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Togo : Pas de miracle pour les résultats électoraux

Publié le vendredi 19 octobre 2007 à 05h47min

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Il n’y aura pas eu de miracle dans les élections législatives togolaises. Les premiers résultats qui ont commencé à tomber donnent déjà une majorité absolue au RPT, le parti au pouvoir, soit 49 sièges. L’UFC de Gilchrist Olympio, dont la constance politique jamais démentie et le rôle majeur dans l’avènement du changement démocratique au Togo sont connus, vient loin derrière, avec 21 élus.

Les jeux sont faits et, sans surprise, le parti au pouvoir remporte des législatives qui se voulaient pourtant une étape de renouvellement du paysage politique togolais. Ces résultats mitigés pourraient, si l’on n’y prend garde, éclipser certains aspects positifs de ces premières élections consensuelles de l’ère post-Eyadéma. Il y a eu d’abord cette longue phase de négociations pour aboutir à une plate-forme électorale acceptable par tous, puis une campagne électorale et des élections sans violences. Les résultats actuels ont commencé à se dessiner quand est intervenu l’incident de la pénurie des vignettes.

C’était le tournant du scrutin car cette rupture de stock incompréhensible pouvait laisser libre cours à la fraude. D’ailleurs, l’UFC ne s’y trompe pas, lui qui a refusé d’avaliser les premiers chiffres fournis par la CENI. La crise que l’on redoutait tant est en train de prendre corps, si l’on en croit les propos lourds de menaces proférés par Jean-Pierre Fabre, secrétaire général de l’UFC. M. Fabre a ouvertement appelé la population à défendre sa victoire, ce qui sous-entend que des votes ont été volés à son parti. La réplique du RPT ne s’est pas fait attendre et accuse l’UFC de manoeuvres insurrectionnelles. Bref, la rhétorique incendiaire et virulente qui était en usage aux heures sombres du pays, refait dangereusement surface.

L’opposition a raison de se méfier du verdict des urnes. On lui en a donné l’occasion dès lors que l’affaire des vignettes est survenue. En plus de ce manque parfois suspect de matériel électoral, les observateurs de l’Union africaine ont noté un « usage abusif » des procurations. Mais comme les émissaires de l’Union européenne, ils diront certainement que ces irrégularités, selon la formule consacrée, ne sont pas de nature à remettre en cause la sincérité du scrutin. Il y a comme une logique non écrite selon laquelle le RPT doit remporter les législatives aujourd’hui et, demain, la présidentielle, pour assurer la continuité, gage, selon certains, de stabilité. Et tout semble être mis en oeuvre pour y arriver.

La rapidité avec laquelle l’UE a donné son satisfecit au déroulement des élections montre bien que l’on a hâte de tourner la page, mais de préférence avec Faure Gnassingbé et son parti aux affaires. Certes, une défaite du RPT est plus porteuse de troubles que celle de l’UFC. Cependant, une plus grande rigueur des observateurs aurait eu le mérite de ne pas créer une jurisprudence de la fraude. En effet, la banalisation de la pénurie de vignettes par l’UE peut donner des idées à d’autres pays qui pourraient violer à loisir et impunément tous les systèmes antifraudes patiemment mis en place.

Le jeune président togolais en lui-même ne pose pas problème. Si les acquis actuels ont été obtenus, c’est bien grâce à son ouverture d’esprit. Il a une fibre démocratique qui reste à être confortée. Mais arrivera-t-il à opérer la mutation démocratique, affublé de la vieille garde aux réflexes autocratiques, qui a servi son père et qui tient à préserver ses intérêts ? Ceux qui votent contre le RPT ne sont peut-être pas tous des militants de l’UFC dont le comportement n’est pas toujours sans reproche. Ils ne sont pas forcément contre Faure dont la jeunesse, la culture et le sens du dialogue peuvent séduire. Ils ont seulement marre de voir toujours graviter autour du pouvoir tous ces dinosaures qui ont aidé Eyadéma à tenir le pays en joug pendant des décennies.

Faure, qui n’était qu’un jeune homme occupé à ses études, ne peut être tenu pour comptables des dérives de son père et de son clan. Il a, de ce fait, des circonstances atténuantes. Mais il a des défis à relever s’il tient à conserver l’estime de son peuple malgré ces élections controversées. La nécessité de s’entourer d’une nouvelle génération de cadres de son parti, qui n’ont pas les mains tachées de sang, est évidente. En outre, la large victoire de son parti ne doit pas signer la mort de sa politique d’ouverture. Il devrait constamment tendre la main à l’opposition, quitte à elle de refuser de la prendre, parce que voulant assumer pleinement son rôle de contre-pouvoir.

La responsabilité de cette opposition dans la phase délicate actuelle est également très grande. Autant elle a fait preuve de sens du compromis en acceptant de participer aux élections malgré le déséquilibre évident (découpage électoral, mode de scrutin, moyens financiers à l’avantage du pouvoir), autant elle doit user de méthodes pacifiques pour revendiquer ses droits. A cet effet, l’UFC qui arrive en deuxième position et confirme sa place de chef de file de l’opposition, ne doit pas avoir honte de son score.

Les résultats qu’elle a obtenus malgré la machine mise en place par le RPT sont un signe qu’elle compte dans le coeur des Togolais. Reste à consolider cette relation avec ses militants dans le cadre des institutions républicaines. Car ces législatives ne sont qu’un pas dans la longue marche du Togo vers un véritable Etat de droit. Le miracle, à force de persévérance, viendra peut-être un jour.

Le Pays

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