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Suppression de la carte de séjour : Gbagbo continue son show

Publié le mardi 30 octobre 2007 à 07h00min

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Laurent Gbagbo s’affiche en acteur de la réconciliation entre Ivoiriens et Burkinabè. Le président ivoirien qui se vante de n’avoir pas créé la carte de séjour pour étrangers en annonce la suppression pour bientôt. Mais les Burkinabè ne sont pas dupes : ils attendront de voir.

Constamment rappelé à l’ordre, Gbagbo veut-il encore faire diversion ? Généralement bien informées, les Nations unies ne s’inquiètent pas pour rien. En effet, l’échéancier résultant des Accords de Ouagadougou n’est pas respecté. Ainsi en est-il de la fameuse date des élections sans cesse remise à plus tard. Le prétexte ? Les audiences foraines qui traînent en longueur. Sur ce plan, les proches du président ivoirien n’ont pas encore convaincu de leurs bonnes intentions.

Certes, on ne peut nier la bonne volonté de certains responsables. Ainsi, on doit se féliciter d’un début de normalisation, notamment à Tabou où des Burkinabè auraient commencé à récupérer leurs biens. Mais les problèmes de fond perdurent : quid du foncier, des biens pillés, des fortunes dilapidées, des familles endeuillées ? Et ces personnes souffrant de séquelles diverses, surtout au plan psychologique ? Quelles dispositions sont prises pour faire face aux traumatismes consécutifs à la répression et à la peur constante du lendemain ?

Tout comme pour les accords de paix, le camp présidentiel ivoirien a besoin du Burkina Faso et de ses résidents vivant sur le sol ivoirien. Pour consolider la paix intérieure, mais aussi pour réhabiliter les leaders du FPI aux yeux du monde. Et pour sauver l’économie nationale du désastre : les Burkinabè sont utiles dans les plantations comme les services. Le port d’Abidjan voudrait aussi retrouver ses dockers et récupérer ses clients du Faso, sinon rallonger leur liste.

Gbagbo cherche à redorer son blason avant le lancement officiel de la campagne. S’il n’a pas inventé la carte de séjour, il l’a endossée et exploitée. Il aurait bien pu la supprimer à l’avènement de son régime. Pour ne pas l’avoir fait et pour en avoir abusé, il aura du mal à convaincre l’opinion de son innocence et de son ouverture d’esprit.

Le chef de l’État ivoirien songe à reconquérir son leadership régional terni par des années de politique xénophobe. Malgré ses insuffisances, la diplomatie burkinabè a pris du rayonnement. Son assistance est utile à qui revient de loin.

Gbagbo et les siens ont aussi besoin d’entamer la campagne sous de meilleures auspices.

En effet, plus les jours passent, plus l’adversaire donne des ruades : il évoque les échecs d’une politique qui a démembré le tissu social, ruiné et isolé le pays, hypothéqué l’avenir des générations présentes et futures. Gbagbo a donc intérêt à garder le monopole des médias surtout publics, jusqu’au déclenchement officiel de la campagne. Il lui faut se présenter en libérateur aux yeux des Ivoiriens et en démocrate ouvert au dialogue avec les peuples des autres pays. Mais chat échaudé craint l’eau froide, dit-on. C’est pourquoi l’annonce de la décision de supprimer la carte de séjour ressemble fort à une autre forme de propagange.

Elle intervient en effet sur le tard, après bien des désagréments dont on aurait pu faire l’économie. Cette fameuse carte de séjour dure depuis 1990. Elle constitue une entrave aux décisions de la CEDEAO et de l’UEMOA qui militent pour la libre circulation des personnes et des biens, de même que pour l’intégration des peuples.

Si, au départ, l’objectif visait à renflouer les caisses de l’État, par la suite, l’on a pu constater des dérives ethnicistes et tribalistes dans la manipulation de cette carte de séjour par les régimes qui se sont succédé jusqu’à l’ère Gbagbo. Ce dernier devrait donc faire preuve de plus de modestie, pour n’y avoir pas mis fin à temps. Plutôt que de chercher à cautionner le recours aux cartes d’identité nationales pour finalement isoler les étrangers-autres techniques ?-, il devrait, en tant que premier responsable du pays, s’acharner à abaisser la tension et à faire réculer les frontières de la suspicion. Il faut bannir à jamais la discrimination mais aussi les petites phrases assassines et les quolibets qui illustrent le mauvais état des rapports entre ceux qui reçoivent et ceux qui sont reçus.

Des leçons doivent être tirées de part et d’autre, suite à cette regrettable affaire de la carte de séjour. Les Ivoiriens ont aussi souffert du départ des étrangers, principalement les Burkinabè. L’économie ivoirienne en garde encore les séquelles. Aux Burkinabè aussi de savoir mieux s’organiser et faire preuve d’autodiscipline.

La preuve est faite qu’il ne faut jamais fuir ou mépriser ses racines. Pas plus que le pays d’origine ne doit négliger ses ressortissants pour qui l’exil permet aussi de se réaliser. Et parce que les arrivées massives déstabilisent, il importe de se doter d’une politique prenant en compte la situation des compatriotes résidant à l’étranger. Cela d’autant que bon nombre d’entre eux contribuent à la construction nationale par le rapatriement de capitaux au pays. De plus, l’expertise de ces ressortissants s’avère toujours très rentable.

Ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire montre que les professions de foi ne suffisent pas. Il faut réellement être à l’écoute des peuples à travers leurs porte-voix, comme le Tocsin, qui se porte à la défense de nos compatriotes en Côte d’Ivoire.

Au-delà des symboles, il faut se résoudre à suivre sérieusement l’évolution de la situation dans ce pays. Après avoir exploité les failles du système et voué les étrangers aux gémonies, Gbagbo cherchera à se présenter en homme de la paix, de la situation et de l’intégration des peuples. Les stratèges de sa campagne ne seront donc pas allés bien loin pour se trouver un axe de communication évocateur et qui le rende visible.

Tout compte fait, les Ivoiriens et les autres peuples africains, notamment ceux d’Afrique de l’Ouest, attendent de voir le maçon au pied du mur. Pour avoir vu le chef de l’État ivoirien et ses partisans manipuler l’opinion et faire des volte-face à n’en plus finir, ils sont prudents. Les Burkinabè en particulier, voudraient bien voir comment se comporteront désormais leurs hôtes à leur égard. Comment au quotidien, des grandes villes aux hameaux les plus réculés, la réconciliation se vivra. Entre simples habitants ou entre voisins. Entre collègues ou entre amis. Entre adeptes de religions différentes. Entre partisans ou adversaires de partis politiques. Entre autochtones et étrangers. Entre patrons et employés. Le respect réciproque, la coexistence pacifique, la tolérance et la solidarité prévaudront-ils réellement ? C’est à espérer pour le bien de tous.

Le Pays

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