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Mariam Sankara : « La justice finira par aboutir, j’en suis convaincue »

Publié le vendredi 26 octobre 2007 à 07h35min

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Mariam Sankara

Mariam Sankara ne désarme pas. Vingt ans après l’assassinat de son mari, dix ans après avoir déposé une plainte pour assassinat, celle qui fut la première dame du pays estime que “tôt ou tard, la justice finira par aboutir car la vérité finit toujours par triompher”. Un optimisme qui se nourrit notamment d’une décision du Comité des droits de l’homme de l’ONU, mais aussi du rayonnement des idéaux de Thomas Sankara partout dans le monde et auprès de la jeunesse.

Que signifie pour vous ce vingtième anniversaire ?

Vingt ans ! Je n’ai pas encore fait mon deuil. Il en est de même pour la famille Sankara. Vingt ans et je ne peux toujours pas accepter la mort de Thomas. Je parle en tant qu’épouse et mère. Je vis cette mort comme un drame au quotidien. Vous savez que je n’ai même pas vu le corps de Thomas. Sa famille n’a pas pu organiser une cérémonie comme toutes les familles le font en cas de décès. La mère et le père de Thomas Sankara n’ont jamais pu aller sur la prétendue tombe de leur fils. Ils sont partis avec leur chagrin. En tant que militante, je dirai que Thomas Sankara est plus que jamais vivant. Son combat est d’actualité et s’impose comme ce qu’il y avait et est de mieux pour le Burkina Faso et l’Afrique et tous les peuples pour un devenir meilleur.

A Ouagadougou, deux manifestations distinctes vont se dérouler autour du 15 octobre, l’une organisée par le gouvernement, l’autre par les Sankaristes. Avez-vous le sentiment qu’il s’agisse d’une volonté de réappropriation de la mémoire ?

Depuis 1988, les sankaristes et les sympathisants commémorent le 15 octobre, date anniversaire de l’ignoble assassinat du Président Thomas Sankara. Cette année ils le font avec un accent particulier parce que c’est le vingtième anniversaire. Quant à la manifestation des gens du pouvoir, je ne pense pas que ce soit une tentative de récupérer la mémoire de Thomas Sankara. Ce serait honteux et insultant car il est su de tout le monde que le pouvoir de Compaoré est assis sur le sang de Sankara. Je n’ai jamais entendu parler de fête de la “Rectification”, peut-être que c’est tous les vingt ans que cela se fête.

Le Burkina a été condamné l’an passé par la Commission des droits de l’Homme de l’ONU et demande notamment à cet État signataire du pacte relatif aux droits civils et politiques des droits de l’homme d’instruire le procès de l’assassinat de votre mari que vous avez initié il y a dix ans. Pensez vous que ce procès va aboutir ?

Le Burkina Faso a ratifié en 1999 le pacte international relatif aux droits civils et politiques. Et le pouvoir burkinabé a toujours clamé qu’il existe un Etat de droit dans le pays. Dès lors, je ne peux pas croire que ce pouvoir ne puisse pas suivre les recommandations du comité des droits de l’homme des Nations-Unies, comme par exemple l’accès à la justice (mener une enquête sur la mort de Thomas), la reconnaissance du lieu de sa sépulture, la rectification de son acte de décès etc. Donc il appartient au pouvoir de s’y conformer en respectant son engagement à ce pacte international. Du reste, je suis convaincue que l’impunité ne saurait se pérenniser sur ce crime. Tôt ou tard, la justice finira par aboutir car la vérité finit toujours par triompher.

Aujourd’hui, à l’heure de nombreuses commémorations, que reste t-il selon vous de l’image de Thomas Sankara ?

La réponse est dans votre question. Comme vous le dites, les commémorations se font partout. En effet, elles témoignent que les idéaux de Thomas Sankara sont partagés par beaucoup de personnes au-delà du Burkina et de l’Afrique. Thomas Sankara est devenu un symbole de l’intégrité, un martyr pour avoir aimé son peuple et les autres peuples, un modèle pour la jeunesse.

20 ans après, une nouvelle génération émerge en Afrique. Quels sont les enseignements de Thomas Sankara et que reste t-il de son héritage ?

Vous savez la situation de la jeunesse aujourd’hui est davantage plus dramatique qu’hier. Voyez combien de nos sœurs, nos frères, nos enfants à la recherche d’un mieux être sont engloutis par la mer. S’ils sont obligés de quitter nos pays, de braver l’adversité à chaque pas, de risquer leur vie sur chaque vague, c’est bien parce que chez eux, aucune perspective ne s’offre. C’est parce que leur pays à mal à sa gouvernance politique et économique. C’est tout simplement parce que chez eux, ils sont sans existence. N’est ce pas pour éviter une telle situation que le combat dont Thomas Sankara était porteur prônait que une meilleure vie pour le peuple ne pouvait être que la résultante de ses efforts, ses sacrifices, et sa capacité à organiser de façon endogène son développement ?

Dans un de ses messages si je ne me trompe, Thomas à eu à dire que “là ou s’abat le découragement s’élève la victoire des persévérants”. C’est une adresse forte à la jeunesse, a tous ceux qui luttent pour vivre mieux et autrement. Il s’agit de ne pas baisser les bras, de se libérer des chaînes et de prendre en charge soi-même son destin car personne d’autre ne le fera à votre place.

Comptez-vous revenir un jour au pays ?

Le Burkina Faso est mon pays. Je compte revenir y vivre un jour.

Rémi RIVIERE

Bendré

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