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Pr. Charles Kondi Agba, unique député du RPT à Lomé commune : "Le peuple togolais a choisi la paix et la tranquillité, plutôt que l’affrontement"

Publié le jeudi 15 novembre 2007 à 14h03min

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Le Pr Charles Kondi Agba est l’unique député élu du Rassemblement du peuple togolais (RPT), parti majoritaire à Lomé commune. Ministre d’Etat en charge de la santé, M. Agba se prononce sur le scrutin législatif du 14 octobre 2007 qui a conféré une large majorité à son parti, le RPT.

Sidwaya (S.) : Quels enseignements tirez-vous du scrutin législatif du 14 octobre 2007 que les observateurs ont qualifié de "transparent, libre et paisible" ?

Pr. Charles Kondi Agba (C.K.A.) : Les enseignements sont très nombreux. D’abord le président de notre parti qui est aussi président de la République vient de prononcer un discours à la nation très important (Ndlr : Faure s’est
adressé aux togolais le vendredi 02 novembre). De toute façon, c’est notre sentiment à nous tous. Nous avons remercié tous les acteurs qui ont contribué à ce succès au rang desquels, le président du Faso, Blaise Compaoré. C’est grâce à lui que nous avons pu enfin nous asseoir autour d’une même table, que nous avons pu trouver un minimum d’entente, un consensus pour aller aux élections. C’est la première fois au Togo que tous les partis participent à des élections législatives. Des partis et non des moindres, telle l’UFC, n’avaient pas été aux élections en 1994. Cette fois-ci, l’UFC a pris part aux élections législatives et, ça s’est bien passé. La communauté internationale y a mis du sien.

Les Nations unies, l’Union européenne, tous nos partenaires ont œuvré à ce que tout se déroule bien. Pendant de longues semaines, on a éduqué, sensibilisé, enseigné aux gens le comportement qu’il faut avoir avant, pendant et après pour qu’il n’y ait pas de dérapage. Ce pays est habitué aux violences politiques : violences pendant la campagne électorale, violences pendant le jour du scrutin, violences à la publication des résultats. Mais, cette fois-ci, grâce au consensus général dans lequel nous vivons aujourd’hui, il n’y a pas eu de violences. J’ai un sentiment de gratitude envers les Togolais, les candidats, les électeurs, nos partenaires, les pays frères et voisins qui nous ont soutenus pendant ces moments difficiles. Nous sommes satisfaits de ce dénouement paisible, et heureux que ça se soit passé ainsi. En tant que militant du parti qui a gagné aussi largement ce scrutin (Ndlr : le RPT a 50 élus sur 81), le plus surveillé du monde je ne peux qu’être satisfait. On n’a jamais vu ça. Dans les années 58, quand nous allions aux élections capitales qui ont vu la victoire des nationalistes contre les pro Union française, on n’a pas été autant surveillé. Plus de 3500 observateurs internationaux et nationaux. Ces élections ont été libres, claires, démocratiques. Enfin, le peuple togolais a choisi en allant voter massivement le 14 octobre, la paix et la tranquilité, plutôt que
l’affrontement.

S. : Pourtant, la 2e force politique, l’Union des forces du changement (l’UFC) de l’opposant Gilchrist Olympio a contesté les résultats sous prétexte que les décomptes ont été mal faits... Que répondez-vous ?

C.K.A. : Nous avons préparé ces élections ensemble. L’UFC est présente dans la Commission électorale nationale indépendante (CENI). C’est même l’un de ses membres qui a géré le matériel électoral : les urnes, les ordinateurs. C’est un peu simple pour ne dire pas simpliste de déclarer cela après avoir suivi le processus pas à pas depuis le recensement, le jour du scrutin et la proclamation des résultats. Il est regrettable que l’on puisse dire cela. Il faut savoir être un bon perdant. Il faut avoir du respect pour le choix du peuple. Il faut savoir être responsable. Dire que le décompte n’a pas été bien fait, c’est chercher des poux sur un crâne rasé. De tels propos n’ont pas convaincu grand monde.

S. : Voulez-vous dire par-là que l’UFC joue au mauvais perdant ?

C.K.A. : C’est le terme approprié. Quand on va à des élections, il ne fait pas bon de faire des "rédemontardes". Avant les élections, nous avons entendu des partis, pas seulement l’UFC, dire ceci ou cela. Beaucoup de partis pensaient remporter facilement ce scrutin et imposer pratiquement un Premier ministre au Président de la République. Malheureusement pour eux, la vérité des urnes leur a été défavorable. Au décompte final, ces partis ont zéro député. L’UFC, par la déclaration faite dans la presse locale, pensait sortir de ces élections avec près de 65 députés. Avec autant de députés, ce parti allait occuper les 4/5 du Parlement. La Constitution allait sans doute dans ce cas de figure connaître des aménagements sur mesure. Mais convenez avec moi qu’avec ce type de scrutin, il était prétentieux de pouvoir avoir 65 députés pour soi. Je reconnais que l’UFC est un parti important, solidement implanté. Mais, il y a un autre plus important et mieux implanté. Ce parti-là s’appelle le Rassemblement du peuple togolais (RPT).

S. : Après le verdict des urnes, l’enjeu aujourd’hui, c’est la formation du nouveau gouvernement, l’élection du président de l’Assemblée nationale. Le RPT peut-il accepter un Premier ministre ou un président de l’Assemblée nationale issu de l’opposition ? Comment se mènent les tractations ?

C.K.A. : Je ne saurais vous dire comment ça se passe. Je ne suis qu’un simple militant d’un parti. Je ne vais pas avoir la prétention de dire que je suis dans les hautes sphères. Mais le militant que je suis a quelques préférences. Ceci étant, la nature des négociations et la façon dont cela va se dérouler, nous éclairciront. Nous avons gagné largement : 50 députés sur 81. Dans le principe, nous pouvons aspirer à être président de l’Assemblée nationale et Premier ministre. Malgré ces possibilités, nous savons aussi que le chef de l’Etat est libre, que c’est dans l’union que nous pourrons gouverner, développer ce pays. Si dans les négociations, il ressortait que tel ou tel poste doit être occuper par consensus par tel parti ou tel autre, le militant lambda que je suis, adhérera à ce choix pour le calme et la paix dans ce pays. C’est de cette manière que nous pourrons aller à l’essentiel : développer le Togo. Nous nous sommes trop longtemps dispersés, distraits dans des querelles stériles et vaines et là, je reprends les propos du président Faure. Il est temps qu’on aille à la paix. J’ai été au gouvernement sous Eyadéma père, j’ai fait également l’expérience de l’exécutif avec Eyadéma fils. J’en conclus que le gouvernement d’union nationale n’est pas une mauvaise chose. En pareilles circonstances, les partis d’opposition envoient au gouvernement des hauts cadres, des techniciens compétents. Je suis du RPT mais j’avoue aujourd’hui que si nous avions eu cette vision auparavant, on ne dirait jamais que c’est chez nous que tout est bon. Chez nos frères d’en face, il y a aussi des talents qui peuvent apporter leur pierre à la construction de ce pays. Nous disons que si le Président décide que tel ou tel poste ira ici ou là, nous allons le suivre en ayant à l’esprit l’intérêt supérieur du pays.

S. : Vous avez été l’unique député élu du RPT à Lomé commune, le fief de l’UFC. Quel est le secret de votre réussite ?

C.K.A. : Nous voulions faire la preuve que Lomé commune n’est pas le fief de l’UFC. Lomé, c’est notre capitale. Le Togo compte environ 5 millions d’habitants dont 1/5 vit dans la capitale. Le Togo est un petit rectangle et je puis vous assurer que dans cette capitale, on trouve toutes les ethnies, toutes les sensibilités politiques aussi. Si vous me dites que tel parti a des fiefs, je vous dirai que le RPT a les siens aussi. Les originaires de ces fiefs même vivant dans la capitale gardent ce sentiment fort d’appartenance au RPT. Nous ne sommes pas du tout surpris dès l’instant où le scrutin n’est pas majoritaire à un ou deux tours. S’il s’agit d’un scrutin proportionnel où il faut additionner les voix, le RPT a sa chance partout
au Togo.

S. : Croyez-vous que la classe politique togolaise est prête aujourd’hui en terme de mentalité, pour amorcer le changement promis par le président Faure ?

C.K.A. : Nous sommes toujours dans l’apprentissage de la démocratie. C’est pourquoi, nous disons d’ailleurs à nos partenaires du Nord de nous laisser aller à un rythme pas trop soutenu. Nous devons prendre le temps de bien faire les choses. Il faut laisser le temps au temps. Ensemble, lentement et sûrement nous allons réussir. L’UFC veut qu’on change tout ici et maintenant. Nous, nous pensons qu’il faut aller étape par étape. Imaginez un président du RPT avec à sa droite un membre du gouvernement issu de l’UFC, un peu plus loin quelqu’un de la CDPA, plus loin encore un Premier ministre du CAR. Le changement, il est déjà là. Il y a 5 ans de cela, un tel tableau était inimaginable au Togo. Le jeune Président est arrivé avec des idées nouvelles. Nous avons commencé à les appliquer. Le bilan est déjà positif. Nous allons persévérer dans ce sens. Il s’agit de mener le Togo vers le progrès, l’amélioration, des conditions de vie des populations etc. Mais pas de précipitation au point d’aller trébucher !

S. : Est-ce cela qui a convaincu le peuple à voter pour le RPT ?

C.K.A. : Mais bien sûr ! Vous l’avez compris vous- même. Le peuple sait ce qui est bon pour lui (Rires). Il sait que les lendemains seront meilleurs si nous gardons notre calme et cultivons le premier bien commun : la paix.

S. : En tant que ministre de la Santé, quelles sont vos priorités à la tête d’un département aussi vital ?

C.K.A. : La santé pour tous est un vieux rêve que l’OMS caressait. Mais au fur et à mesure, on s’est rendu compte qu’il y a des écarts, des écueils importants à surmonter. Je dois dire qu’à ce jour (Ndlr : l’entretien a lieu le lundi 05 novembre), le problème majeur demeure les ressources humaines. Mon collègue du Burkina, celle du Congo Brazzaville et bien d’autres vous diront la même chose.

S. : Pourquoi ?

C.K.A. : Parce qu’emprunter de l’argent à des structures bancaires pour construire des centres médicaux, c’est possible. Encore faut-il pouvoir y mettre des médecins, des sages-femmes, des auxiliaires de santé, des infirmiers compétents, bien formés et motivés, bien payés pour leur donner l’envie de rester. Fort heureusement, au Togo, nous ne connaissons pas le phénomène des immigrés qui périssent dans les flots. Grâce à Dieu, nous avons pu tenir, bien que nous ayons traversé des périodes très difficiles. Même si ce sont de bas salaires qu’on donne aux gens, ils sont régulièrement payés. Lorsque l’aide à laquelle le Togo a droit à l’image des autres pays en développement va venir, nos propres ressources vont permettre des recrutements, de mieux payer
les agents.

Interview réalisée par S. Nadoun COULIBALY (coulinad@hotmail.com)

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