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Renaissance démocratique : Relecture du discours du 19 octobre 1987

Publié le mardi 23 octobre 2007 à 08h41min

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S’il est une date de l’histoire du Burkina Faso qui a suscité et continue de susciter moult débats et polémiques, c’est bel et bien celle du 15 octobre 1987 qui marque l’avènement du mouvement de Rectification sous la conduite de Blaise COMPAORE.

Début d’un processus rédempteur et salvateur pour les uns, symbole d’une forfaiture pour les autres, chacun y va de ses convictions avec force et passion. A l’analyse des acquis engrangés par le peuple burkinabè depuis cette date, force est de reconnaître cependant l’utilité d’un acte qui aura permis de « recoudre » le tissu social mis en lambeaux par ceux qui avaient catégorisé le peuple oubliant que nul n’est bon ou méchant irrémédiablement et que même dans une telle occurrence nous appartenons tous à la même nation.

En parcourant le premier discours prononcé par le président du Front populaire le 19 octobre 1987, on se rend compte que l’une des raisons fondamentales de cet acte aura été de mettre fin au spontanéisme dans la gestion des affaires de l’Etat avec son corollaire de lendemain incertain pour le peuple burkinabè. Cette « politique du fait accompli » qui, si elle était « compréhensible » au début du processus révolutionnaire, ne pouvait qu’être « dangereuse au fil des ans, voire inadmissible du point de vue des orientations politiques, économiques, sociales et culturelles définies ». Une parenthèse pour dire que c’est ce souci de la rationalité et de la vision prospective qui ont fait placer l’an II de l’avènement du mouvement de Rectification sous le thème « Organisation et action ».

Dit autrement, le développement doit être conçu et planifié avant d’être mis en œuvre, ce que les mots d’ordre spontanés « décrétés » lors de meetings enflammés ne pouvaient permettre.

Et, comme tous ceux qui voulaient mettre fin à cette pratique étaient traités de « réformistes » et « d’ambitieux qu’il fallait promouvoir pour qu’ils se taisent », le débat démocratique et l’application stricte des principes révolutionnaires devenaient impossibles. Face à l’échec de sa stratégie organisationnelle dû à la résolution des patriotes, le président du CNR usera de menaces, d’intimidations et d’intrigues, ledit échec personnel étant inadmissible et intolérable pour lui. Ce n’était donc point pour assouvir des ambitions personnelles que lesdits patriotes ont pris les armes d’autant qu’un complot se tramait et devait être mis en exécution ce même 15 octobre 1987 à 20 heures.

En effet, alors que le comité central du CNR ne s’était point réuni depuis plus de deux mois, le 15 octobre, les membres de ce comité central furent avisés de la tenue d’une réunion de concertation à 20 heures au siège du CNR. Dans le même temps, des mesures étaient prises pour « arrêter et exécuter » tous les révolutionnaires qui refusaient la soumission et la démission.

Fort heureusement, la garde présidentielle et la sécurité du siège du CNR commises à cette tâche, se sont insurgées, ce qui a permis d’éviter ce bain de sang inutile. C’était donc à qui tirerait le premier, et, ce « dénouement brutal » dira Blaise COMPAORE, « nous choque tous, en tant qu’êtres humains, et moi (lui) plus que quiconque, pour avoir été son compagnon d’armes, mieux son ami ».

Autre raison de l’avènement du mouvement de Rectification, la volonté de réconcilier les Burkinabè entre eux, la politique sociale frontale du CNR ayant contribué à distendre les fils entre les révolutionnaires et les « réactionnaires » parmi lesquels étaient répertoriés les « féodaux », les commerçants véreux, les « tortues à double carapaces » (sic), etc. Une partie du peuple malmenée et spoliée de ses droits, comme ces milliers d’enseignants dégagés de la Fonction publique en 1984 et dont le sort n’était pas loin de ressembler à une tragédie grecque. Et, que dire des garants de la tradition, vilipendés à tout va du simple fait de leur appartenance à une couche sociale donnée ou encore de ces populations traumatisées par des CDR omnipotents qui régentaient leur quotidien à coup de slogans.

Un mimétisme malséant du bolchevisme, qui ne tenait aucunement compte de nos valeurs et ne pouvait que conduire à l’échec. Un « ressourcement » social qui devait se traduire au plan politique, par une ouverture large, afin que chaque fils apporte sa pierre à l’édification de la Nation. Il fallait aussi se réconcilier avec nos voisins les plus immédiats et plus généralement avec la communauté internationale, car, la nature belliciste de la diplomatie du CNR qui conduisait à des ingérences grossières dans les affaires intérieures des autres pays, avait mis à mal nos relations avec pas mal d’Etats.

Sinon comment comprendre que malgré ses prises de positions panafricanistes la Révolution ait conduit la deuxième guerre de l’histoire du pays contre un pays voisin. En résumé, la Rectification venait de mettre fin à la confusion des rôles entre la direction politique et l’exécutif et à la concentration du pouvoir de conception et de contrôle entre les mains du président du Faso. Aussi, la Rectification entendait battre en brèche la violation fréquente et consciente des principes organisationnels qui a donné naissance à une personnalisation du pouvoir et à une autocratie qui ne disait pas son nom.

Et, c’est tout cela que Blaise COMPAORE résumera lors de la clôture des assises nationales sur le bilan critique de quatre années de Révolution (tenues du 8 au 10 janvier 1988 sous le thème : « Revenir sur une juste pratique de la RDP ») en affirmant que « le peuple a besoin d’une révolution génératrice de ressources sociales inestimables… d’une révolution facteur de rapprochement entre les peuples ». La révolution continuera-t-il « est l’affaire des masses » et, « seule la dictature appartient aux dictateurs » tout comme « l’autocratie appartient aux autocrates ».

« Nous avons choisi le camp du peuple…, nous avons choisi de défendre l’interdiction de l’assassinat de tout un peuple ». Tout le reste n’est que thèses libres et théories savantes d’intellectuels en panne d’inspiration. Des mythes en somme.

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