LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Témoignages : Les premières années de l’indépendance fêtées avec patriotisme

Publié le mercredi 12 décembre 2007 à 09h43min

PARTAGER :                          

Les premiers moments de l’indépendance étaient fêtées avec faste dans la fraternité et le patriotisme. Après 47 ans, certains anciens élèves et fonctionnaires de l’époque se rappellent ces temps forts de l’histoire de notre peuple. Témoignages.

Ibrahima Traoré, proviseur du lycée Philippe Zinda Kaboré, professeur d’histoire - géographie : "A notre temps, lorsqu’on n’était pas choisi pour le défilé, on pleurait". Le 11-Décembre est une date très importante de notre pays. Et si nous voulons que nos enfants soient des patriotes, il faut mettre en exergue cette date. Nous ne sommes pas si vieux, mais à notre temps, ou défilait en tant qu’élèves. Et lorsqu’on n’était pas choisi pour le défilé, on pleurait. Parce que tout le pays était là pour voir le défilé. C’était une fierté.
Aujourd’hui, tout, le monde parle de l’incivisme et de l’indiscipline. Mais qu’a-t-on fait pour rectifier le tir ? Les enfants n’ont plus de repère. Leur seul repère, c’est sortir protester. Ils ne connaissent pas les dates où leurs aïeuls et leurs parents se sont sacrifiés pour le pays. Il faut avoir le courage d’afficher les dates bonnes ou mauvaises qui ont marqué notre histoire et de les magnifier. Je ne dis pas de cultiver le chauvinisme. A chaque fin de cycle scolaire, on étudie l’histoire du Burkina. Au CM2, on donne la base de l’histoire aux élèves. En 3ème, on rappelle l’historique aux élèves en leur donnant l’essentiel. En terminale on revient encore sur le Burkina mais de façon approfondie.
Maintenant, c’est à l’université en Deug 1 et 2 que les étudiants en histoire et géographie étudient de long en large, l’histoire du Burkina en tronc commun. Nous au niveau du Zinda, nous avons programmé une conférence pour faire connaître les dates et leurs différences à nos élèves. La conférence se tiendra avant le 11 - Décembre. Que Dieu nous donne la force pour que chaque 11 - Décembre soit fêtée à la hauteur de son contenu.

Athanase Tapsoba, ancien chef de cabinet du ministre de l’Enseignement (Haute-Volta) : "Tous les débats politiques étaient rangés dans les tiroirs le jour du 11 - Décembre". Le 11 - Décembre me rappelle la proclamation de l’indépendance de la Haute-Volta, aujourd’hui Burkina Faso. Cette date m’a beaucoup marqué. J’étais chef de cabinet et à ce titre, j’ai suivi le défilé avec les officiels. Pour manifester leur joie, toutes les couches de la société voulaient participer au défilé. La fête à notre temps, commençait au soir du 10 décembre à 20 h par une retraite aux flambeaux à travers la ville de Ouagadougou. A partir de 21 h, les dancings refusaient du monde et ce, jusqu’à l’aube. Le jour même du 11 - Décembre, le grand défilé dure de 9 h à 14 h. Tout le monde y participait. Et les troupes traditionnelles de se retrouver à la place de la Nation pour continuer la fête. C’est vrai que les premières années de célébration d’une fête sont toujours les meilleures. Tous les débats politiques étaient rangés dans "les tiroirs" le jour du 11 - Décembre. Seul le patriotisme était la chose la mieux partagé. Chacun apportait sa touche à la réussite de la fête.
Aujourd’hui, il y a moins de patriotisme. Le civisme a baissé et personne ne se bat pour la nation. Ce constat est triste. C’est pourquoi l’idée de commémorer le 11 - Décembre 2007 est salutaire. Car cela a l’avantage de rappeler aux uns et les autres que nous appartenons à une seule nation. Les jeunes apprendront qu’ils ont une histoire. La fête du 11 - Décembre ne doit pas être seulement l’affaire du président ou du gouvernement, mais une fête de tout le peuple.
A notre temps, la politique était un débat d’idées et non une affaire de personnes. C’était la fierté d’appartenir à une nation avec une jeunesse mobilisée autour des deux grands partis qu’étaient le RDA et le PRA. Il n’y avait pas de haine entre les éléphanteaux (RDA) et les lionceaux (PRA) mais avec le temps, les aspirations des peuples ont évolué.
Pour sauver les 11 - Décembre à venir, je ne suis pas un prophète, mais il faudra mettre l’accent sur l’éducation civique. Seule voie pour pérenniser la fête nationale.

Charles Tiao, promotion 57 du lycée Philippe Zinda Kaboré : "A une semaine de l’indépendance, l’ambiance était porteuse d’une nouvelle ère pour un peuple". Initialement, le 11 - Décembre a été la date de la proclamation de la République de Haute-Volta en 1958. J’étais en classe de 6e au cours moderne de Ouagadougou, actuel lycée Philippe Zinda Kaboré. Le jour du 11 - Décembre 1958, il y a eu le seul discours du président Maurice Yaméogo que nous avons écouté dans l’enceinte du palais de la présidence. Deux ans après, la Haute-Volta accède à l’indépendance, le 5 août 1960.
A une semaine de l’accession à l’autonomie, les préparatifs avaient pris une allure vive. Les élèves de Ouagadougou avaient été mobilisés, pour préparer les défilés. La fanfare ainsi que différentes troupes musicales et de danse étaient également mobilisées sur l’ensemble du territoire national. L’ambiance était porteuse d’une nouvelle ère qui allait s’ouvrir pour un peuple. Les habits se cousaient et les têtes se tressaient.
Et le 4 août 1960, la nuit de cette date, à minuit, le président de la République a prononcé un discours. Et après, il a souhaité que les festivités se poursuivent jusqu’au matin.
Le matin du 5 août 1960, aux environs de 9 h, il y a eu le défilé sur les champs Elysées, actuelle Avenue de l’indépendance. Au niveau de la tribune officielle, on pouvait voir le président, les membres du gouvernement, les députés.
Pour le défilé, les anciens combattants étaient en tête, les élèves de tous les établissements de la ville suivaient, ensuite les délégations des régions. Après eux, venaient les hommes, femmes et jeunes, les cavaliers, les militaires et les paramilitaires. Les véhicules militaires, les motos et les chars fermaient la marche. Pendant le défilé, arrivé au niveau de la tribune d’honneur, on tournait légèrement la tête vers les autorités et on tapait le sol du pied une seule fois. Après on se mettait de côté pour voir la suite du défilé. A la fin, on est retourné au lycée où un repas copieux et bien arrosé nous attendait. Après le repas on pouvait aller voir les danses populaires à l’actuelle place de la Nation.
Avec l’indépendance, les peuples avaient plusieurs aspirations. Sur le plan politique, on peut retenir que les aspirations ont été atteintes parce que les peuples ont accédé à l’autonomie. Mais sur le plan économique, il reste beaucoup à faire.

Mme Alice Tiendrébéogo, directrice du Fonds national à l’éducation non formelle : "Les jeunes générations ne connaissent pas le sens réel de cette date". J’avais 11 ans à l’époque des indépendances. Mais je me rappelle que dans le tribune officielle, on voyait le président de la République, M. Maurice Yaméogo, les membres du gouvernement et les députés, les invités venus des pays membres du Conseil de l’Entente et les représentants de l’ancienne métropole. Après 47 ans d’indépendance, on peut retenir que les aspirations politiques des populations ont été atteintes parce qu’elles ont acquis leur autonomie. Seulement les peuples avaient aussi des aspirations économiques qui jusque-là, n’ont pas encore été atteintes.
Il est vrai que la date du 11 - Décembre perd son importance avec le temps. Les jeunes générations ne connaissent pas le sens réel de cette date. Et pour moi, l’enseignement civique seul ne suffit pas pour lui redonner sa signification. En plus de cet enseignement, il faut que les aînés montrent le bon exemple aux jeunes.

Propos recueillis par
Issiaka DABERE
Jonathan YAMEOGO &
Jacques Théodore BALIMA
(Stagiaires

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique