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Comméomoration du 15-octobre : Le docteur Hien au docteur honoris causa

Publié le jeudi 11 octobre 2007 à 09h26min

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Les préparatifs des commémorations controversées du 20e anniversaire du 15-Octobre ont commencé et la guérilla médiatique que se livrent les deux camps antagoniques (les sankaristes, qui entendent rappeler l’assassinat de leur idole, et les partisans de Blaise Compaoré, lesquels veulent célébrer les 20 ans "d’une renaissance démocratique", est loin de connaître une accalmie. Dans la présente lettre ouverte adressée au président du Faso, le Dr Fidèle Hien, ancien député à l’Assemblée nationale, nous apporte ici sa lecture de la situation.

Pour l’auteur de ladite lettre en effet, "si reconnaissance démocratique il y a eu, c’est seulement le 2 juin 1992", date de l’adoption de l’actuelle Constitution. "Le 15 octobre 1987 n’est que le début des années les plus noires du pays", soutient-il entre autres.

Excellence Monsieur le Président Permettez-nous d’user de cette formule de la lettre ouverte pour vous dire que nous avons des raisons d’avoir peur pour la cohésion des Burkinabé et, d’une certaine manière, pour l’avenir de notre Nation commune. Depuis plus d’un an, et faisant suite aux péripéties politico-judiciaires du dossier relatif à l’assassinat, le 15 octobre 1987, du Président Thomas Sankara et de douze autres personnes, des acteurs politiques et de la société civile ont convenu de consacrer l’année 2007 « Année Thomas Sankara ». A cet effet, ces acteurs, issus du monde entier, ont décidé de commémorer la mémoire de l’illustre disparu, à l’occasion du 20e anniversaire de sa mort, en organisant une série de manifestations à travers le monde et sur le territoire du Burkina. Comme réaction, tardive, à cette initiative, des organisations politiques et de la société civile se réclamant de vous, Blaise Compaoré, ont décidé, il y a quelques semaines, de l’organisation de contre-manifestations (car il s’agit bien de cela) pour, disent-elles, célébrer les 20 ans de l’accession au pouvoir de leur idole que vous êtes. Elles sont soutenues en cela par le parti majoritaire, le CDP, qui organise et anime la réflexion en son sein. Pour ce faire, l’administration communale de Ouagadougou a réquisitionné ou fait réquisitionner l’ensemble des espaces publics initialement pressentis par les initiateurs de « l’année Thomas Sankara » pour abriter leurs manifestations, prévues de longue date. Ceux-ci n’y auront donc pas accès. Et voilà les Burkinabé, dans leur frange consciente, partagés en deux camps, comme dans des tranchées que l’on s’évertue à approfondir, les uns au nom de la mémoire de nos héros disparus (c’est vous qui les avez faits héros, vous vous en rappelez...), les autres au nom de l’accession au pouvoir de l’homme fort du moment que vous êtes. Face à la réprobation d’une partie de l’opinion, vos amis décident de changer le thème de leur commémoration, pour célébrer désormais « la renaissance démocratique avec Blaise Compaoré ». Ce changement de thème, intervenu in extremis, ne change pourtant rien au tableau : les Burkinabé demeurent partagés dans les deux tranchées désormais hostiles.

Monsieur le Président Nous faisons partie de tous ces patriotes, pas communistes pour un sous qui, comme certains ténors actuels de votre entourage, ont porté dans leur cœur les espoirs suscités par la Révolution d’août 1983 et qui ont posé des actes au nom de ces convictions. Nous, nous assumons cette étape de notre parcours politique, au cours de laquelle nous avons fait nos armes. Les « rectificateurs » d’octobre 1987, nous en sommes persuadés, l’assument tout autant, du moins pour les moins opportunistes. Mais pour nous, comme pour la majorité des Burkinabé conscients, si « renaissance démocratique » il y a eu, c’est le 2 juin 1991, date à laquelle les citoyens de ce pays ont massivement choisi d’être gouvernés autrement, c’est-à-dire selon les règles de la démocratie universelle ; même si aujourd’hui beaucoup s’interrogent sur la qualité de la croissance du bébé. Au contraire, le 15 octobre 1987 marque sans conteste le début des années les plus noires de ce pays dans les pratiques de conquête et de gestion du pouvoir d’Etat. A cet égard, cette date mériterait tout sauf d’être célébrée comme celle de la renaissance démocratique.

Monsieur le Président Parce que vous avez pris l’initiative d’instituer, le 31 mars 2001, la Journée nationale de pardon (JNP) au Burkina Faso, après avoir fait appel au désormais historique Collège de sages pour vous guider, nous nous étions laissé convaincre de votre bonne foi, voire de votre sincère volonté de panser les plaies créées dans le corps social burkinabé par notre histoire politique récente. C’est pourquoi nous ne comprenons pas que vous puissiez cautionner, à peine six ans après, les tranchées de haine qui sont de nouveau en train d’être creusées dans le même corps social non encore totalement remis. Vous savez bien que chez vous les Mossis, le chef dont le nom traverse les âges n’est pas celui qui se sera révélé le plus craint parce que sanguinaire ou inique, mais celui qui aura su convaincre ses adversaires, à défaut de se joindre à son œuvre, de le laisser bâtir pour le bonheur du plus grand nombre. Dans les temps modernes, l’intelligence politique voudrait que ce soit le vainqueur qui sache tendre la main au vaincu, ne serait-ce que pour lui dire « lève-toi ; même si tu ne veux pas participer à l’œuvre que je mène, j’estime que nous pouvons toujours discuter des affaires qui nous concernent tous ». On vous dit un fin politique et un excellent stratège qui applique à la politique l’art de la stratégie militaire. Et nous n’avons pas de raison personnelle d’en douter. En revanche, ce qui est en train de se passer autour de ce 20e 15-Octobre nous fait craindre au plus haut point pour la cohésion de notre Patrie commune, dont les Burkinabè vous ont confié la direction. Organisez ou dites à vos amis d’organiser, un 2 juin, une fête de la « renaissance démocratique » et nous sommes persuadé que vous verrez y adhérer une large frange des Burkinabé, y compris une partie de vos contempteurs actuels ; ne serait-ce que dans l’espoir de sauver ce processus auquel ils ont cru.

Monsieur le Président Vous en avez fait des héros nationaux et le peuple Burkinabé en a pris acte. Vous avez ordonné que des monuments soient érigés en leur mémoire. Nous sommes convaincu que vous avez l’intelligence nécessaire pour donner le cachet moral qui sied à ce 20e 15-Octobre et gagner ainsi un peu plus d’estime de votre peuple. A moins que vous préfériez que l’on vous craigne... C’est pourquoi nous vous demandons de dire à vos amis de laisser tomber. Tout le Burkina, et vous en particulier, y gagneraient en considération et en grandeur. Veuillez croire, Excellence, à l’assurance de ma haute considération.

Ouagadougou, le 29 septembre 2007

Fidèle Gbâanè Hien,
06, BP 9248, Ouagadougou 06

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 13 octobre 2007 à 19:49, par Wend waoga En réponse à : Comméomoration du 15-octobre : Le docteur Hien au docteur honoris causa

    Bonjour à tous les internautes de lefaso.net
    Quand on lit un message de ce genre,on a peur de dire quelque chose après,de crainte de ternir l’éclat qu’il véhicule.
    Cependant,je ne peux m’empecher de dire ceci aux tontons,tantie et autres abc:nous sommes dans un état de droit,et celà implique que,étant tous burkinabè,nous nous devons de nous partager les biens publics que sont la Maison du Peuple,la Place de la Nation, le CBC etc...C’est votre droit de celebrer les 20 ans de pouvoir de Blaise Compaoré ( je réfuse d’employer le therme de "renaissance démocratique" ),tout comme il est du notre de commémorer une gifle qui a été administrée aux "nègres" que nous sommes pour avoir prétendu à une liberté vis-à-vis du "GRAND MAITRE".Pour ce faire,si votre "rénaissance démocratique" était à célébrer tant que ca,il est tout simplement du B-A=BA de la démocratie,que vous vous disiez " nous,burkinabè,voulons feter notre Blaise Compaoré,mais il se trouve que d’autres burkinabè veulent commémorer Sankara.Qu’est-ce qu’on fait ? On se partage les lieux pouvant abriter les manifestations !",point !Mais vous accaparez tout:administration,marchés de l’état,les entreprises,les concours de recrutement,les appareils judiciaires,une route avec un gros trou en son milieux peut blesser et tuer autant de personne qu’il pourra,l’essentiel est qu’il n’y ait pas un membre de votre famille parmi,et maintenant tous les lieux de l’état pouvant abriter des manifestations pour lesquels tout le monde sans exception paie des taxes dont les collectes servent à leur entretien !Est-ce à dire que vous seuls etes burkinabè ?Dans ce cas foutez tout le reste déhors et gardez le pays pour vous !Ne craignez rien,vous pouvez le faire,car vous avez le soutien de ceux qui ne veulent jamais entendre parler de liberté réelle des pays africains ! Ils vont vous soutenir jusqu’à vous pousser à toutes les extrémités qui conduiront le pays dans des situations qui le garderont toujours dépendant et esclave entre leurs mains.
    Mais nous, on ne veut pas de tous ces privilèges dont vous jouissez,on ne veut pas arracher votre pouvoir.Tout ce qu’on demande,c’est nous permettre de pleurer nos pertes !
    Quant au reste, l’histoire nous apportera sa petite lumière,alors à ce moment,certains dormiront du sommeil du juste,parceque n’ayant rien à répondre,d’autres ne dormiront pas du tout parceque n’en finissant pas de répondre face à l’histoire.

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