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RD Congo : « L’équation » banyamulengué

Publié le mardi 16 octobre 2007 à 07h24min

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Les affrontements sanglants qui opposent troupes gouvernementales et soldats du général Laurent Kunda au Nord-Kivu, repose, avec acuité (au-delà de toutes autres considérations), la question de l’insertion et de l’acceptation des Congolais d’origine rwandaise, avec en filigrane le problème de l’intangibilité des frontières issues de la colonisation.

Lorsque Laurent Désiré Kabila entrait à Kinshasa en mai 1997, contraignant le maréchal Mobutu Sésé Seko à l’exil, il était aidé de diverses forces, parmi lesquelles les troupes rwandaises n’étaient pas les moins significatives. Faut-il le rappeler, l’actuel chef d’État-major de l’armée rwandaise a été le premier ministre de la Défense de Kabila-père, cependant que nombre de Congolais d’origine rwandaise étaient membres du gouvernement.

C’est dire que dans un premier temps, l’idylle était parfaite entre Kigali et Kinshasa, ce qui avait mis entre parenthèses la « question banyamulengué », à savoir donc tous ces Rwandais, qui avaient fui leur pays lors du génocide de 1960 et qui n’avaient plus jugé utile (pour des raisons économiques) de retourner au pays. Et auraient-ils eu cette fibre nationaliste, qu’ils n’auraient pu l’assouvir, au regard de la saturation de l’espace géographique rwandais. Minuscule Etat qui vient s’incruster dans la géante RD Congo, le Rwanda a besoin de « téter » aux « mamelles » de celle-ci, pour vivre. Quand tout va bien entre les deux capitales, la cohabitation est parfaite, les relations s’envenimant dans le cas contraire. C’est ce qu’il est advenu deux ans après l’avènement de Kabila-père, lorsque celui-ci a voulu se séparer de ses différents « tuteurs ».

James Karabahe et Azarias Ruberois, tous deux membres du gouvernement, seront contraints à « l’exil », le second ne revenant aux affaires qu’à la faveur de la période de transition politique qui a suivi la mort de Kabila-père. Lequel a, semble-t-il, été victime de ses velléités nationalistes, lui qui voulait avoir la haute main sur la gestion des énormes richesses de son pays. Un crime de lèse-majesté dans ce Congo où ce sont les compagnies étrangères qui font la loi, et où le gigantisme du territoire empêche l’Etat central d’étendre ses « tentacules » partout. Illustration, cette armée des « mutins » qui sème la terreur dans le Kivu, « adossée » au Rwanda, pendant que les interhamwés (ex-soldats de l’armée d’Habyarimana) les « accompagne ». La virulence de la mutinerie et l’incapacité (?) de l’armée congolaise à la vaincre, traduisent tout le ressentiment actuel de Kigali envers Kinshasa.

Ces frontières qui « dérangent »

On a vu que si Kabila-fils, s’est dans un premier temps, accommodé des divers soutiens de son « vieux » qu’il a réintégrés dans le jeu politique, il a, une fois sa légitimation opérée par les urnes, opté de revenir à une gestion plus « centrée ». Face aux contestations, Kabila opte pour la manière forte, ce qui a contraint Jean-Pierre Bemba à un exil « sanitaire » qui ne finit pas de finir. Au Kivu cependant, sa force semble avoir des limites au regard des soutiens dont jouissent les mutins, mais surtout du fait de la complexité d’une crise qui n’est pas loin d’être identitaire. Les bamyamulengués en effet, ne peuvent plus retourner au Rwanda, leurs intérêts vitaux étant au Congo d’une part et le manque d’espace au Rwanda, les obligeant à cet « exil intérieur », d’autre part.

Le Rwanda « ne fait que « 26 000 km2, et, avec ses cinq millions d’habitants, il est carrément au bord de la saturation démographique. Plus de collines à cultiver, plus d’espaces habitables, où iront loger les quelques deux millions de bamyamuilengués, si ceux-ci étaient expulsés de la RD Congo. Voilà qui n’est pas sans rappeler la crise ivoirienne en passe d’être résolue, et qui pose en filigrane, le problème des frontières issues de la colonisation. Tracées au gré des intérêts des envahisseurs qui n’ont pas tenu compte des réalités sociohistoriques de l’Afrique noire précoloniale, les frontières sont devenues sources de nuisance diverses de nos jours.

Et comme la défunte OUA les a légitimées à travers le principe de l’intangibilité (à Alger en 1964), il apparaît évident qu’elles ne cesseront d’empoisonner les relations entre voisins : Guinée-Equatoriale-Gabon Cameroun-Nigéria, Burkina-Faso-Bénin etc, autant de conflits latents qui illustrent la nocivité de ces frontières. A moins que dans un sursaut historique, nos dirigeants cessent de faire de la question de l’unité du continent, une arlésienne. Entre « pro MBeki », partisans de la marche par étape et « pro-Kadhafi » pour qui l’unité doit se faire ici et maintenant, il faudra vite trouver le juste milieu, l’unité du continent étant la condition « sine qua non à son » décollage économique. Pour en revenir au Kivu, les ressources minières rares dont il regorge et le jeu de positionnement des puissances « tutélaires » risquent de faire perdurer le conflit.

Washington qui est à la fois allié de Kinshasa et de Kigali, ne peut qu’observer une position médiane dans cette crise. Une crise dont se « nourrissent » aussi les marchands de canons et les nombreux trafiquants de pierres diverses. Tous les ingrédients d’une poudrière éternelle, en somme, ce qui entraîne la désaffection de la classe politique congolaise, plus préoccupée par le problème des « cercueils volants » qui endeuillent périodiquement les congolais. Comme quoi dans ce pays, le moindre mal est privilégié par rapport au pis-aller. Ce qui conduit forcément à la tragédie.

Boubacar SY (magnansy@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 17 octobre 2007 à 21:36, par André Mas En réponse à : RD Congo : « L’équation » banyamulengué

    Seulement 2 remarques
    1) Les banyamulenges (leurs grands-parents) sont sur le territoire actuel du RDC Congo depuis la période pré-coloniale ils avaient quitté le Rwanda pour échapper à des conflits avec l’autorité du Mwami du Rwanda. D’autres rwandophones mois nombreux de la région de Goma sont dans la même situation.Pour eux il n’est pas admissible que d’autres congolais leur conteste leur appartenance au Congo.
    D’autre Rwandophones sont venu sur le territoire du Congo Belge durant la période coloniale, il n’y avait pas de frontière, ils trouvaient de l’espace libre pour leurs cultures ou élevages, ils étaient également encourages par les autorités coloniales (d’autre ont été raflés pour être envoyés dans les mines du katanga, à raison de 10 hutu pour un tutsi , 10 ouvriers et un Kapita). Ils étaient donc sur ce territoire avant l’indépendance et pas toujours par choix. Ils ont été considérés comme congolais à l’indépendance peut on dire à leurs fils et petits fils qu’ils ne le sont plus ?
    A la période d’indépendance les Belges et l’église catholique ont choisi les hutus "bon nègres dociles" contre les tutsis trop indépendants. Des massacres de masse ont fait fuir les tutsi entre autre vers le congo ou ils ont trouvé une terre d’accueil (et ils restent reconnaissant de cet accueil). Des mariages nombreux entre rwandophones et autres groupes ont eu lieu, la situation est donc très complexe et ne se résoudra pas avec l’approche raciale voire raciste que l’on entend dans la bouche de trop commentateurs ignorants des réalités.
    2) Malgré le génocide et avec le retour de la diaspora du Burundi, du Congo de l’Ouganda et autre, la population du Rwanda n’est pas de 5 millions mais de 7 voire 8 millions.

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