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De la Rectification à l’Etat de droit

Publié le mardi 23 octobre 2007 à 08h59min

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Dans un monde où dame nature ne l’a pas gâté en matière de ressources économiques pour son développement, le Burkina Faso, pays de l’hinterland africain que d’aucuns, au moment des indépendances, disaient « non-viable », a connu une évolution politique des plus atypiques sur le continent.

Il aura vécu moult soubresauts et expérimenté nombre de systèmes politiques. La Révolution du 4-Août 1983 marquera inexorablement le point de rupture dans cette évolution d’autant que génératrice d’un nouvel état d’esprit et d’une nouvelle démarche politique.

Une expérience qui connaîtra un recadrage avec le mouvement de Rectification du 15 octobre 1987 qui insufflera une nouvelle dynamique à cette évolution politique avec aux manettes, Blaise COMPAORE. De 1987 à 2007, cela fait 20 ans que le Burkina Faso vit une continuité avec des acquis indéniables sur tous les plans qui font de lui un exemple à part entière dans la sous-région ouest-africaine au point que ce ne serait exagérer de parler de « modèle burkinabè ».

Le Burkina Faso (anciennement République de Haute-Volta) depuis son accession à l’indépendance le 5-Août 1960, aura vécu un parcours politique aussi atypique que le fut l’Avant-Indépendance qui a vu ses fils se battre pour la reconstitution de cette entité politique que le colonisateur, jugeant pas viable au plan économique, avait préféré démembrer pour l’adjoindre aux trois anciennes colonies qu’étaient le Soudan français (actuel Mali), la Côte d’Ivoire et le Niger. Les nouveaux citoyens voltaïques déjà aguerris au combat politique ne laisseront pas l’arbitraire s’installer dans le pays si fait que les nouvelles autorités avec à leur tête le premier président de la République, Maurice YAMEOGO, feront vite face à des mouvements de contestation qui aboutiront à la déposition de la 1ère République, le 3 janvier 1966.

Ainsi donc, très tôt les troubles politico-sociaux vont installer plus d’une décennie de vide constitutionnel pendant lequel le pays va connaître plusieurs régimes politiques d’exception. Le Colonel Sangoulé LAMIZANA (devenu plus tard Général) qui a pris le pouvoir en 1966 dirigera avec « une main de fer dans un gant de velours », l’expression est de lui, un régime militaire jusqu’en 1978 après avoir expérimenté une cogestion avec les civils en 1974 dans son Gouvernement de renouveau national (GRN) ; c’était la 2e République.

En 1978, prenait place la 3e République après une élection présidentielle des plus épiques, le président sortant, le Général Sangoulé LAMIZANA, ayant été mis en ballottage par M. Macaire OUEDRAOGO, jusqu’alors inconnu de la scène politique mais « porté » par le premier président du pays, Maurice YAMEOGO. La fracture politique déjà profonde augurait de lendemains pas en tout cas enchanteurs pour cette 3e République qui connaîtra pratiquement le même sort que la première, balayée qu’elle sera le 25 novembre 1980 par les militaires à la faveur de mouvements sociaux dirigés par les syndicats de travailleurs, d’étudiants et d’élèves.

Ainsi, s’installait le régime du Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPM) avec le Colonel Saye ZERBO, qui sera renversé à son tour par le Commandant Jean-Baptiste OUEDRAOGO, le 7 novembre 1982, qui installe le régime du Conseil du Salut du Peuple (CSP), qui lui aussi cèdera la place au régime du Conseil national de la Révolution (CNR) dirigé par le Capitaine Thomas SANKARA, le 4 août 1983 ; puis le mouvement de Rectification mené au sein du CNR instaure le régime du Front Populaire (FP) le 15 octobre 1987 avec le Capitaine Blaise COMPAORE aux commandes. Le Front populaire qui crée une décrispation politique amorce une ouverture politique en direction de tous les acteurs politiques et conduit des réformes qui aboutiront à l’adoption d’une nouvelle constitution le 2 juin 1991.

L’espoir recréé

L’avènement de la Révolution incontestablement bouleversera les us politiques et renouvellera la classe politique au Burkina. S’inscrivant dans la perspective de débarrasser les populations des entraves qui ont hypothéqué leur émancipation afin de les conduire vers le développement, les révolutionnaires du 4-Août dont les Capitaines Thomas SANAKRA et Blaise COMPAORE vont susciter un immense espoir. Certaines initiatives vont marquer de manière positive, le Burkina Faso sur les plans politique, économique et social. Moment d’exaltation certes, mais l’on notera au bout de sa quatrième année qu’il y avait comme une symphonie mal construite, les premiers responsables de la Révolution ne s’accordant pas (c’était un secret de Polichinelle) et le peuple se sentant de plus en plus désemparé. A peine 4 années de vécu et l’on était déjà dans l’impasse, certains se demandant si la Révolution ne s’était pas vite essoufflée.

Toujours est-il que des dérives telles le désir manifeste de tuer le secteur privé et les initiatives individuelles, la confiscation de la liberté d’opinion, les licenciements abusifs et à la pelle, l’arbitraire des tribunaux populaires de la révolution (TPR), les exactions des comités de défense de la Révolution (CDR) vont finir par rendre le régime impopulaire. Cette situation conduit à l’avènement du mouvement de Rectification, le 15octobre 1987, qui voit le Capitaine Blaise COMPAORE devenir le président du Front Populaire, nouvelle instance dirigeante et chef de l’Etat. C’est une ère nouvelle qui s’ouvre par l’implication de toutes les composantes sociales pour une ouverture démocratique.

Cet acte fut concrétisé par des mesures hautement symboliques comme l’annulation du port obligatoire du Faso Dan Fani, de la pratique obligatoire du sport de masse, ainsi que par des mesures de clémence et d’amnistie en faveur des opposants les plus déterminés. Pour éviter tous errements, le capitaine Blaise COMPAORE tient le gouvernail politique du Front Populaire qui n’a eu autre but que d’offrir le changement, gage d’une nouvelle ère démocratique. Cela a contribué à mettre le Burkina Faso sur les rails de la démocratie et du multipartisme.
Pour opérer une rupture d’avec les acquis des régimes précédents, le leader du Front Populaire dans son discours du 19 octobre 1987 prônait déjà l’ouverture politique, basée sur la concertation.

Mieux, son message de fin d’année 1989, évoque dans son esprit la nécessité d’un environnement institutionnel légalisé, accepté par la majorité de la population au moyen de mécanismes démocratiques. En mai 1990, une commission fut créée pour l’élaboration d’une constitution où toutes les couches sociales (partis politiques, leaders religieux et coutumiers, les mouvements de droit de l’homme) furent représentées. Le processus prit un an et demi. En octobre 1990 l’avant-projet de constitution fut amendé et complété.

Du 14 au 16 décembre 1990, des assises se sont tenues à la Maison du peuple qui ont servi de dernier filtrage dans l’élaboration de la constitution. Une fois la constitution adoptée, le président du Front Populaire, Blaise COMPAORE, convoque une table-ronde pour discuter de sa mise en œuvre. Un groupe de partis avec à leur tête, l’ADF (Alliance pour la démocratie et la fédération) s’est constitué pour exiger que la table-ronde soit souveraine. Ensuite ces partis se constituèrent en Collectif des Forces Démocratiques (CFD) conduit par Me Hermann YAMEOGO pour exiger la tenue d’une Conférence nationale souveraine (CNS).

D’autres comme le PAI (Parti Africain de l’Indépendance) s’opposèrent à cette initiative et créèrent l’ARDC (Alliance pour le respect et la défense de la Constitution) en soutien aux constitutionnalistes. Le projet de constitution élaboré sortait le pays de l’Etat d’exception en garantissant les libertés individuelles et collectives. La Constitution approuvée par voie référendaire le 2 juin 1991 a constitué incontestablement l’aspiration du peuple à un Etat réellement démocratique (93% de oui et 49% de taux de participation).

Ainsi le cadre général de l’Etat de droit fut fixé et le constituant burkinabè y définit le Burkina Faso comme un Etat démocratique, unitaire et laïc (tire II, art. 31) consacrant la séparation des pouvoirs en exécutif, législatif et judiciaire. Les premières élections devaient se tenir en décembre 1991. Bien qu’ouvert à tous les partis, l’opposition se retire en prétextant le refus des autorités de la tenue de la Conférence nationale souveraine (CNS).
Blaise COMPAORE, l’unique candidat, fut élu président par un score de 86,19% des suffrages exprimés.

Le nouveau président démocratiquement élu, en visionnaire, avait anticipé le changement au regard du bilan assez alarmiste des régimes communistes dont la chute du mur de Berlin en 1989 sonnait le glas. Ainsi Blaise COMPAORE adapta son pays au vent de mutations qui devait souffler sur le monde avec l’avènement au plan politique du processus de la démocratisation à la faveur du discours de la Baule dont la conditionnalité de l’aide des institutions de Breton Woods (Banque Mondiale, Front Monétaire International) devait forcément obéir à l’ouverture politique et la restructuration de l’économie par le programme d’ajustement structurel (PAS).

Ce pays qui dans les années 90 était « à la croisée des chemins » a derrière lui 16 ans de vie constitutionnelle normale, depuis 1991, ponctuée par 3 élections présidentielles, 4 législatives, 3 municipales, qui ont eu le mérite d’instaurer peu à peu les bases d’une culture démocratique au sein des populations. Au-delà, c’est le rétablissement d’un climat de confiance et de responsabilité collective assumée entre les populations et les politiques qui avaient fini de transformer le pays en un vaste champ de batailles idéologique et corporatiste.

Désormais, les mandats électifs sont auréolés de l’onction populaire résultante de leur élection au suffrage universel… Le pays une fois doté d’institutions démocratiques, avec une diplomatie des plus efficaces en faveur de la paix, géré d’une manière efficace et rigoureuse au seul souci d’améliorer les conditions de vie de sa population, de façon progressive et durable sera, sans doute, d’ici à l’horizon 2015, un pays émergent.

L’Opinion

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