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15 octobre : une date historique du peuple burkinabè

Publié le mardi 16 octobre 2007 à 08h13min

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C’est avec un regard, à la fois grave et amusé, que les observateurs de la scène politique nationale constatent depuis le début de la semaine dernière, placardés côte à côte, des banderoles et des affiches aux contenus divergents, et des titres contradictoires pavoiser la “ une ” des journaux.

Au même moment, des analyses et des commentaires ainsi que des témoignages les plus anodins aux plus révélateurs sur la Révolution du 4-Août 1983, sur la tragédie du 15 octobre 1987 et sur la commémoration du 20ème anniversaire de la renaissance démocratique avec Blaise Compaoré, inondent le paysage médiatique. Un véritable régal intellectuel que ce foisonnement d’opinions contradictoires et de passes d’armes verbales ! L’ancien Directeur général de l’UNESCO, M. Fédérico Mayor a sans doute raison lorsqu’il déclarait que “ la divergence d’opinons et l’esprit critique sont des éléments essentiels dans toutes les démocraties solides ”.

Outre la caravane Thomas Sankara, les marches - meetings, les animations culturelles, les expositions de produits, la caravane Ouaga-Pô et les méga concerts animés par des vedettes nationales et internationales, les temps forts de cette commémoration restent incontestablement les grands fora de réflexion : d’un côté, le Symposium international sur la pensée et l’action de Thomas Sankara organisé du 11 au 14 octobre par le Comité national d’organisation du 20ème anniversaire de l’assassinat du Président Thomas Sankara à l’Atelier Théâtre burkinabè et de l’autre, le Colloque international sur le thème “Démocratie et développement en Afrique ”, organisé du 14 au 16 octobre 2007 dans la salle de conférence de Ouaga 2000 par le Comité national d’organisation du 20ème anniversaire de la renaissance démocratique du Burkina Faso avec le Président Blaise Compaoré.

Si au sortir de ces longues et grandes manifestations autour de cette date mythique et passionnelle du 15 octobre on n’enregistre ni grabuge, ni invectives grossières, ni dérives caractérisées, on aura gagné et on sera un peu plus édifié sur la réalité et la vivacité de la démocratie burkinabè. L’expérience nous ayant montré la précarité et la dangerosité des régimes d’exception, n’est-il pas plus bénéfique de se délecter de débats contradictoires par médias interposés que de subir le diktat de la pensée unique et du terrorisme intellectuel propre aux Etats d’exception ?

Dans l’interprétation des événements du 15 octobre, chacun y va de sa sensibilité, en raison de sa charge fortement émotive et passionnelle. Renaissance démocratique, deuil ? En jetant un regard dans le rétroviseur de l’histoire, le 15 octobre 1987, avec le dénouement sanglant qui l’a marqué, apparaît avant tout comme une date douloureuse qui aurait dû ne pas arriver. Les chefs historiques de la Révolution n’ayant pas pu empêcher l’irréparable de se produire, on ne peut que le regretter, assumer, tourner cette page douloureuse de notre histoire et regarder vers l’avenir pour construire un Burkina démocratique à l’abri d’un retour éventuel de la chape de plomb de l’Etat d’exception ? La nostalgie, dit-on, est plus facile à cultiver que l’espérance. Cependant, les sages du monde enseignent d’emmener avec soi les trésors du passé, mais de ne pas revivre son passé, parce qu’il ne reviendra plus jamais.

La Révolution du 4-Août a suscité, il est vrai, un immense espoir, car comme l’a dit Blaise Compaoré dans “ Les Voies de l’espérance ”, “ cette révolution a d’abord été un moment de rêve pour tout un peuple qui voyait en elle l’avènement de son émancipation économique et sociale. Même en dehors de nos frontières, elle a fortement catalysé l’espérance des peuples africains qui ont massivement adhéré à son idéal... ”. Mais les griefs qui lui sont faits, à savoir l’absence de liberté, de démocratie, la dérive dictatoriale et finalement la crise aiguë au sommet de l’Etat, ont été à l’origine de son implosion.

Aussi, devrait-on à jamais bannir de nos jours les vieux réflexes de l’Etat d’exception qui habitent encore nombre de nos concitoyens.
C’est pourquoi, les comportements provocateurs et les slogans guerriers d’un autre âge, les tentatives d’entraver une partie des Burkinabè de faire leur célébration en toute liberté, les revendications sociales ou politiques intempestives et anarchiques en dehors des dispositions réglementaires…sont autant d’attitudes contraires à l’idéal démocratique qui mérite de nos jours d’être poursuivi et approfondi.
Vingt ans après la fin du Conseil national de la révolution (CNR), peut-on encore imaginer aujourd’hui un régime d’exception qui viendrait s’installer sur les cendres du processus démocratique en cours, sans que notre pays et sa population n’en portent profondément les stigmates douloureux ? Un tel anachronisme, à n’en pas douter, serait préjudiciable à tous et coûterait cher à la Nation entière.
Dans la diversité de nos opinions et options contraires mais enrichissantes, oeuvrons plutôt à consolider les bases de la démocratie, le système politique le plus répandu dans le monde de nos jours, un bien commun à l’humanité de notre époque.

En vingt ans de pouvoir de Blaise Compaoré, le père de la renaissance démocratique du Burkina Faso, le pays a changé sur bien des aspects. Les libertés individuelles et collectives sont de nos jours garanties, même si des dérives ont pu être constatées à certains moments du parcours vers la construction de l’Etat de droit. La constitution, adoptée le 2 juin 1991, est véritablement le socle sur lequel reposent les libertés et le processus démocratique, avec le pluralisme politique et la stabilité socio-politique. Dans leur ensemble, les institutions républicaines, jadis marquées par une instabilité caractérisée, sont en place et fonctionnent normalement aujourd’hui. Mais comme en toute chose, l’excès est nuisible. Les Grecs ont inventé dans l’antiquité la première ébauche de démocratie dans le monde, mais s’en méfiaient prodigieusement, dit-on. En effet, la démocratie était pour eux le plus souhaitable des régimes mais aussi le plus enclin à dégénérer dans la démagogie, l’anarchie et l’emportement aveugle des foules. C’est en effet le danger qui guette tout processus démocratique qui ne sait pas se discipliner et baliser les voies de son évolution, et où les parties prenantes ne jouent pas franc jeu.

Le 15 octobre 1987, un dénouement tragique s’est produit au sommet de l’Etat en crise. Le 15 octobre 2007 devrait donner lieu à une catharsis sociale, susceptible d’apaiser toutes les rancœurs et toutes les frustrations accumulées vingt ans durant. Cette date du 15 octobre, tout comme celle du 5 août 1960, du 3 janvier 1966, du 4 août 1983…, devrait désormais appartenir à l’histoire du peuple burkinabè, et non à une personne ou à un groupe de personnes en particulier. Tous les acteurs de la scène politique et sociale en tout cas sont interpellés afin de faire de cette date, la célébration du triomphe de la démocratie, de la quête du progrès économique et social et de la bonne gouvernance. De l’attitude des uns et des autres dépendra l’évolution du processus démocratique burkinabè : une démocratie apaisée à visage humain, réconciliant tous les Burkinabè ou une démocratie sous haute tension confinant à l’anarchie, source de violence.
Il appartient aux uns et aux autres de faire le bon choix, car comme le dit Rivarol “ la politique, c’est comme le Sphinx de la fable ; elle dévore tous ceux qui ne s’expliquent pas ses énigmes ”.

Par Jean-Paul KONSEIBO

Sidwaya

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