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Salif Diallo : « Personne ne peut nous terroriser intellectuellement »

Publié le samedi 27 octobre 2007 à 09h47min

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Salif Diallo, Président du comité d’organisation du colloque international sur « démocratie et développement »

Le point d’orgue de la célébration des 20 ans de Renaissance démocratique du Burkina avec Blaise Compaoré aura été, sans conteste, le colloque qui s’est tenu du 14 au 16 Octobre 2007. Colloque qui a vu la participation de 135 partis politiques et associations de la société civile venus de 25 pays d’Afrique et d’ailleurs.

Le président du colloque, le ministre d’Etat Salif Diallo au terme des travaux a animé une conférence de presse pour donner les grandes lignes de leurs conclusions. L’occasion faisant le larron, les hommes de médias en ont profité tirer du ministre des réponses sur certaines questions brûlantes relatives à la double commémoration du 15-octobre. Nous vous proposons la conférence de presse dans son entièreté. Lisez plutôt !

M. le président, après avoir suivi avec intérêt pendant les trois jours qu’a duré le colloque, nous trouvons que les débats n’ont pas abordé des questions comme celles de la contribution de la diaspora africaine, de la presse dans la consolidation de la démocratie dans nos pays. Pourquoi ?

S D : Je crois que ce que vous dites n’est pas tout à fait exact parce que nous avons évoqué tout cela. Dans la déclaration finale de ce colloque, notre premier point l’était. Nous avons insisté sur le respect des libertés fondamentales en Afrique. Et pour nous, la liberté fondamentale s’entend également, les libertés d’opinion, les libertés de presse. Et certains intervenants sont revenus là-dessus. On ne peut parler de démocratie sans cette liberté de presse. Pour ce qui est de la diaspora, nous avons également évoqué la question mais sous l’angle de l’immigration de l’Afrique vers l’Europe, les problèmes que notre diaspora rencontre, sur les différents continents. Et je crois que le Président LULA du Brésil dans son intervention a montré tout le préjudice subi par toute l’Afrique. Nous devons effectivement respecter cette diaspora et l’amener à participer au processus de développement en Afrique. Nous n’avons pas traité la question de la diaspora en terme de … les Africains vivent mal en Occident. Parce que vous aussi de votre côté nous avons des critiques à votre endroit. Vous nous avez abandonné. Vous avez dans une certaine mesure abandonné le continent.

Quel bilan pouvez-vous tirer au terme de ce colloque ?

S D : Au terme de ce colloque, nous pouvons dire que ça été un succès. Tous les participants ont salué l’initiative du président Blaise CompaorE d’avoir organisé une telle rencontre de réflexion sur la démocratie et le développement en Afrique. Au cours des débats, différents sujets et thèmes ont été abordés, ce qui nous a permis au final d’adopter une plate-forme en douze (12) points. Cette plate-forme fait référence à la construction de l’Etat démocratique en Afrique, à la mise en place d’économies viables et au service des populations. Bien sûr cela va du traitement des questions des élections, à la question du commerce international de l’Afrique avec les autres continents. Nous avons vraiment fait le tour des questions et des problématiques qui se posent à nous en terme de développement de la démocratie et du développement.

L’autre aspect, c’est l’interaction entre ces deux thèmes. Le colloque est parvenu aux conclusions, qu’il ne s’agit pas de mettre une hiérarchie entre la démocratie et le développement, les deux thèmes doivent aller de pair. D’autres questions ont été soulevées, notamment celles liées aux conflits intra-africains. La problématique des conflits a fait l’objet de grands débats également. Au terme donc de nos échanges, il a été convenu que la réflexion puisse se poursuivre. Que ces genres de rendez-vous entre partis au pouvoir et partis d’opposition en Afrique puissent avoir lieu. Parce que la spécificité de ce colloque c’est qu’il a réuni aussi bien des partis au pouvoir, que des partis d’opposition, très critiques comme vous le savez. C’est vous dire que nous sommes parvenus à de bons résultats.

135 partis et associations ont été représentés à ce colloque et tantôt vous disiez qu’il y avait des partis au pouvoir comme ceux de l’opposition. Comment se sont déroulés les débats quand on sait que réunir ces groupes pour des débats sur la démocratie et le développement n’est pas chose facile, dans la mesure où les positions sur ces questions divisent ?

S D : Nous avons eu des débats extrêmement passionnés et passionnants. Parce que les communications se sont réalisées sur la base de documents, avec des thèmes précis. Nous avons eu des communications livrées par des enseignants et des chercheurs, nous avons eu des communications de partis politiques, et nous avons eu des communications de personnalités.

C’est pourquoi cela a eu un tel succès que les participants eux-mêmes ont demandé avec insistance, que le Burkina puisse rééditer cette réunion afin d’approfondir ces questions d’importance. Si je prends la question des élections, c’est l’une des rares fois que les partis au pouvoir et les partis d’opposition ont accordé leurs violons sur la mise sur pied d’un format unique pour le processus électoral. Et que ce format puisse être pris en compte par l’Union africaine, la CEDEAO et d’autres instances africaines. Pour que dans nos Etats, on puisse plus avoir des dénis de démocratie parce que les élections ont été mal organisées, les élections ont été l’objet de hold up quelque part. Les débats nous ont amené à voir que partout en Afrique, les mêmes problèmes reviennent. Aussi bien pour ce qui est de la démocratie, que les questions liées au développement et qu’il faut aller ensemble dans l’intégration des idées pour développer le continent.

Qu’est-ce qui sera fait avec les conclusions du colloque en ce qui concerne le Burkina Faso ?

S D : Comme vous le savez, nous avons toujours été en ce qui concerne notre pays, dans une position de dialogue avec les autres partis et même pour ce colloque, nous avons invité des partis qui ont décliné, dans leur liberté, cette invitation. Nous sommes dans une position de dialogue, et nous estimons que quelles que soient nos divergences, c’est par le dialogue qu’on peut effectivement avancer. Nous ne sommes pas de ceux qui prônent l’ostracisme ou le sectarisme. Nous pensons que nous sommes tous dans ce pays et nous pensons que nous pouvons évoquer tous les sujets quels que soient nos désaccords.

Le quinze octobre a été doublement commémoré dans notre pays, pensez-vous que ce colloque puisse être un catalyseur de rapprochement entre les deux positions ?

S D : Nous pensons qu’en dehors même du 15-octobre, nous devons poursuivre les échanges et le dialogue. Ceux qui refusent de dialoguer, parce qu’ils estiment qu’ils sont dans l’opposition je ne sais pas comment les qualifier. Des radicaux ? je pense que, quel que soit le sujet, on devrait, et il faut qu’on parle. Nous sommes sûrs que quelque part, il y a un minimum qui nous réunit, c’est la défense des intérêts du Burkina. Parce que, en dehors des partis, nous sommes des frères, et nous devons dialoguer.

Pensez-vous réellement qu’il était opportun pour vous d’organiser ce colloque ? Parce que, quoi qu’on dise, le débat fait rage sur la question de l’opportunité d’organiser un tel colloque alors que vos amis d’en face se recueillent sur une tombe ?

S D : Ecoutez, moi je n’ai jamais vu des gens qui veulent exprimer leur droit et leur liberté et qui empêchent d’autres, d’en faire autant. Ceux qui se réclament du mouvement sankariste ont organisé leur commémoration à leur manière, nous également, nous estimons que cette date a eu une incidence sur la vie nationale et nous avons organisé des manifestations liées à cela. C’est notre liberté, et c’est notre devoir également. Nous nous disons clairement, nous assumons notre histoire, nous l’assumons pleinement et entièrement. Et nous accordons également la liberté à nos contempteurs d’en faire autant.

Nous ne sommes pas pour la pensée unique au Burkina Faso. Nous ne sommes pas contre les libertés ici au Burkina Faso. Nous ne sommes pas de ceux-là qui ne veulent faire voir qu’une seule couleur. C’est contre justement de pareilles attitudes que les problèmes ont surgi le 15 octobre 87. Le fait de vouloir amener, contraindre, par la répression, les méthodes les plus bureaucratiques des gens à avoir une pensée unique, voilà la source du problème. Nous disons que c’est la liberté et personne ne peut nous terroriser intellectuellement. Le terrorisme intellectuel ne peut pas s’opposer à nous. Nous assumons cette histoire parce qu’elle est la nôtre. Nous ne faisons pas de fuite en avant. Il y a eu le 15 octobre 87 une situation difficile, qui a entraîné des pertes en vies humaines, il faut le reconnaître, cela est triste, cela est extrêmement regrettable.

Mais ce n’est pas pour autant que le Burkina Faso va s’arrêter de vivre et de fonctionner. Ce n’est pas pour autant que nous, nous allons nous terrer, parce que l’histoire s’écrira un jour et généralement, ce n’est pas ceux qui clament qu’ils ont raison qui ont souvent raison. Et nous disons que nous parlons aux générations futures pour restituer l’histoire de ce pays à travers ce débat, pour qu’effectivement, chacun de nous se sente dans ce pays. Il n’y a aucun complexe à se faire. Commémorer le 15-octobre ou une autre date au Burkina, ça fait partie de notre histoire. Ce n’est pas parce que quelques éléments ont tourné dans une caravane internationale que cela va nous empêcher de parler au Burkina. Ce terrorisme intellectuel-là, nous le rejetons et nous le condamnons.

Demain, si d’autres structures, d’autres partis politiques veulent célébrer des « basga » ou tel anniversaire, ils sont libres de le faire car nous, nous sommes d’accord parce que ça fait partie de la démocratie. Nous ne sommes pas partant pour en tout cas le blocage des initiatives des uns et des autres. Et vous le savez les sankaristes plus que quiconque s’expriment librement, ils participent aux élections, ils ont la liberté de faire ce qu’ils veulent. Et c’est le peuple burkinabè dans sa souveraineté qui tranche et c’est pourquoi nous avons la gestion des affaires publiques.o

par Frédéric ILBOUDO

L’Opinion

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