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Argentine : Passage de témoin sous la couette

Publié le mercredi 31 octobre 2007 à 07h13min

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On aura tout vu sur cette terre avec le politique. L’Etat d’Argentine dans la cuvette de l’Amérique latine vient de réaliser quelque chose d’inédit ; en tout cas pour le commun des Africains.

Ce pays vient d’opérer une transition à sa tête pour le moins spectaculaire. L’ex-première dame, Cristina Fernandez, la femme de Nestor Kirchner, président de cette république, vient d’accéder au pouvoir suprême. A l’issue du scrutin présidentiel qui s’est tenu dans ce pays le dimanche 28 octobre dernier, celle qui était jusque-là avocate, sénatrice et même conseillère de son mari de président va désormais prendre les rênes du pouvoir. Autant dire qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’une transition sous la couette.

C’est quand même une expérience unique en son genre que la présidence passe de mari à épouse. L’on a vu en Pologne la « dynastie de courte durée » des frères jumeaux Kaczynski, l’on a aussi vu des successions de père en fils comme au Togo ou au Congo démocratique, mais jusque-là, l’on n’avait pas idée d’une passation de pouvoir entre un président et « sa » première dame. Ce qui donne d’ailleurs un cachet assez extraordinaire à ce cas de figure.

Par cette élection de Mme Cristina Kirchner, l’Amérique du Sud vient de tordre le cou à son machisme. Après Michelle Bachelet au Chili, l’élection de Cristina Fernandez de Kirchner en Argentine confirme la « gendérisation » de l’exécutif. Et il faut même s’en féliciter. Car c’est aussi un signe d’ouverture démocratique. Cela démontre l’évolution des mentalités et plus précisément celle des sociétés latino-américaines.

C’est sûr qu’on n’assistera pas de sitôt à la vague féminine dans cette partie du monde après celle des Chavez, Lula et Morales, mais en tout cas, c’est la montée en puissance du sexe dit « faible » ces derniers temps. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil en Allemagne avec Angela Merkel, ou au Liberia avec Ellen Johnson Sirleaf.

En outre, quand on sait que derrière Cristina, les électeurs argentins ont distingué la candidate chrétienne de centre- gauche Elisa Carrio, l’on se rend compte que les deux principales présidentiables ont réuni à elles deux plus de 65% de l’électorat.

C’est la preuve que l’ex-première dame d’Argentine, qui sera investie dans ses fonctions le 10 décembre, ne vivait pas à l’ombre de son mari. Elle ne se contentait pas des dîners dans les salons feutrés ou encore des actions de solidarité aux relents propagandistes et fortement voyeuristes. Elle a su forger une personnalité, un nom qui lui a permis de se hisser sur l’échiquier politique. Elle a surtout su tirer parti de la popularité de son mari, qui reste pour beaucoup l’homme qui a sorti l’Argentine de la dramatique crise économique des années 2001-2002.

Mais maintenant ce qui est à craindre, c’est peut-être l’influence du « premier homme » sur le régime de sa femme, et qu’il continue d’agir en sous-main ; surtout qu’il se réserve déjà une poste de conseiller. Exactement comme faisait sa femme lorsque lui, il était au pouvoir. En ce moment, ce changement de façade n’est rien d’autre qu’une mise en scène.

L’on peut de se demander si l’élection de la première dame argentine ne va pas donner des idées à certaines épouses de président. Imaginons un jour que Chantal Compaoré accède au pouvoir ou que la bouillante Simone Ehivet Gbagbo soit investie présidente de la Côte d’Ivoire ; beaucoup en souffriraient sans aucun doute dans leur féodalité et crieraient à des manoeuvres dilatoires. Ils n’auraient pas tout à fait tort, car ces cas de figure frisent un peu la « dynastisation » du pouvoir.

Kader Traoré

L’Observateur

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