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Commémoration du 15-octobre : La TNB, média de service public ou média gouvernemental ?

Publié le vendredi 19 octobre 2007 à 05h42min

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Ne nous voilons pas la face. La Télévision nationale du Burkina, la si bien nommée TNB, a flagramment violé le principe de l’équilibre de l’information dans sa couverture des manifestations du 15 octobre 2007. Et pourtant, l’organe de régulation des médias, le Conseil Supérieur de la Communication (CSC), a publié un communiqué invitant les médias publics et privés à une observation stricte de ce principe dans la relation des faits lors de ces célébrations et commémorations.

Mais, comme on a pu le constater, si ce principe est contraignant pour les uns, il ne l’est pas pour les médias gouvernementaux, essentiellement la TNB. Depuis le 11 octobre, nos écrans sont envahis par des images qui magnifient le président Blaise Comparé, son pouvoir et son parti. A la TNB, tout était Blaise Comparé. Il n’y avait quasiment plus de place pour autre chose.

La date du 15-octobre a été commémorée par un peuple divisé en deux camps. D’un côté, il y a eu le camp qui a fêté les 20 années de la "Renaissance démocratique au Burkina" avec le Président Blaise Comparé. Ce camp a tenu la majeur partie de ses manifestations dans la salle des banquets de Ouaga 2000. Ici, il y avait majoritairement les gens du pouvoir, en l’occurrence les militants du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), les Tanties de Blaise Comparé à qui revient l’initiative de cette fête et autres Amis de Blaise Comparé (ABC) et l’ensemble de leurs sympathisants.

Il y a eu un deuxième camp composé, lui aussi de Burkinabè ; mais ils commémoraient le 20e anniversaire de la disparition tragique du président du Conseil national de la révolution, le Capitaine Thomas Sankara. Autant la TNB a accordé une grande visibilité aux faits et gestes qui se produisaient dans le premier camp, autant, cette même TNB s’est acharnée à mi,imiser les faits quand elle était obligée de passer des images du second camp. Le déséquilibre était frappant et sautait aux yeux de tout le monde, même des profanes. Il y a eu d’abord cette faute de refus de diffuser le spot. Les Sankaristes croyaient en la sollicitude envers tous du média "de service public" qu’est La TNB. Mal leur en prit ! Pendant ce temps, c’était le grand zoom sur les 20 ans de pouvoir de Blaise Comparé sont diffusées en boucle sur notre "chaîne du plaisir partagé."

Cette attitude de la TNB a frustré plus d’un spectateur qui, las d’être gavé des mêmes images présentant les mêmes personnages disant les mêmes choses, ont été contraints d’aller sur d’autres chaînes ou simplement de vaquer à d’autres occupations. Mais pourquoi une telle attitude ? Qui a exigé tant de la TNB et de ses journalistes ? Le pouvoir en place ? Le Ministre de la Communication ? Les responsables de la TNB ? Ou est-ce seulement le zèle des journalistes qui les a guidés à commettre de telles fautes professionnelles ? Cette dernière hypothèse est fort improbable. Dans tous les cas, les uns et les autres qui croient qu’ils ont servi le pouvoir et ses responsables ont causé un tort au peuple. Et il n’est pas certain qu’ils rendent ainsi service au pouvoir.Le pouvoir ignorait-il les enjeux que comportait cette double célébration ? Et pourtanle même pouvoir a donné l’autorisation aux Sankaristes de commémorer à leur manière le vingtième anniversaire du 15 octobre 1987. La TNB a-t-elle voulu se montrer plus royaliste que le roi ? En verrouillant l’information comme elle l’a fait en cette période où un grand nombre d’étrangers séjournent au Burkina, elle a fait faire au régime une monumentale erreur stratégique. Si depuis 1987, Blaise Comparé et son pouvoir ne semblent pas parvenus à effacer l’image de Thomas Sankara de l’esprit d’une frange non négligeable des Burkinabè, c’est faire à Sankara et aux sankaristes une grande publicité que de procéder de la sorte. En boycottant quasiment les activités des Sankaristes, la TNB n’a fait qu’aiguiser, réveiller la curiosité, et inciter des gens à chercher à voir et à comprendre ce qui se passe de l’autre côté.

Il est un fait indubitable que le Président du CNR, malgré son bref passage à la tête de l’Etat burkinabè, a fait l’histoire de ce pays. Il est devenu l’histoire de ce pays. Personne n’y peut rien. A force d’animosité inconsidérée, ses adversaires le rende sympathique et mythique. Tout en exaltant les biens faits d’une renaissance démocratique, la TNB s’est comportée comme appartenant à un parti-Etat.

Jusqu’à preuve du contraire, la TNB est un média de service public, c’est-à-dire qu’elle est le patrimoine des quatorze millions de femmes et d’hommes qui habitent ce pays. Un média de service public doit s’interdire de se mettre au service exclusif du pouvoir dans un Etat de droit. S’agissant du Conseil supérieur de la communication, il est souhaitable qu’il réalise un monitoring de la couverture du 15-octobre, sur la base duquel il lui sera loisible de rappeler aux journalistes leurs devoirs minima en termes de respect de l’équilibre de l’information, un principe qui lui est au demeurant très cher, comme on a pu le constater en d’autres circonstances. Ce sera pour lui une occasion d’affirmer son indépendance et d’affirmer sa crédibilité.

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