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Médias au Burkina : La liberté de la presse comme levier au renouveau médiatique

Publié le mardi 23 octobre 2007 à 08h46min

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Vingt ans après la rectification de la révolution et le retour à la démocratie, le Burkina renoue avec la liberté de presse, levier du renouveau médiatique.

Des néo-Etats indépendants de l’Afrique occidentale française, le Burkina s’était très vite distingué, comme un Etat des libertés. Liberté démocratique, liberté de la presse… et toutes les autres formes de liberté ont fait du Burkina un exemple, maintes fois cité en référence. Mais dès 1966 le cours de l’histoire va changer et le pays des Hommes intègres va vivre une situation mi-obscure, mi-claire qui va perdurer jusqu’à l’avènement de la Révolution le 4 août 1983.
Tous les espoirs placés au pouvoir révolutionnaire en matière des libertés fondamentales seront déçus.

En incendiant l’unique journal privé paraissant au quotidien, L’Observateur, en juin 1984, la Révolution burkinabè venait ainsi d’assassiner la liberté de la presse et instaurait de fait un monopole étatique sur les médias.

A l’image des régimes communistes, la Révolution burkinabè imposait aux médias d’Etat une mission de propagande et de conscientisation du peuple. Tout média qui n’était pas pro-révolutionnaire devait disparaître.
C’est dans ce contexte où toutes les libertés étaient bafouées, qu’est intervenu le mouvement de rectification de la Révolution le 15 octobre 1987. Très vite le nouveau pouvoir révolutionnaire incarné par le Front Populaire (FP) donne des gages pour le respect des libertés fondamentales. Son président, le capitaine Blaise COMPAORE, assure dans son discours fondateur du 19 octobre 1987 une ouverture politique et manifeste une volonté de démocratisation.

Mais il a fallu attendre tout de même 1990 pour accorder une autorisation de réapparaître à L’Observateur. Preuve s’il en est que la liberté de presse est à nouveau reconnue dans notre pays. Et le retour de L’Observateur dans les kiosques en 1992 après moult péripéties va sonner l’heure du renouveau médiatique.

Le printemps de la presse au Burkina

Entre 1990, année des conférences nationales souveraines en Afrique et juste après le sommet de la Baule de 1991, la 16e des conférences France-Afrique, les Etats africains vont vivre ce que les analystes ont considéré comme le printemps de la presse. Le Burkina n’a pas échappé à cette nouvelle donne. La liberté de la presse dont il jouissait lorsqu’il accédait à l’indépendance était d’essence coloniale. En effet, la loi française sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 donnait un semblant de liberté aux colonies. Les autochtones mêmes « évolués » n’avaient pas le droit de créer leurs propres journaux. Seuls les citoyens français pouvaient en éditer.

Le général Charles DE GAULE entrant dans Paris le 26 août 1944 ordonne la nationalisation de toute la presse écrite et audiovisuelle. L’Etat devient le garant de la vérité. Cet héritage colonial va intelligemment être exploité par les nouvelles élites nationales. Elles vont invoquer la recherche de « l’union nationale » pour étouffer toute presse critique.

Ainsi donc la loi 58 Al du 31 août 1958 relative à la liberté de la presse au Burkina Faso n’était qu’une pale copie de la loi française de 1881.
C’est avec le retour à la démocratie en 1991 que l’on va assister à une évolution notable du cadre juridique de la presse, processus que le Sommet de la Baule viendra renforcer. Au Burkina le pluralisme de la presse est désormais une réalité. Ainsi à partir de 1990 le pays va connaître son printemps de la presse. La naissance de divers types de médias : médias contre-pouvoir, médias modérées, médias satiriques…, va traduire cette liberté de presse retrouvée. La première radio libre d’Afrique francophone (Horizon. FM) est créée en 1991, par Moustapha Labli THIOMBIANO à Ouagadougou. Aujourd’hui le Burkina compte plusieurs dizaines de radios FM privées et communautaires.

Trois chaînes de télévisions privées diffusent en toute liberté. Sans se tromper, l’on peut affirmer que depuis 1990, le Burkina connaît un véritable renouveau médiatique. La création et l’institutionnalisation du Conseil supérieur de la communication (CSC) autorité de régulation a fini de convaincre sur la volonté de disposer de médias libres au Burkina Faso.

La presse comme modérateur social

La peur entretenue par les premières élites nationales quant au danger que représentait une presse libre n’avait plus lieu d’être. Car au Burkina, les médias ont su jouer leur rôle de modérateurs sociaux. L’Observateur Paalga, le Pays, l’Express du Faso pour ne citer que ces quotidiens jouent à merveille leurs partitions. Pour les périodiques, le Journal du Jeudi (JJ) s’est illustré dans le journalisme satirique. Même les titres tels que L’Indépendant, L’Evènement, San Fina, L’Opinion, l’Hebdomadaire… dont les lignes éditoriales sont tranchées sont restées dans les limites de l’acceptable.

Les radios et les télévisions apportent, elles aussi, leur touche pour donner au Burkina des médias responsables, même si parfois il faut dénoncer certains abus et écarts qui sont beaucoup plus le fait du non-respect de certaines règles déontologiques que de la volonté de nuire à tout prix. Au total la presse nationale est créditée pour la qualité de ses prestations.

La naissance d’une presse contre-pouvoir

La dynamique d’une démocratie réside dans sa capacité à tolérer l’existence de contre-pouvoir. Une démocratie ne peut exister et être crédible sans une opposition politique, sans une société civile combattante et militante, sans des médias critiques… Il faut donc éviter d’avoir une peur bleue de tous ceux qui ne pensent pas comme le pouvoir, car les contre-pouvoirs participent plutôt à consolider le pouvoir par leurs critiques constructives.

Longtemps mise sous l’éteignoir, la presse militante et de combat a comme retrouvé une nouvelle jeunesse dans les années 90. Le Burkina n’échappe pas à cette réalité. Les médias d’opinion ont donc fait leur apparition à la faveur du renouveau démocratique. Les premiers titres à s’inscrire dans ce registre sont la Clef (qui ne paraît plus) et L’Indépendant.

A ces deux titres viendront s’ajouter d’autres journaux qui se distingueront par leur opposition au pouvoir. Cette presse d’opinion va ainsi se transformer en un contre-pouvoir, favorisée en cela par une opposition politique cliniquement moribonde.

Aujourd’hui, L’Indépendant, L’Evènement, le Libérateur, San Fina… se distinguent par leurs articles souvent très critiques contre le pouvoir. Tout est peint en noir, même si parfois quelques bons points sont donnés pour ne pas paraître comme de simples relais des officines politiques opposées au pouvoir. L’existence de ces médias contre-pouvoir sont la preuve que la liberté de la presse est une réalité au Burkina. N’en déplaise à ces mêmes organes qui aiment à soutenir le contraire.

La liberté de la presse à l’épreuve des faits

L’évolution du cadre juridique et le pluralisme médiatique à eux seuls ne suffisent pas pour affirmer que la liberté de la presse existe au Burkina. C’est pourquoi cette liberté de presse doit être confrontée à l’épreuve des faits. Il est vrai qu’en prenant en compte cette hypothèse, quelques couacs sont à signaler, même s’ils ne sauraient déprécier le mérite des gouvernants actuels. Il faut noter que les institutions républicaines nationales (Présidence, Gouvernement, Parlement…) pour ne citer que les trois principales n’ont jamais intenté de procès contre les médias.

Les procès contre les journalistes ont été le fait de citoyens qui se sont sentis lésés, diffamés. En rappel les procès historiques de Me Halidou OUEDRAOGO (président du Collectif) contre L’Opinion et L’Hebdo, et tout dernièrement celui de François COMPAORE contre L’Evènement qui ont tous été reconnus coupables et condamnés. Aussi curieux que cela puisse paraître, alors que le défenseur des droits humains demandait des dizaines de millions pour laver son honneur, le conseiller du président, lui, demandera juste le Franc symbolique.

Si des journalistes sont allés en prison, cela n’a jamais été le fait du pouvoir politique. D’ailleurs sous la IVe république, cela n’est arrivé qu’une seule fois pour un journaliste dans l’exercice de ses activités professionnelles. Toutefois dans l’exercice de leur fonction les hommes de médias connaissent quelques fois des tracasseries qui sont le fait du zèle de certains éléments de la sécurité ou de l’Administration. La seule vraie tâche noire est l’assassinat du journaliste Norbert ZONGO le 13 décembre 1998. Et surtout l’utilisation qui en est faite puisque jusqu’à preuve du contraire, aucun fait matériel ne l’impute au pouvoir.

Mais qu’à cela ne tienne, ce drame si gravissime soit-il ne suffit pas à lui seul pour renier l’existence de la liberté de la presse au Burkina, car le pouvoir politique n’est ni responsable, ni coupable. La preuve en a été donnée par la Commission d’enquête indépendante qui a été contrainte de reconnaître qu’elle n’avait aucune preuve contre lui.

Honorable, peut être la note à attribuer au Burkina pour le respect de la liberté de la presse, mais on pourrait tout aussi ajouter peut mieux faire. Autant pour le cadre juridique que les conditions d’exercice de la profession, il reste encore beaucoup à faire pour que la liberté de presse au Burkina soit sans reproche. Même dans cette occurrence, il y aura toujours de possibles améliorations à faire tant il est vrai qu’aucune œuvre n’est parfaite et que nulle part au monde, la liberté de presse ne connaît des couacs.

L’Opinion

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