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Bongo et le Gabon : Si le ridicule tuait...

Publié le lundi 3 décembre 2007 à 12h59min

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Omar Bongo-Ondimba

Les Gabonais qui sont âgés de quarante ans n’ont connu qu’un seul président de toute leur vie. Il s’agit d’Albert Bongo, qui, depuis 1967, a pris le pouvoir après la mort de Léon M’ba. Entre-temps, il est devenu Omar, puis, depuis quelques années, Bongo Ondimba. En ce mois de décembre 2007, soit quatre décennies plus tard, il est toujours là et règne en maître absolu sur le Gabon.

Un quarantenaire célébré hier avec faste, devant un parterre d’invités, au nombre desquels quelques chefs d’Etat. Cet ultime jamboree n’était d’ailleurs que la partie la plus visible de ce grand iceberg commémoratif. Depuis plusieurs jours, tous les mangeurs du manioc de la mangeoire gouvernementale ne parlent et ne respirent qu’au rythme des festivités. Au Gabon et dans la diaspora, les thuriféraires du régime et de son « irremplaçable » chef ont rivalisé d’ardeur pour que sa bamboula soit belle.

L’une des rares notes discordantes sera venue peut-être du dynamique mouvement BDP-Gabon Nouveau, qui empêche le célèbre moustachu de Libreville de dormir sur ses deux oreilles (1). Avec ces quarante bougies soufflées, Omar Bongo s’installe encore plus confortablement dans son fauteuil de doyen des chefs d’Etat du monde, que seul Fidel Castro, qui en avait 45 au compteur avant de céder le trône à son frangin Raul pour raison de santé, lui ravissait. Mais à 72 ans, ce président, dont le seul récent fait d’arme est d’avoir ajouté une particule (Odimba) à son nom, peut-être pour rompre un tant soit peu avec la monotonie du pouvoir, n’est pas du tout fatigué. Cependant, quand on regarde l’évolution de ce pays depuis son accession au pouvoir, il n’y a pas de quoi fêter un chat...pardon...un shah. En tout cas si le ridicule et l’indécence pouvaient tuer...

Son pays, qui affiche par habitant un revenu de 6.950 dollars dont la répartition est très inégalitaire, est riche en matières premières (pétrole, manganèse, fer, bois). Avec 1,3 million d’habitants pour 267.667 km2, sa densité est l’une des plus faibles du continent. Mais le Gabon, à l’image de beaucoup de pays africains qui regorgent de richesses naturelles, est un scandale géologique.

"Ces ressources font de ce pays l’un des plus riches d’Afrique mais elles ne profitent qu’à une minorité, même si le président essaye de calmer le jeu en distribuant places, honneurs et argent", note un connaisseur de la vie politique gabonaise. Bongo a disposé d’une marge de manœuvre que n’ont pas eue beaucoup de chefs d’Etat en Afrique, mais il n’en a pas profité pour équiper le pays comme il aurait pu et dû. Pour beaucoup d’analystes, c’est la manne pétrolière qui a, en partie, permis la stabilité dont jouit le pays depuis son indépendance, mais celle-ci n’a pas apaisé le malaise profond qui existe actuellement chez les Gabonais, surtout chez les jeunes.

C’est aussi avec les pétrodollars que les opposants les plus enragés ont été calmés dans les années 90, quand a soufflé le vent du multipartisme. Bongo a alors distribué avantages et privilèges grâce à l’argent du pétrole, et rallié peu à peu ses plus anciens contempteurs. Il ne s’est d’ailleurs jamais caché de distribuer de l’argent, estimant que c’était sa façon de répartir la richesse et que la démocratie ne fonctionnait pas au Gabon comme en Occident. Faisant preuve d’un sens tactique évident en annihilant quasiment toute opposition, son bilan économique et social, avec un taux de chômage officiel dépassant 25%, reste décevant. Les problèmes de gouvernance sont : la gabegie du régime, ses excès, "l’évaporation" de l’argent au bénéfice d’une minorité. Pendant ce temps, des secteurs comme l’éducation nationale, la santé ou encore les infrastructures routières manquent de moyens alors que le pays possède de fortes potentialités.

A l’image de beaucoup de chefs d’Etat qui veulent mourir au pouvoir, Bongo, dont le pays occupe un rang peu honorable, au regard de ses potentialités, dans le classement selon les indices de gouvernance au monde, se targue souvent d’avoir préservé la paix et la stabilité dans son pays. Ce qu’il oublie ou feint d’oublier est qu’il peut y avoir la stabilité (encore qu’il ne faille pas la confondre avec immobilisme) dans un pays sans qu’il n’y ait de démocratie.

L’existence de la paix également est discutable quand ça bouillonne à l’intérieur des cœurs. Et si en 40 ans, l’on n’a pu développer un pays, pourquoi tient-on à se gratter pour rire ? Mais il fallait quand même qu’il fasse sa fête, convaincu que sans lui, le Gabon ne serait pas le Gabon. Le drame, c’est que cette fête constitue un mauvais exemple pour les dirigeants africains qui n’ont que vingt ans de pouvoir. Elle donne même bonne conscience à ces « jeunots » du trône que sont les Paul Biya, Hosni Moubarak, Lansana Conté, Mugabe, Ben Ali, Kadhafi, Obiang Nguéma, Dos Santos, Museveni et ...Blaise Compaoré, qui vient, lui, de souffler pas plus tard que le 15 octobre 2007 ses 20 bougies. Lesquels rêvent, tous autant qu’ils sont, d’éternité quand ils ne sont pas suspectés de vouloir refiler l’affaire à leur rejeton ou frangin dans la plus pure des traditions dynastiques.

A la décharge cependant du locataire du palais du bord de la mer, il faut reconnaître que, contrairement à beaucoup d’autres de ses pairs qui ont mal tourné, il n’a jamais été un affreux despote façon Kadhafi, Mugabe, Moubarak, Museveni, Obiang Nguéma et autres. Bien au contraire, il est même parvenu à rester sympathique aux yeux d’une opinion africaine qui se délecte de son franc-parler légendaire. Qu’à cela ne tienne, il faut savoir, comme le disait un grand homme, quitter les choses avant qu’elles ne vous quittent.

La rédaction

Notes (1) Le BDP-Gabon Nouveau (Bongo Doit Partir pour la Construction d’un Gabon Nouveau) est un mouvement politique gabonais de libération nationale, en exil, dont le siège se trouve dans le New Jersey aux Etats-Unis. Le BDP-Gabon Nouveau vise la suppression du régime Bongo et le départ d’Omar Bongo du pouvoir par tous les moyens possibles. Le Mamba en est la branche armée. Le président gabonais aurait tenté par plusieurs fois, mais en vain, de rencontrer son leader, le Dr Daniel Mengara, qui enseigne aux Etats-Unis.

L’Observateur Paalga

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