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Gérard Ménard (Consul de France au Burkina Faso) : « Le Burkina Faso, globalement pas concerné par les tests ADN »

Publié le lundi 19 novembre 2007 à 13h16min

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Gérard Ménard

La question des tests ADN, même si en termes statistiques, le Burkina Faso n’est pas véritablement interpellé, a alimenté la polémique comme partout ailleurs en France et en Afrique. Il y a sur la question de tels problèmes intéressant notamment le droit, l’éthique, la génétique, que nul Etat africain en particulier ne saurait rester indifférent. Si la loi a été votée, des questions restent pendantes lors même que le texte initial aurait été éludé de certains de ses aspects.

Pour éclairer nos lanternes, nous nous sommes naturellement mis en chantier depuis un mois, d’obtenir du Consulat de France, les éclairages nécessaires. Nos démarches n’ont pas été vaines puisqu’un entretien de plus d’une heure nous aura été accordé par son Excellence monsieur Gérard Menard, Consul de France au Burkina Faso. Nous espérons que beaucoup y trouveront des réponses à quelques-unes de leurs questions.

Pourquoi tout d’abord ces tests ADN et si la loi est entrée en vigueur, comment opère-t-on concrètement ?

Le test ADN, c’est une des composantes de la nouvelle loi sur l’intégration et l’asile qui a été approuvée, votée par les deux Chambres le 23 octobre de cette année. C’est tout récent. Le projet de loi a été voté mais évidemment, la loi n’est pas encore en vigueur car il y a un certain nombre de formalités à accomplir pour qu’elle soit mise en œuvre.

La nécessité des tests ADN est apparue tout simplement parce qu’il y a certaines personnes dans certains pays qui ont des difficultés pour prouver la filiation de leurs enfants par rapport à eux et qui se trouvent démunies, soit parce qu’elles n’ont aucun document ou soit parce que ce sont des documents d’état-civil peu ou pas du tout fiables.

L’exemple qui vient évidemment à l’esprit en premier lieu, c’est comme vous pouvez imaginer, le cas des réfugiés. Les réfugiés qui ont fui un conflit armé par exemple. Ce n’est pas sûr qu’on prenne son livret de famille et tous ses documents ; et quand on revient dans sa ville ou son village et que la mairie a brûlé avec toutes ses archives, et dans ces cas-là, il n’y a plus rien.

Apparemment, il y a quand même dans le monde des centaines voire des milliers de personnes qui ont du mal à apporter la preuve qu’ils sont les parents d’un enfant. Comme nouvelle possibilité en des textes, des documents écrits que constitue un acte d’état-civil, on a pensé à utiliser des moyens plus modernes comme beaucoup de pays dans le monde parfaitement démocratiques comme le Canada ou en Europe, tous les pays qui entourent la France : en Grande-Bretagne, en Belgique.., pour ne nommer que ceux-ci. On utilise les moyens modernes que sont les tests ADN qui permettent, comme vous le savez, d’établir un lien, d’apporter la preuve de la filiation biologique entre un enfant et l’un ou l’autre de ses parents. Le but ultime, c’était de donner une nouvelle possibilité fiable à 100 % qu’il existe un lien direct entre un enfant et un parent. Mais évidemment, comme toutes ces mesures touchent au plus intime des gens, ça doit être entouré de garanties extrêmement précises.

Comment réagissez-vous aux nombreuses critiques faites par rapport à cette pratique jugée indigne pour l’être humain ?

C’est l’article 13 de la loi qui parle de test ADN. Vous allez voir qu’il y a relativement peu de place pour que ces textes soient pratiqués au Burkina Faso parce que les conditions qui rendent nécessaires ces tests AND ne sont pas réunies ici.

La première, comme je vous le disais, c’est qu’il faut que les parents qui veulent faire venir leur enfant, n’aient pas de documents d’état-civil ou des documents qui ne sont pas authentiques. Soit ils sont douteux, soit ils ont été falsifiés ou ils n’ont pas le caractère d’authenticité que l’on réclame dans un état-civil. Alors ici, l’état-civil est très correctement tenu. Il est fiable.

Ce qu’il faut aussi savoir, c’est que nous donnons à peu près 900 visas par mois et environ, 10, 11 ou 12.000 dans l’année. Ca ne concerne que les gens qui veulent venir en long séjour, donc un visa de plus de trois mois et cela représente moins de 10 % des demandes. Donc, il y a très peu de visas de long séjour et ensuite, ça ne pourrait concerner que les cas de regroupement familial d’enfants voulant rejoindre leur père ou mère qui se trouve en France, et dans ce cas les statistiques des dernières années sont assez éloquentes puisque ces cas concernent entre 165 et 200 personnes par an. C’est très peu.

En plus, comme je vous l’ai dit, il faudrait que ce soit des enfants dont l’état-civil est douteux ou inexistant. Apparemment, à ce que je sache, tous ceux que j’ai vus avaient un état-civil, un passeport qui ne laissaient pas d’ambiguïté.

Troisième chose, c’est que quand même il y aurait ça, il faut que la mère de l’enfant demande à passer le test (puisque pour ne pas poser de problèmes conjugaux, les tests ne sont faits que sur la mère et l’enfant).

Moi, je peux lui dire qu’il y a un aspect douteux mais c’est à elle de demander à passer le test. Il n’y a aucune obligation ; on ne l’impose pas. C’est une possibilité qui existe, que les savent et s’ils n’ont pas d’autres moyens d’apporter la preuve, ils peuvent solliciter le test, et ça ne suffit pas. Il faut qu’en plus, si la personne demande le test parce qu’elle n’a pas un acte d’état-civil fiable, que le juge du tribunal de grande instance de Nantes autorise ce test.

C’est comme ça en France : l’administration n’a pas le droit de demander à pratiquer un test ADN sur une personne sauf le juge. Ca doit être encadré dans un processus judiciaire pour sauvegarder les libertés de tout un chacun.

Vous voyez, quand on regarde les conditions qui seront mises en œuvre pour ce test ADN, on s’aperçoit très bien (on va dire globalement) que le Burkina Faso n’est pas concerné.

On entend dire …

Attendez, je voudrais encore apporter deux précisions. La loi actuelle qui a introduit ces tests prévoit qu’une mise en œuvre dans certains pays dont la liste n’est pas encore communiquée, qui sera une liste arrêtée par le Conseil d’Etat, sans doute 4 ou 5 pays. De toutes les façons, ce sera un test d’une durée de 18 mois. Au bout de 18 mois, l’opération sera interrompue. Un bilan sera tiré et on verra si c’est renouvelé ou si c’est pérennisé. Mais pour l’instant, il n’est prévu qu’une expérimentation d’une durée maximale de 18 mois.

On entend dire que des partis politiques d’opposition en France, vont demander à la justice internationale de rejeter cette mesure. Pouvez-vous nous dire si c’est vrai et auquel cas, où en est la procédure ?

Toute nouvelle loi est peut-être soumise (et c’est le cas au Conseil constitutionnel en France pour vérifier si toute la loi ou partie de la loi est conforme à la constitution. Donc, ça c’est une possibilité qui est couverte par la constitution et qui est mise en place.

On verra bien ce que nous dira le conseil constitutionnel ; s’il estime que les diverses dispositions de cette loi sont conformes à la constitution, auquel cas elles seront applicables, sinon elles seront censurées bien entendu.
Si je n’ai pas d’informations particulières sur le fait que certains partis souhaiteraient soumettre le texte à une juridiction internationale, je ne sais pas très bien comment ça peut se faire.

Commet ces tests ADN peuvent-ils être pratiqués si dans certains pays, le matériel nécessaire n’est pas sur place ?

Si on devait mettre les textes en vigueur en place au Burkina, comme je l’ai dit tout à l’heure, je pense qu’on serait vraiment dans l’exceptionnel puisque les conditions qui sont prévues par la loi ne justifient pas à mon avis, l’introduction de cette nouvelle mesure au Burkina. Je ne vois pas actuellement, et je n’ai pas vu depuis que je suis ici, des cas où je pourrais légalement demander ou accepter de pratiquer un test ADN.

Je ne dis pas qu’à l’avenir, ça ne se fera pas mais encore une fois, il faudrait dans les deux ans qui viennent que le Burkina soit un des pays choisis pour cette expérimentation, et rien n’indique que ça le sera. Je dirai même au contraire. Encore une fois, ce sera sans doute de préférence dans des pays où l’état civil est un tout petit peu défaillante.

Combien y a-t-il de Burkinabé en France et avez-vous une idée du nombre approximatif de sans papiers burkinabé ?

Le nombre de Burkinabé en France est de l’ordre de 3.000 environ. Je pense que c’est plutôt les autorités burkinabé qui pourraient répondre mieux que moi à cette question. Le nombre de sans papiers est évidemment inconnu (rires). Je n’ai pas l’impression qu’ils soient très nombreux en tous les cas.

Il y en a, il y en a probablement. Mais si vous voulez, un sans papier, c’est quelqu’un qui dépasse la durée accordée par son visa. On peut être sans papier depuis un jour ou depuis 10 ans. De toutes les façons, ce n’est vraiment pas du Burkina que partent beaucoup de personnes en situation irrégulière.

Qu’avez-vous à dire à l’adresse de tous ceux qui craignent l’application de cette mesure au Burkina ?

Pour résumer, je pense que les textes sont clairs et à partir du moment où on a un état-civil fiable comme c’est le cas du Burkina (je pense que tout le monde s’accorde à le reconnaître), je ne vois pas pourquoi des tests seraient imposés. Pour le Burkina, je pense que c’est une mesure qui n’aura, sinon pas d’effet, du moins très peu. Je n’imagine pas qu’on puisse nous présenter ici des actes falsifiés.

Qu’est-ce qu’un acte fiable ?

Un acte est fiable quand il a été délivré par une seule autorité compétente qui le reconnaît comme tel.

Comment se fait la vérification si tous ces actes ne sont pas informatisés ?

Effectivement, tous les actes ne le sont pas, surtout dans les petites communes rurales, ce qui fait que lorsque nous recevons un acte, quand on le vérifie, on demande à l’officier d’état-civil qui l’a délivré de nous dire s’il a bien délivré cet acte, et jusqu’à présent, les réponses ont toujours été bonnes.

TN


NDLR : Le jeudi 15 novembre 2007, c’est-à-dire après notre entretien avec Mr le Consul de France au Burkina Faso, le Conseil constitutionnel français, s’il a rejeté la loi sur les statistiques ethniques, a validé la loi sur les tests ADN. Avec quelques réserves cependant. Le Parti socialiste a estimé pour sa part qu’avec les réserves apportées, la loi est de fait vidée de son sens (donc qu’il y a vu une victoire) mais l’UMP s’est félicitée de la décision du conseil qui a entériné sa proposition. (Voir aussi l’article de notre collaborateur, Matthieu Hérault, en page 11, sur les tests ADN).

San Finna

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