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Législatives togolaises : La posture du mauvais perdant

Publié le lundi 22 octobre 2007 à 07h23min

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Gilchrist Olympio

Faut-il donc que sous nos tropiques les lendemains de scrutins débouchent inéluctablement sur des contestations électorales ? Tout le monde s’accordait pourtant à dire que, une fois n’est pas coutume dans ce Togo du clan des Gnassingbé où l’issue des élections ne dépendait pas de ceux qui votaient mais de ceux qui comptaient les voix, tout le monde donc s’accordait à reconnaître que cette fois-ci, les élections législatives du 14 octobre 2007 étaient ouvertes, sincères, libres et transparentes.

Et cela, nonobstant quelques irrégularités et dysfonctionnements liés notamment à l’usage abusif des votes par procuration ou à la pénurie (organisée ?) de timbres pour authentifier les suffrages. Pour la première fois en effet, tous les partis politiques (32 au total) étaient sur la ligne de départ pour se disputer les 81 sièges à pourvoir sur un total de 2100 candidats. Et on a pu assister à une campagne apaisée et civilisée dont les temps forts auront sans conteste été le meeting de Gilchrit Olympio, le leader de l’Union des forces de changement (UFC) dans le bastion présidentiel de Kaya et le jamboree du parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple togolaise (RPT) dans la citadelle imprenable de l’opposition au quartier Bê à Lomé. Tous ont donc pu aller et venir sans entraves pour vendre leur produit.

"Avant, raconte un activiste togolais des droits de l’homme, c’est après les élections que nous passions pour... compter les morts". Signe des temps. Après les législatives de 2002 boycottées par les principales formations politiques d’opposition et la présidentielle d’avril 2005 marquée par des violences et l’exil de milliers de Togolais, ce scrutin sonnait donc comme une "renaissance démocratique" dont du bon déroulement dépendait la reprise de l’aide économique de l’Union européenne gelée depuis 1993 pour cause de déficit démocratique. Et, cerise sur le gâteau électoral, les populations sont sortis massivement et le taux de participants culminait à 95% (de quelque 3 millions d’électeurs), preuve sans doute de la conscience aiguë qu’ils avaient de l’enjeu.

Mais il a suffi que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) annonce mercredi ses résultats partiels et provisoires pour que l’UFC crie haro sur le baudet et fasse planer la menace de lendemains électoraux incertains. Sur les 81 sièges de l’Assemblée nationale, le RPT, sous réserve de la proclamation officielle des résultats par la Cour constitutionnelle, rafle ainsi 49 postes soit une confortable majorité absolue contre 23 à l’UFC et 4 au CAR. Restaient donc en jeu 5 sièges, ce qui pourrait ramener le total de l’UFC à 25 environ.

Du coup, on se demande si, comme c’est souvent le cas avec ces opposants historiques de nos pays, Gilchrist n’est pas dans la posture du mauvais perdant. Fallait-il donc absolument qu’il gagne pour que le scrutin soit marqué du sceau de la sincérité alors même qu’il n’a pas, pour sa première participation depuis 17 ans, à rougir de son score et que le vrai perdant dans cette affaire est quand même le Comité d’action pour le Renouveau (CAR) du Premier ministre Yawovi Agboyibo avec ses ridicules 4 sièges ? En vérité, il faut reconnaître qu’au regard de la réalité du terrain politique togolais, les chiffres n’ont rien de surprenants. Car le Togo, fut-ce celui de Faure, ce n’est quand même pas le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou le Niger (pour ne citer que ces exemples) où les différentes forces s’équivalent à peu près. Bien au contraire, à l’image de pays comme le Burkina, le Gabon, le Cameroun, etc., on a un parti-Etat, le RPT, mieux implanté, mieux organisé et disposant de beaucoup plus de moyens pour faire la différence.

De surcroît quand il est servi par un découpage électoral hérité de l’ère Eyadéma forcément favorable aux maîtres du pays. Ajoutez-y la donne ethno-régionaliste très forte dans ces contrées qui permet au RPT de faire le carton plein dans la moitié Nord (où il n’a concédé qu’un seul siège) tout en piochant au Sud où l’UFC est certes en position de force sans être hégémonique, et vous conviendrez que l’opposition, même amenée par la légende vivante Gilchrist avait affaire à forte partie.

Pour tout dire, si l’UFC, qui a déjà écrit à la CENI pour dénoncer les irrégularités et réclamer le recomptage des voix "pour que les vrais résultats sortis des urnes soient acceptables par tous", est dans son bon droit d’user des voies de recours prévues par la loi électorale, il faut se garder des aventures susceptibles de replonger le pays dans le chaos au moment où, petit-à-petit, il sort la tête de l’eau. Forts de leur "minorité de blocage" si on peut l’appeler ainsi, le fils de Sylvanus Olympio et ses disciples gagneraient surtout à ne pas aller dans une combinaison gouvernementale quelle qu’elle soit mais à jouer le rôle que leur confère cette honorable deuxième place en faisant de l’opposition constructive et responsable. Et en pariant sur l’avenir au lieu de faire dans la contestation stérile.

L’Observateur Paalga

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