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1-Décembre : De quelle indépendance s’agit-il ?

Publié le mercredi 12 décembre 2007 à 09h45min

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« L’histoire est écrite par les vainqueurs ». (Brasillach). C’est pourquoi elle est si mal écrite ! A quoi une telle histoire a-t-elle adossé notre indépendance ?

Qu’en disent les séquences de cette histoire, fut-elle mal écrite ? L’indépendance n’est-elle qu’un don pimenté de la colonisation aux colonisés, ou bien le fruit défendu qu’il fallait absolument manger pour sortir du jardin d’Ebène ?
Dans Les Conquistadors, Descola nous apprend, par exemple, que le 29 septembre 1513, Balboa, portant la bannière d’Espagne et se tenant dans l’eau qui lui montait jusqu’aux genoux, a dicté à sa secrétaire : « Vivent les hauts et puissants monarques don Ferdinand et dona Juana, souverains de Castille, de Léon et d’Aragon, au nom desquels je prends aujourd’hui possession réelle, corporelle et actuelle de ces mers, côtes, ports et îles du Sud, ainsi que des royaumes et des provinces qui en dépendent maintenant et tant que le monde durera… ». Par la suite, nous lisons que Balboa a été assassiné et que son successeur, Pizarre, a conquis pour son compte, le royaume inca du Pérou. Son premier acte fut de piller les temples et de faire fondre les statues d’or : chacun de ses 160 soldats en reçut la valeur de 4000 à 5000 pesos.
En 1845, un mécanicien construisant une scierie remarqua, dans le courant, des paillettes d’or. La nouvelle se répandit en Amérique, puis en Europe : ce fut la ruée. San Francisco, alors simple village de moins de 500 habitants devint, en quatre ans, une ville qui en comptait 250 000. Et les Indiens qui refusèrent de fuir dans les montagnes rocheuses furent massacrés.
En Australie, en 1850, un chercheur du nom de Morgan, s’abritant dans la cabane d’un pauvre fermier et remarquant l’éclat particulier d’une roche lavée par la pluie achète tout le terrain. Du mont Morgan, des millions allaient jaillir et, dans le désert, des villes surgir. - Au vu de ce qui se passa avec tant de régularité et d’acharnement, qu’est-ce donc que la colonisation ? La mission civilisatrice ? L’évolution ?...qui mirent l’indépendance au monde par césarienne.
La colonisation, en Afrique comme ailleurs, a toujours été une histoire de ruées et de rusés, de pillages, de meurtres et d’empilement de cadavres. Mais les vainqueurs savent donner à cette histoire nécrologique, de doux sobriquets et de nobles missions. Mais enfin ! Qui a-t-il jamais compris pourquoi ce sont ceux-là qui ne respectent ni temples ni divinités, qui ne savent pleurer ni morts ni vivants, qui foulent veuves et orphelins aux pieds, qui ne recherchent ni justice ni justesse…, qui se donnent pour mission de civiliser les autres peuples ? Ou bien civilisation est-elle synonyme de processus d’avilissement ? A partir de là, on remarque que l’évolution que provoquent l’insoutenable colonisation et sa mission ambiguë se trouve toujours liée à l’or, à l’arme et aux villes qui poussent même dans le désert : le tout présenté de la façon la plus séduisante à notre fantasme blessé par l’oppression, pour que nous aimions ce qui nous tue, « tant que le monde durera. »
Argent, villes, luxes et barbarie : voilà les indicateurs les plus permanents de l’évolution telle qu’elle a été engendrée par des aventuriers et des soldats. En 47 ans, le Burkina a-t-il évolué dans ce sens ? Nous avons tous un défaut culturel : soit nous ne comprenons rien et ne faisons rien ; soit, nous comprenons trop et en faisons autant. Dans tous les cas, comme aucune de ces nourritures de l’évolution ne nous fait plus mal au ventre, reconnaissons que le Burkina a évolué. Maintenant, à la manière de Balboa, nous savons d’abord tirer le sabre pour retirer à autrui ce qui lui appartient en propre, pour ensuite le regarder sec au front. Mieux que Pizarre, nous nous enrichissons de la vente des objets sacrés de nos cultures. Morgan a au moins été juste lorsqu’il a acheté le terrain où il a découvert l’or avant d’en jouir.

Pour un âne, nous retirons à un paysan sa propriété et le forçons à déguerpir. San Francisco a poussé sur l’or. Ouagadougou fleurit sur la pauvreté. Le malheur, c’est que nous ne pouvons même plus avoir l’excuse et la satisfaction morale de vilipender l’affreux colonisateur. Nous le suivons sans rechigner, partout où il va, parce que nous aimons ce qu’il aime. Parfois, c’est le colonisateur lui-même qui est obligé de se déhancher pour nous rattraper dans la course pour l’argent et tout le reste. Et là où il se contente de casser des jambes, nous défonçons les crânes.
De quelle indépendance parlons-nous encore ? Et si, en ce 11 décembre, nous célébrions plus justement le 47ème anniversaire de notre assimilation volontaire ? Nous ne pouvons pas nous entendre sur la réponse, entendons-nous au moins sur la question.
Cela dit, il reste à souligner qu’en 47 années, l’acquis le plus sûr, le plus noble, la richesse que rien, ni personne ne peut enlever au Burkina, c’est l’intégration de ses populations. Les 65 familles culturelles de notre pays, lentement, mais sûrement, s’intègrent à vue d’œil à l’image des villes de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso notamment. Les symboles identitaires et intangibles des parents deviennent des objets de décoration avec lesquels les enfants embellissent leurs salons, sans plus.
Tout ce qui est beau est difficile, dit-on. On comprend donc que la belle intégration de nos populations puissent, par moments et par endroits, provoquer des grincements de dents. Mais le génie rassembleur de notre peuple sait toujours faire en sorte que le soleil ne se couche jamais sur ces grincements.
Nous osons croire que malgré toutes les pauvretés qui tenaillent actuellement le Burkina, ce pays a, devant lui, un beau destin à apprivoiser. Les peuples qui se sont enrichis avant d’avoir appris à regarder ensemble dans la même direction ont dépéri, disloqués. Leur histoire ne se trouve pas dans les livres. Elle est écrite sous le sable. Il faut des archéologues pour nous la raconter.
Bonne fête à tout le monde, positivons ensemble l’avenir.

Ibrahiman SAKANDE
Email : ibra.sak@caramail.com

Sidwaya

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