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Accords de partenariat économique : Chronique d’une débandade annoncée

Publié le jeudi 6 décembre 2007 à 14h05min

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Les autorités ivoiriennes sont décidées à signer, avec l’Union européenne, les Accords de partenariat économique avant la date butoir du 31 décembre 2007. Le débat vif et animé autour de cette question avait pu laisser penser qu’il s’agissait d’une négociation qui se déroulait d’organisation inter-étatique à organisation inter-étatique, entre Union européenne et CEDEAO.

On avait cru que les pays membres de l’organisation ouest-africaine s’étaient, pour une fois et véritablement, décidés à parler d’une seule voix. On avait cru que les Etats avaient fini par prendre conscience de la nécessité de faire bloc au sein de cette organisation, de défendre les intérêts de l’ensemble communautaire et de la faire respecter. On avait cru que les préalables que l’on soulevait à la signature de ces accords avaient quelque chose à voir avec les intérêts vitaux de nos populations dont on a pu observer la grande mobilisation. Et l’on s’était pris à rêver d’une véritable intégration régionale, d’une réalité politique africaine qui rendait l’unité africaine nécessaire, possible et à portée de volonté.

Hélas ! Ce front uni n’était qu’une apparence qui cachait mal un naturel fait de divisions, de chacun-pour-soi, de calculs mesquins, de vues à court terme. Il est donc temps de s’entêter à poser les questions que le bon sens exige de poser : nos pays peuvent-ils signer de tels accords en rangs dispersés ? Quels intérêts, ce faisant, pourront-ils défendre ? Dans ce genre de négociations, chaque pays peut-il s’en sortir seul ? Qu’en est-il de la logique de l’intégration régionale ? Dans quels domaines, les organisations que nous avons créées tant bien que mal, et que nous faisons vivre bon an mal an, doivent intervenir ? Et à qui profite la division ainsi créée ?

Il y avait une certaine cohérence dans le fait que l’Union européenne négocie avec un partenaire unique, la CEDEAO. Alors que, du côté de l’Europe, plus de vingt pays acceptent de discipliner leurs intérêts pour opposer un front uni à leurs différents partenaires (Etats-unis, Amérique du sud, Afrique...), en Afrique de l’Ouest, une poignée d’Etats semblent mettre un point d’honneur à ne pas faire cause commune. Certes, dès qu’il est question d’agir ensemble, les intérêts qui convergent n’empêchent pas des divergences d’exister. Une action concertée suppose des sacrifices, d’ailleurs tout à fait relatifs devant l’importance de l’enjeu même de l’unité de pensée et d’action. On ne saurait , sans autre forme de procès, blâmer les autorités ivoiriennes de faire grand cas de leurs produits. Cacao et café ne comptent pas pour du beurre. Mais il devrait être clair que la communauté de destin qui lie les populations de cet espace économique demande que l’on ait la sagesse de renoncer à certains avantages pour en avoir d’autres. L’histoire du présent montre que l’avenir de nos pays est à la réalisation d’un espace de vie politique et économique incompatible avec l’esprit de clocher qui est la source de bien des maux.

La défection ivoirienne s’explique en partie par le fait que, jusqu’à présent, ce sont les organisations de la société civile qui ont été à la pointe du combat pour le règlement de certaines questions préalables avant que la signature des accords ne puisse être envisagée. Beaucoup font valoir que nos pays ne sont pas prêts pour la suppression envisagée des droits de douane. De fait, les capacités de propositions de biens à l’importation montrent que ce sont les pays africains qui vont être envahis par les produits en provenance d’Europe. Et nul ne peut sérieusement dire que nos produits n’ont pas besoin de protection. Qu’a-t-on répondu à ceux qui font observer que les Européens ont protégé leurs industries, le temps qu’il faut, avant de s’engager dans cette libéralisation des échanges où ils veulent nous forcer ? Ce sont les organisations de la société civile et non les Etats qui ont initié et développé la contestation. On peut supposer qu’elles sont, d’une part, plus aux prises avec les difficultés que vivent les populations ; et d’autre part, moins embarrassées par des considérations politiques, voire politiciennes. Il n’est pas absurde de penser que si les Etats n’avaient pas été arrêtés par ce mouvement de citoyens, il y a belle lurette que l’affaire aurait été réglée. C’est pourquoi on peut se demander s’il y a des organisations qui, dans la société civile ivoirienne , se sont intéressées à cette question. On peut craindre qu’occupée à plein temps par le problème de la crise qui secoue le pays depuis de si longues années, la société civile ivoirienne n’ait pas eu le loisir de s’engager véritablement dans le combat des populations de l’espace CEDEAO.

L’attitude de l’Union européenne suscite aussi des interrogations. On constate une fois de plus que, malheureusement, dans le champ des relations économiques, les grands principes n’ont plus cours. L’Europe doit discuter, en tant qu’entité inter-étatique, avec la communauté ouest-africaine, et non avec les Etats individuels. Or, on peut craindre que l’Europe, au lieu de respecter la position de l’organisation régionale, la contourne en discutant avec les Etats pris individuellement. C’est diviser pour affaiblir. Et la CEDEAO s’en sortira nécessairement affaiblie. Peut-on imaginer que d’autres Etats comme le Ghana ou le Nigeria ne s’engouffrent pas dans la brèche que la Côte d’Ivoire s’apprête à ouvrir ? Dans ces conditions, on peut prévoir que, dans une confusion totale, chaque Etat signera à des conditions qu’il sera loin de pouvoir contrôler. L’Union européenne aurait-elle voulu tester la solidité de la solidarité africaine qu’elle n’aurait pas procédé autrement. Et le résultat du test est cruel pour les Africains. Comme dit le chanteur, les populations ont voulu, mais les dirigeants n’ont pas pu.

Mais dans notre malheur, saisissons la chance de tirer une leçon : dans certaines circonstances, la société civile est plus représentative de la réalité et des intérêts de nos pays que les gouvernants ; et ce qu’elle désire, c’est que l’on aille vite vers l’Union. La vraie.

Le Pays

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