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Koen Ros, DG de Canal 3 : "La crise belge très complexe !"

Publié le mercredi 5 décembre 2007 à 12h17min

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Ros KOEN

La Belgique vit une crise ethno-politique basée sur une rivalité entre les communautés flamande et wallonne. Pour en comprendre le fondement, nous avons rencontré pour vous M. Koen ROS, Belge vivant au Burkina depuis une quinzaine d’années, et actuel directeur général de la télévision Canal 3. Il est d’origine flamande et pense que son pays traverse une situation politique très difficile à comprendre et qui, heureusement, n’a pas entaché les relations entre les différentes communautés, dans leur vécu quotidien.

Le Pays : Que savez-vous de l’origine et des raisons de la crise qui sévit depuis un certain temps dans votre pays, la Belgique ?

Koen ROS : Je tiens d’abord à préciser que je ne suis pas un grand spécialiste de la politique belge, mais comme tout citoyen, la politique m’intéresse et je m’intéresse particulièrement à l’actualité de mon pays. Je voudrais également préciser que la Belgique est un pays où le vote est obligatoire pour tout citoyen ayant 18 ans et plus. Pour maintenant répondre à votre question, je dirai qu’il se passe en Belgique une situation qu’on n’avait jamais connue auparavant. C’est une situation qui est extrêmement rare et en même temps très intéressante parce que je pense que la politique en Belgique a atteint un niveau où il y a certaines vérités qui vont jaillir. Car c’est depuis les années 70 qu’on a commencé avec la fédéralisation qui s’est passée en plusieurs étapes et ça ne s’est pas arrêté jusqu’aujourd’hui.

Vous parlez de vérités qui vont jaillir avec la crise. De quelles vérités s’agit-il ?

C’est vrai que si on revient un peu en arrière, l’histoire révèle qu’à l’époque c’étaient les Wallons qui avaient le pays en main. Cela a évolué et c’est ainsi que l’industrie se trouve présentement entre les mains des Flamands. Mais tout ça c’est long en fait. Notre génération est née dans cette problématique de la séparation, c’est-à-dire que le processus a commencé il y a maintenant 30 ans à peu près. Le vrai problème c’est que les Flamands veulent aller plus loin aujourd’hui, tandis que les Wallons demandent à ce qu’on temporise. Vous savez, aujourd’hui, la puissance économique se trouve du côté flamand ; mais il y a toujours eu une solidarité entre les deux communautés et cette solidarité est encore là.

En quoi consiste la fédéralisation dont vous avez tantôt parlé ?

Il y a en Belgique 3 communautés : la communauté flamande constituée de 6 millions d’habitants parlant le néerlandais, la communauté wallonne qui vaut 4 millions d’habitants, parlant français, et la troisième communauté, ce sont les Allemands. Ils sont très minoritaires, entre 50 et 100 mille personnes. Ils ont néanmoins un gouvernement et jouissent des mêmes droits que les 2 autres communautés. En dehors de ces 3 entités, il y a la problématique de Bruxelles, Bruxelles qui a aussi son statut à part. C’est une ville bilingue qui se situe certes en territoire flamand mais la plupart de ses habitants parlent le français. Chacune de ces communautés a son autorité, ses droits, ses devoirs et autres. Tout cela a commencé comme je vous l’ai dit, dans les années 70. Je n’ai pas une parfaite maîtrise des détails, mais je sais que certains domaines tels que l’éducation sont l’affaire des communautés, et il y en a d’autres qui sont restés nationaux.

Est-ce qu’on peut dire que c’est la cohabitation entre ces différentes communautés qui est entre temps devenue difficile au point de susciter la crise qui prévaut aujourd’hui ?

Oui et non à la fois. Parcequ’on entend chaque fois dire que ça ne va pas, c’est difficile, mais ne prenez pas ça comme ça. Car pratiquement rien de cette situation ne se ressent dans la vie quotidienne en Belgique. Les Flamands s’entendent très bien avec les Wallons. Les rivalités se jouent dans un cadre purement politique. Et on discute sur des détails qui n’en valent pas la peine. C’est un dossier très complexe. Et même si demain on arrivait à résoudre cette crise, on n’en sentira rien au sein des citoyens belges. Ce sont des discussions politiques et de principes ; c’est là que se situe le problème. Il y a un blocage entre deux communautés parce que les chrétiens démocrates, vainqueurs des dernières élections, avaient retenu la fédéralisation parmi leurs thèmes de campagne. Ils souhaitent aller plus loin.

Est-ce que selon vous ce qui se passe en Belgique était prévisible ?

Oui et non. Ce qui est sûr, à mon avis, on allait, à un moment donné, être confronté à une situation où il faudra choisir entre se quitter définitivement ou pas. C’est la première fois que l’on entend en Belgique certains grands groupes au sein de la population parler de la séparation entre ces deux communautés.

On n’a jamais vu ça, c’est vraiment un blocage total. Présentement, les tractations continuent et je suis convaincu que le problème sera résolu d’ici deux jours, parce qu’il reste seulement deux petits points sur lesquels ils sont en train de se tirailler. D’ici la fin de l’année il y aura le nouveau gouvernement.

Est-ce qu’il y a vraiment besoin d’aller à la séparation, selon vous ?

Je pense que non. Moi, je crois au contraire que la Belgique a son avenir. En tant que Belge, je reste convaincu que la séparation totale n’est pas une bonne chose. Surtout pour la politique d’intégration des peuples européens.

Sans gouvernement, comment fonctionne donc le pays à l’heure actuelle ?

Pour le moment c’est l’ancien gouvernement qui est là, pour les affaires courantes. L’avènement du prochain gouvernement ne devrait plus tarder. Selon les dernières nouvelles, il reste seulement deux petits points à élucider pour que les choses entrent dans l’ordre.

Quels sont ces deux petits points dont vous parlez ?

C’est inutile, parce que c’est très technique, c’est très complexe.

Au fait, est-ce que ce sont les mêmes entités ethniques qui forment les entités politiques ? Est-ce les entités politiques s’identifient en fonction des entités ethniques ?

Je comprends parfaitement votre difficulté. Même au niveau de la Belgique, beaucoup ne comprennent pas du tout ce qui se passe. Vous savez en Belgique, si on compte le nombre de ministres c’est extraordinaire. Il y a des ministres nationaux, il y a aussi les trois gouvernements fédéraux dont l’un du côté des Flamands, un chez les Wallons et l’autre, du côté des germanophones. Ceux-ci ont aussi leurs propres gouvernements ainsi que leurs propres ministres. Vraiment, c’est très complexe et c’est à cause de cela justement qu’un seul petit détail peu bloquer.

Ici, on pense que c’est parce que les Flamands se sentent suffisamment riches qu’ils demandent l’autonomie ? Consentez-vous ?

Ce n’est pas cela. Ce n’est pas une question d’argent. Il n’y a aucun des Flamands qui pense à cela.

Par une telle situation, la Belgique ne donne-t-elle pas un mauvais exemple, elle qui abrite le siège de l’Union européenne ?

Ce n’est pas du tout un bon exemple. Mais je ne pense pas que cela puisse jouer sur l’Union européenne, parce que la Belgique est toujours connue pour ces genres de discussions, et de l’autre côté on est toujours prêt également à trouver une solution.

Y a-t-il une médiation étrangère dans cette crise ?

Je ne pense pas, et je ne crois pas que quelqu’un puisse comprendre ce qui se passe aujourd’hui en Belgique.

Et comment se passe la cohabitation entre Belges Flamands et Wallons ici au Burkina ?

Ca se passe sans problème comme en Belgique. Ici on est de très bons amis, on aime fêter, on aime travailler ensemble, on aime boire la bière ensemble. Il n’y a aucun problème ! C’est comme je l’ai dit au début, il n’y a aucun problème entre les populations belges. Ce sont seulement les politiciens qui sont divisés sur des questions purement politiques. C’est comme une crise au sommet.

Propos recueillis par Lassina Fabrice SANOU et Paul Miki ROAMBA

Le Pays

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