, le dirigeant libyen, pendant longtemps boycotté par les Européens, traqué par les Américains, refoule le sol de la France, non pas seulement pour ingurgiter son thé ou boire son lait de chameau sous sa tente mais pour confirmer son grand retour sur la scène internationale.

L’indésirable repenti, qui s’est bien servi récemment de l’affaire des infirmières bulgares pour se retaper une bonne cure en soignant son image de « dictateur », véhiculée sur l’ensemble du globe par les Occidentaux, est aujourd’hui au centre de la division des Français.

En effet, certains membres du gouvernement n’ont pas manqué de manifester leur gêne, voire leur mécontentement face à cette visite. C’est le cas de la secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme, Rama Yade, qui a estimé que « le colonel Kadhafi doit comprendre que notre pays n’est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits », avant de conclure que « la France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort ».

Un message qui n’est pas loin de rappeler la petite empoignade verbale le 17 novembre 1986 entre le président du Faso, Thomas Sankara, et son hôte français, François Mitterrand, lorsque le premier se plaignait de certaines choses au second en ces termes : « ...

Nous n’avons pas compris comment des bandits, comme Jonas Savimbi, des tueurs comme Pieter Botha, ont eu le droit de parcourir la France si belle et si propre. Ils l’ont tachée de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang. Et tous ceux qui leur ont permis de poser ces actes en porteront l’entière responsabilité ici et ailleurs, aujourd’hui et toujours ».

Ce qui paraît plus effarant et même insolite du séjour de Kadhafi, c’est également la sortie du patron de la diplomatie française, Bernard Kouchner, qui n’a manqué de noter son désir de bouder la visite de leur hôte hier au Parlement, notamment à son président, Bernard Accoyer.

L’opposition, notamment le PS (Parti socialiste), et 61% des compatriotes de Sarkozy estiment que son invité de marque n’est pas le bienvenu, selon un sondage réalisé par Ifop-Paris Match.

Entre le « trop, c’est trop » des Français, pour reprendre le slogan cher au Collectif de lutte contre l’impunité au Burkina Faso et un Nicolas Sarkozy moins agité que d’habitude face à cette épineuse présence du président libyen, la France ne se plaindra trop des retombées commerciales de cette visite. Et avec les nombreux contrats de plusieurs milliards d’euros que ce pays a pu glaner avec l’homme des pétrodollars, elle vient de confirmer aux yeux du monde l’assertion d’un de ses anciens présidents qui avait proclamé haut et fort que la France n’a pas d’amis mais plutôt des intérêts.

Ce n’est surtout pas Dassault Aviation, qui n’a jamais réussi à vendre à l’étranger le moindre de ses avions de combat « Rafale », qui ne se réjouirait pas de la visite de ce grand client venu du désert libyen. Car, c’est au total 14 Rafale, 35 hélicoptères et d’autres équipements militaires pour un montant de 4,5 milliards d’euros qui ont fait l’objet de marchandage entre la France et la Libye.

A cela il faut ajouter l’achat confirmé de 21 Airbus par le pays du guide libyen, qui doit également bénéficier d’un ou de plusieurs réacteurs nucléaires destinés au dessalement de l’eau de mer.

Avec de tels contrats bien ficelés, il est plus que certain que Sarkozy et son équipe ont simplement décidé d’occulter les propos tonitruants de leur hôte lors du dernier sommet de Lisbonne au Portugal lorsqu’il a déclaré au sujet du terrorisme que c’est l’arme que peuvent utiliser les faibles contre les superpuissances.

Ça, c’est vraiment, comme on dit, du Kadhafi et cela, à une époque, lui aurait certainement valu des ennuis du pays de l’Oncle Sam et de ses partenaires européens. Mais le « mouton noir » est devenu tout blanc à tel point que ses anciens ennemis à l’image des Etats-Unis d’Amérique envisageraient l’ouverture de leur ambassade dans son pays.

Cyr Payim Ouédraogo

L’Observateur

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